Non, l’ouragan Irène n’est pas « un stimulant pour l’activité économique ». Quand des propriétés sont détruites, les gens ont moins de richesses.
Par David Boaz (*), depuis Washington D.C., États-Unis
Article publié en collaboration avec le Cato Institute
Peu importe combien de fois les économistes tourneront en ridicule le sophisme de la vitre cassée, aucune catastrophe naturelle ne passe sans que les journalistes essayent de nous remonter le moral en disant « au moins, cela stimulera la croissance économique ». Cette fois-ci, c’est Josh Boak (aucune relation avec l’auteur), le journaliste économique (!) à Politico, qui « a fait ses classes à Princeton et Columbia ». Et dimanche après-midi, il a publié ceci :
Irene : Un coup ou un stimulant pour l’économie ?
Si les coupures d’électricité et les aéroports fermés peuvent arrêter les moteurs du commerce pendant plusieurs jours, l’ouragan Irène pourrait avoir apporté un stimulus économique à court terme de l’ordre de plusieurs milliards de dollars, qui seront probablement dépensés pour réparer les dommages sur la côte Est des États-Unis occasionnés durant le week-end.
Le président du cabinet de conseil Cumberland, David Kotok, a vu la tempête comme un soubresaut pour l’emploi dans le domaine de la construction, une industrie paralysée par l’éclatement de la bulle de l’immobilier en 2008.
« Nous allons maintenant relever notre estimation pour le PIB de l’économie américaine au 4ème trimestre », a-t-il déclaré dans un e-mail dimanche. « Des milliards vont être dépensés pour la reconstruction et pour les réparations. Cela va permettre de remettre certaines personnes au travail, du moins temporairement. »
D. Kotok s’attend à une croissance du P.I.B – qui stagnait à moins d’un point pour la première partie de l’année – de l’ordre de 2 points dans les trois derniers mois de l’année, une hausse qui pourrait s’accentuer potentiellement jusqu’à 3 points.
Mark Merritt, président du cabinet Witt Associates, spécialisé dans le conseil pour la gestion des crises, a déclaré que l’ouragan devrait fournir un bond dans l’activité économique dans les prochains mois.
« Après une catastrophe, il y a toujours une certaine accélération de l’activité économique à court terme » a-t-il déclaré. « Il y aura des meubles achetés, des maisons réparées, des nouvelles moquettes, des nouveaux sols, toutes sortes de choses qui ont été affectées par les inondations. »
Cette publication ne cite aucun économiste, qui n’aurait pourtant pas manqué de souligner que la destruction de maisons, d’entreprises et d’autres propriétés est finalement mauvaise pour l’économie. Comme l’économiste Sandy Ikeda le résumait l’an dernier, l’argument est que « payer 100$ pour remplacer une vitre cassée crée en quelque sorte plus de prospérité que d’avoir une vitre intacte et dépenser 100$ dans quelque chose d’autre. » Il poursuivait en demandant, comme de nombreux économistes l’ont fait : si la destruction est si bénéfique pour une économie, pourquoi attendre un ouragan ou un bombardement ? Pourquoi ne bombardons-nous pas nos propres villes ?
Comme Frédéric Bastiat l’expliquait dans « le sophisme de la vitre cassée », un garçon casse la vitre d’une boutique. Les villageois se rassemblent autour et déplorent le vandalisme du jeune garçon. Mais, un des plus subtils habitants, peut-être un de ceux qui était allé à l’université et avait lu Keynes, dit : « Peut-être que ce jeune garçon n’est pas aussi destructeur après tout. Désormais, le tenancier devra acheter une nouvelle vitre. Le fabricant de vitres aura l’argent pour acheter une table. Le menuisier pourra embaucher un assistant ou s’acheter un costume. Et ainsi de suite. Ce garçon est finalement un bienfaiteur pour notre ville ! »
Mais comme Bastiat l’avait noté, « Votre théorie s’arrête à ce qu’on voit. Et ne prend pas en compte ce qu’on ne voit pas. » Si le propriétaire de la boutique doit acheter une nouvelle vitre, il ne peut pas embaucher un livreur ou s’acheter un costume. L’argent est distribué autour, mais il n’est pas créé. Voire, de la richesse a été détruite. Le village dispose désormais d’une vitre en moins de ce qu’il disposait auparavant, et il doit dépenser des ressources pour retrouver la position qu’il occupait avant que cette vitre soit cassée. Comme Bastiat le dit, « la société perd la valeur des objets inutilement détruits ».
Dans la bande-dessinée comique « Pearls Before Swine », le rat nerveux utilise l’argument de la destruction comme stimulus pour défendre son client, qui vient de détruire la ville.
Mais ceci est une bande-dessinée. Les journalistes devraient faire mieux. S’il vous plaît, contactez l’un de ces économistes. Ils pourront vous dire que la destruction est destructrice. Quand la propriété est détruite, les gens ont moins de richesses. L’argent qu’ils avaient épargné pour entreprendre, acheter un nouvel ordinateur ou financer l’université de leurs enfants, ils devront maintenant le dépenser pour rebâtir ce qu’ils avaient. Ce n’est donc pas « un stimulant pour l’activité économique ».
Un article du Cato Institute, reproduit avec l’aimable autorisation du Cato Institute.
Traduction: Florian pour Contrepoints.
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(*) David Boaz est le vice-président exécutif du Cato Institute. Il est l’auteur de Libertarianism: A Primer, décrit par le Los Angeles Times comme « un manifeste bien documenté des idées libertariennes ». Il joue un rôle clé dans le développement du mouvement libertarien : il publie régulièrement des articles dans les plus grands quotidiens et magazines américains et est fréquemment invité à débattre dans les émissions de télévision et de radio.
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