La vie en société fonde-t-elle des droits innés ?

Parler de droits innés de la personne, au même titre que d’un droit naturel à l’échelle du genre humain

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La vie en société fonde-t-elle des droits innés ?

Publié le 16 février 2011
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Qu’est-ce que l’homme ?Qu’est ce que le Droit naturel ?

Par Raoul Audouin

La théorie française du droit distingue, il est vrai, les droits sur les choses (propriété) et les droits sur les personnes (créances). Cette opposition se résout au fond par le fait que le droit du propriétaire sur une chose est, simplement, le devoir qu’ont tous les autres de s’abstenir de le troubler dans l’usage de cette chose. La créance, d’autre part, forme un droit dont la réalité tient au devoir d’un ou plusieurs débiteurs déterminés de fournir une prestation ; les autres individus ne sont pas concernés.

Le droit s’élabore par deux principes qui sont comme la loi naturelle de la vie en société : le principe du respect de la personne d’autrui, et le principe de la réciprocité des services. Comme les relations élémentaires sont partout les mêmes, il est possible de parler de droits innés de la personne, au même titre que d’un droit naturel à l’échelle du genre humain. Constatons simplement que le Décalogue — 13e siècle avant J.-C. — en donne déjà une première formulation, même si celle-ci est encore concise. Il est au demeurant possible de remonter plus haut encore : cette formulation est déjà reconnaissable dans la stèle chaldéenne d’Hammourabi au 19e siècle avant J.-C.

Le Décalogue porte deux séries d’interdictions (devoir de s’abstenir). D’abord, l’interdiction de porter atteinte à la vie d’autrui : dans son corps (V « Tu ne tueras pas »), son esprit (VIII « Tu ne mentiras pas ») et sa dignité (VI « Tu ne commettras pas d’impureté »). Ensuite, l’interdiction de porter atteinte aux moyens de vivre d’autrui (VII « Tu ne voleras pas »). La règle d’or, dans son aspect négatif – « Ne faites pas aux hommes ce que vous ne voudriez pas qu’ils vous fassent » — confirme les interdictions du Décalogue et en généralise la portée.

Dans son aspect positif, cette règle devient « Ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le de même pour eux », telle qu’elle est énoncée par l’évangéliste Luc (6-31). Elle élargit le principe de réciprocité posé dans le Lévitique (19-18) : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si sommaire qu’elle soit, la « codification » existe donc. Mais le droit naturel est aussi doté d’un minimum de sanctions, indépendantes du pouvoir politique. Ainsi, pour l’individu « asocial », la réprobation et l’exclusion de certains rapports sociaux constituent-ils une sorte d’exil.

Le service que les gouvernés tirent de la vie en société est différent de celui qu’en reçoivent les gouvernants; mais les uns et les autres doivent « y trouver leur compte ». Il s’agit d’un échange en vue d’un bien commun, ce qui constitue la loi essentielle qu’implique le fait de « vivre ensemble ». Cela ne justifie pas la démagogie qui, sous prétexte de l’égalité des droits, s’attaque à la nécessaire division des fonctions : la sanction naturelle est alors la disparition des élites, l’appauvrissement et l’affaiblissement du groupe (ce fut notamment le sort de la démocratie athénienne).

(À suivre : Comment passa-t-on de la prédation à l’échange ?)

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  • « l’interdiction de porter atteinte aux moyens de vivre d’autrui (VII « Tu ne voleras pas ») »

    Loi très largement bafouée dans un système où la monnaie est arbitrairement distribuée, et où un nouveau né ne se voit attribuer que le droit au travail forcé pour autrui, donc d’être esclave dans son propre espace souverain.

    La transmission de la propriété souveraine de la nation Une et Indivisible aux générations successives implique la définition d’un revenu monétaire inconditionnel , représentant la part de la propriété nationale dévolue à chaque citoyen à sa naissance, permettant les trois libertés économiques que sont l’accès aux ressources, la production, et l’échange.

  • Les commentaires sont fermés.

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