24 ans : un bel âge pour devenir sénateur

Les sénateurs ont, hier encore, montré leur attachement à leur impunité et une morale douteuse.

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24 ans : un bel âge pour devenir sénateur

Publié le 4 mars 2011
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Ils sont choupinets, ces sénateurs. À chaque fois qu’on se penche rapidement sur leurs cas, on découvre de véritables pépites. On se souvient de leurs magnifiques productions lorsqu’il s’agissait de protéger la veuve et l’orphelin du pédophile nazi d’internet, ou leurs idées lumineuses pour ratisser du pognon sur les photos dont les droits d’auteurs étaient perdus dans les limbes d’une administration pléthorique. Mais aujourd’hui, ils se surpassent : la clayette de bulots frémit et nous produit deux jolies bulles baveuses.

Dans un magnifique élan de probité et de compréhension du peuple qu’ils sont censés diriger, les nobles représentants indéboulonnables d’une caste d’ultra-privilégies nous ont donc offert hier un de ces spectacles que seuls les plus parfaits imbéciles, inconscients de leur position, ou les personnes douées d’un cynisme olympique peuvent se permettre.

Ici, on hésite à écarquiller les yeux à la lecture des articles qu’on trouve ici ou : se forcer à agiter les paupières, c’est risquer de les ouvrir un peu trop et regarder la réalité en face, réalité qui, il faut bien le dire, devient de plus en plus gluante et nauséabonde. Parfois, le déni a du bon : cela permet de rester en phase avec le reste d’un pays qui trottine joyeusement à sa perte dans les flonflons citoyens.

Sénateur, qualité AAA, calibre 4
Sénateur, qualité AAA, calibre 4

Je m’étonnais dans quelques précédents billets que les Français étaient abouliques devant l’étalement maintenant quotidien des exactions de nos élus : non seulement, on doit se taper des repris de justice, des taulards ou des filous, mais on ne peut que constater l’amoncellement de faits divers, pointant tous dans la même direction d’une corruption généralisée et d’une morale si microscopique qu’à côté, les bikinis californiens feraient office de toile de tente pour parachutistes en opération.

Ainsi donc, nos gastéropodes marins, tendrement accrochés à leurs privilèges et leurs magouilles quasi-mécaniques, refusent de rétablir la peine de prison pour les élus fraudeurs.

Oh, bien sûr, quelques élus de ci, de là, se sont légèrement froissés qu’on puisse ainsi passer à l’as l’occasion de montrer une certaine honnêteté, qu’on puisse oublier de demander une éventuelle exemplarité de la part de ceux qui vont chier de la loi comme un gros pachyderme diarrhéique, mais, et c’est ce qui compte, d’une part, le Sénat n’en a pas tenu compte, magnifique bras d’honneur à cette petite brochette de culs-serrés, et, bien plus important, ceux qui firent semblant de rouspéter ne se sont pas empressés de faire une bronca magistrale.

Pour dézinguer une ministre concurrente, pour polémiquer sur l’islam, pour commenter des petites phrases, vous pouvez être certain qu’il y aura toujours bousculade devant les caméras et qu’on trouvera toujours le frétillant museau de l’un ou l’autre profiteur des deniers publics pour venir grignoter l’un des micros mous gentiment tendus par l’un ou l’autre organe obséquieux de la presse subventionnée.

Mais pour rappeler que les élus sont au service du peuple, qu’ils doivent montrer l’exemple et que leur immunité doit venir en compensation d’une tenue impeccable de leurs comptes, d’une probité et d’une morale irréprochable … Plus personne, bousculade à la cantoche, désert des couloirs marbrés de la République, regards fuyants et sourires crispés.

Le seul moment où l’on parle d’honnêteté, d’exemple et de morale, c’est juste avant une élection. Et on sait ce que à ça donne une fois élu.

Mes lecteurs habituels trouveront la répétition du thème lassante, mais force est de constater que jamais il n’aurait été aussi clair que les élus se foutent ouvertement de la gueule du peuple et s’amnistient à tour de bras dans un rythme qu’il conviendrait de qualifier d’athlétique si la corpulence et le taux de cholestérol moyens de nos élus ne nous obligeait à écarter rapidement toute métaphore sportive. La corruption est maintenant assumée, calibrée, amoureusement protégée et reconnue implicitement.

Et quand ils ne s’amnistient pas, ils s’augmentent. En période de crise, c’est, là encore, choupinet, non ?

Alors pour faire passer la pilule, on va l’enrober dans une mesure qui pourrait paraître plus badine : on abaisse l’âge d’éligibilité aux postes sénatoriaux. De 30 ans, il passe à 24.

Il est vrai qu’à 24 ans, ceux qui seraient tentés pour des carrières de plombier ou de restaurateurs auraient intérêt à y réfléchir : l’artisanat, le salariat, voire la fonction publique, tout cela revient à se placer du côté business du fusil. Pour le côté gâchette, on préférera élu. C’est beaucoup plus tranquille. Et pour ça, il vaut mieux commencer tôt, non ?

On pourrait se poser la question de savoir pourquoi, subito nihilo, cette mesure a été proposée. Certes, on pourrait y voir la continuité d’une « oeuvre » générale entamée avec les âges d’éligibilité pour l’assemblée nationale et le parlement européen. Certes.

On pourrait aussi noter que certain jeune, très prometteur, vient d’avoir 24 ans et qu’il pourrait parfaitement se présenter, puisque, par exemple, les Hauts-De-Seine ont quelques postes à pourvoir.

Il s’agit, évidemment, d’une pure coïncidence.
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