La justice US ne lâche pas l’affaire Foreclosure Gate

Derrière la faillite des produits dérivés de créances hypothécaires, il y a sans doute bien plus que de simples erreurs d’appréciations sur l’immobilier ou de simples « problèmes techniques ».

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La justice US ne lâche pas l’affaire Foreclosure Gate

Publié le 18 juin 2011
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Quelques nouvelles du match feutré entre justice US et grands établissements financiers, duel connu sous le nom de Foreclosure Gate, qui a quelque peu disparu des grands flux médiatiques mais qui n’en reste pas moins acharné.

Pour nos nouveaux lecteurs : comprendre le foreclosure gate

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La SEC ouvre un enquête sur l’affaire « MAGNETAR »

Dans mon tout dernier livre, « Foreclosure Gate, les gangs de Wall Street contre l’état US », l’un des chapitres les plus « spectaculaires » est celui où je dépeins les escroqueries de type « MBS gigogne ». J’y évoque le MBS nommé ABACUS, monté par la banque Goldman Sachs pour le compte du fonds spéculatif texan Lone Star de façon assez détaillée, mais je cite aussi le nom d’un autre fonds spéculatif, nommé Magnetar, qui aurait trempé dans une affaire similaire. Toutefois, à l’heure de la mise sous presse, les détails de l’affaire Magnetar n’étaient pas aussi connus que ceux de l’affaire ABACUS, qui a valu à Goldman un amende de 550 millions de $, et pour laquelle un lampiste du nom de Fabrice Tourre, trader chez Goldman, reste poursuivi.

Rappelons le principe de ces montages : une banque plaçait des prêts de mauvaise qualité dans un fonds de créances hypothécaires, MBS, qui émettait plusieurs tranches d’obligations à taux croissant en fonction du risque de défaut supporté, et réussissait à faire noter les meilleures tranches AAA, grâce à une certaine complaisance des agences de notation, qui étaient payées par l’émetteur des produits, ce qui impliquait un gros conflit d’intérêt. Les tranches supposées les moins risquées étaient dites « senior », les tranches de risque intermédiaire les « mezzanines », et les tranches absorbant les premières pertes, très risquées, les « tranches Z » ou « Junior ».

Puis, comme les tranches de risque intermédiaire se vendaient mal, elles repackageaient ces obligations dans un nouveau MBS qui émettait à son tour des tranches à taux progressif, dont une tranche senior, une Z, et une ou plusieurs Mezzanines. Et Ainsi de suite, de façon à extraire un maximum d’obligations « AAA » vendus aux investisseurs (crédules) à partir d’obligations de base pourries.

Puis elles permettaient à des fonds amis, dûment informés de la probabilité REELLE de faillite des emprunts ayant servi de base aux montages, de spéculer CONTRE les produits dont elles vendaient à d’autres clients la qualité, en achetant une ou plusieurs « naked CDS » sur chaque bon. Le tout avec commissions, accords de « portage », etc.

Ainsi, un seul emprunteur, en faisant défaut sur son prêt, contaminait nombre de MVS successives, et permettait au détenteur de Naked CDS de toucher un gros pactole… Surtout si ce détenteur connaissait mieux que le public le contenu des tranches susceptibles de faire défaut.

Le gendarme de la finance US, la SEC, a ouvert une instruction envers la banque Merill Lynch (rachetée par Bank Of America) pour savoir si le fonds MBS dénommé « NORMA » n’aurait pas fait l’objet d’une acrobatie de ce genre avec la complicité d’un Hedge Fund de Chicago nommé MAGNETAR. Cette enquête fait suite à la publication, en avril de cette année, du rapport des sénateurs LEVIN et Coburn (PDF), qui révélait des détails sur les activités du fonds Magnetar (résumé de presse par pro-publica).

A noter que si dans l’esprit, l’escroquerie est manifeste, il est possible, d’après certains experts judiciaires américains, que la lettre de la loi US soit suffisamment mal rédigée pour permettre aux différents protagonistes de l’affaire de s’en tirer sans trop de mal.

Une autre possibilité est que la SEC se satisfasse d’un accord spectaculaire mais très inférieur aux montants des bénéfices tirés de la manoeuvre.

Qui vivra, verra. En tout cas, l’ouverture de cette enquête sur un des éléments clé au coeur du Foreclosure Gate montre que derrière la faillite des produits dérivés de créances hypothécaires, il y a sans doute bien plus que de simples erreurs d’appréciations sur le potentiel de l’immobilier ou de simples « problèmes techniques ».

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Les MBS étaient-elles des NBS ?

Les Mortagage Backed Securities étaient-elles dans leur grande majorité des « Nothing Backed Securities », des créances garanties par rien du tout ? Autrement dit, les hypothèques placées derrière un grand nombre de prêts étaient-elles litigieuses ?

Ce point, également développé dans le livre, semble confirmé par un jugement de la cour du Michigan (PDF) en date du 6 juin dernier. Dans ce jugement, la cour estime que l’hypothèque du prêt n’a pas été transmise proprement au fond MBS qui en a assuré la titrisation, et donc que la banque qui administre le MBS (US Bank, n°6 américain sur ce marché) n’est pas détentrice du droit à saisir la maison hypothéquée.

Selon ce jugement, c’est la banque qui a « originé » le prêt qui reste la seule capable de forclore la créance par une saisie. La dette existe toujours, l’emprunteur ne gagnera pas une maison gratuite, à condition que la banque titulaire du droit à foreclore… Le veuille bien.

Or, la banque Franklin a depuis belle lurette vendu le prêt au MBS, et donc ne veut plus entendre parler de cette créance. Elle n’a pas envie de la récupérer, de rembourser les investisseurs, ses commissions… et d’assumer les pertes. Quant au MBS, lui, il se retrouve avec une créance QUI N’EST PAS FORMELLEMENT NANTIE PAR UNE HYPOTHEQUE.

Si ce jugement de première instance était confirmé en appel et faisait ainsi jurisprudence, il pourrait forcer les détenteurs de mauvais papier MBS, et notamment les banques gestionnaires qui ont gardé pour elles les tranches qu’elles jugeaient les meilleures, à tenir compte, dans leurs bilans, de la nouvelle valorisation de ce papier, en intégrant l’évanouissement des garanties qui étaient censées faire leur valeur… Ce sont donc potentiellement des dizaines, voire des centaines de milliards de « writedowns » (dépréciations) qui someillent dans les bilans bancaires US. Ce n’est pas à proprement parler nouveau (mes articles ont régulièrement évoqué cette question) mais ce jugement confirme s’il en était besoin le sérieux de la menace.

Ce jugement de Detroit risque de renforcer la détermination du procureur de New York, dont j’évoquais l’enquête ouverte sur les titrisations irrégulières il y a peu.

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Mes principaux articles sur le Foreclosure Gate sont lisibles ici.

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Retrouvez le scandale du FORECLOSURE GATE Dans le nouveau livre choc de VINCENT BENARD :

FORECLOSURE GATE
Les Gangs De Wall Street Contre L’Etat US

Un livre Edouard Valys & Objectif Eco – Diffusion : Eyrolles

Voir également : notre site de présentation pour découvrir les grandes lignes du foreclosure gate ainsi que la bande annonce vidéo du livre

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