La surenchère de la droite contre l’État de droit

Face à la menace terroriste, une partie de la droite semble prête à jeter l’État de droit aux orties. Ce n’est pourtant pas en nous reniant que nous gagnerons face à la barbarie.

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La surenchère de la droite contre l’État de droit

Publié le 3 août 2016
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Par Frédéric Mas.

La surenchère de la droite contre l’État de droit
By: LaNotiziaCC BY 2.0

Face au terrorisme islamiste, les déclarations des politiques et des éditorialistes semblent converger en un consensus sécuritaire : le langage du droit doit céder à celui de la force, la toge doit céder aux armes. Que la situation soit suffisamment exceptionnelle pour demander de durcir la législation sur la criminalité ou des mesures particulièrement fortes en matière de police n’est pas un jugement dénué de fondement : les circonstances de la libération de l’assassin du père Hamel suscitent l’interrogation légitime des citoyens. Non critiquable du point de vue du droit, le juge a respecté la procédure du début à la fin, la sortie de prison d’un élément aussi dangereux et instable interroge l’ensemble d’une philosophie judiciaire qui mise depuis toujours sur la réinsertion des criminels plutôt que sur la prison et la punition.

La surenchère sécuritaire n’est pas la solution face au terrorisme

Seulement, la surenchère droitière ne s’est pas contentée d’en appeler à l’application stricte de la loi ou d’un renforcement de la justice et de la police face à ces attaques contre la société civile : plusieurs de ses représentants politiques, notamment Nicolas Sarkozy, s’en sont pris aux « arguties juridiques » qui vraisemblablement, aux yeux d’une partie de la droite, protégeaient les criminels et privaient les victimes de justice.

On imagine que ce mouvement d’humeur contre le droit était aussi motivé par l’actualité récente, marquée par les demandes d’un terroriste pour protéger sa vie privée. Seulement, la colère et la passion sont mauvaises conseillères, et la médiation du droit au sein d’une société qui en respecte les règles assure à tous un jugement et les garanties d’un procès équitables : elle suppose un temps de réflexion, qui est celui de l’enquête, et un arbitrage, celui du juge qui la mène, que le temps médiatique ne comprend plus depuis bien longtemps.

Tocqueville avait déjà eu l’occasion de souligner l’importance des formes en démocratie : formes légales et morales qui sont par définition anti-politiques, car des freins à l’efficacité et à l’arbitraire de la décision d’un seul. Accepter l’État de droit signifie aussi accepter ses contraintes sur la conduite humaine afin d’atteindre la délibération juste, contraintes qui demandent de traiter raisonnablement et équitablement les individus sous son empire, et d’éliminer le plus possible les risques d’arbitraire.

Mauvais populisme

Il y a dans la polémique entretenue par certains politiciens ou journalistes engagés contre l’État de droit un mauvais populisme « démocratique ». Celui-ci vise à abolir toutes les formes juridiques nécessaires à la vie du gouvernement représentatif démocratique au nom d’une volonté ou d’une justice populaire expéditive, synonyme de vengeance exemplaire. Non seulement l’érosion de l’autorité de la loi au nom de la volonté populaire risque fort d’affaiblir une justice déjà mal en point, mais elle risque aussi de renforcer l’esprit tyrannique, que ce soit chez les gouvernants ou les gouvernés : si l’auto-gouvernement par le droit n’est plus possible, parce que plus respecté, seule la force paraîtra juste pour mettre tout le monde d’accord.

Alors, de grâce, même face aux circonstances tragiques du moment, messieurs les politiques et messieurs les éditorialistes, prenez le temps de réfléchir : ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain, ne flétrissez pas l’État de droit, ce trésor de la civilisation occidentale et de l’humanisme moderne1 pour gagner le suffrage de nos concitoyens en colère.

  1. Sur la longue filiation moderne de cet héritage juridique, on pourra se reporter à l’ouvrage classique d’Harold J Berman, Law and Revolution. The formation of the western legal tradition, Harvard Univ. Press, 1983.
Voir les commentaires (17)

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  • la question est de savoir si ils pensent ce qu’ils disent ou estiment que ça fait partie d’une hypocrisie nécessaire pour arriver au pouvoir…

  • Les Sarkozy, Juppé et autres Ciotti sont dangereux ; prêts à mettre entre parenthèse les acquis de notre démocratie et à faire régresser l’Etat de droit.
    En effet notre arsenal pénal et judiciaire est tout à fait suffisant pour faire face aux attaques terroristes, n’en déplaise aux démagogues de tout poil qui surgissent au sein des Républicains.
    Pendant ce temps, MLP, qui, sait parfaitement que ces discours servent au FN, se tait.
    Car ce qui nous manque, c’est la volonté, pas les lois !

  • Tant que les gens n’auront pas compris que Sarkozy n’est pas de droite, on ne pourra pas avancer dans ce pays… Même réflexion sur le FN, que ce soit avec le père ou la fille, voire la nièce.

  • Sarko qui critique les « arguties juridiques » c’est vraiment l’hopital qui se fout de la charité, ou bien?

  • La gauche a depuis longtemps choisi le camps de l’ordre et de la repression.
    Valls, urvoas, cazeneuve ne sont en rien des ministres promoteurs de l’état de droit… Ils sont viscéralement accrochés aux pouvoirs coercitifs de l’état tout puissant … Et traité son impuissance patente en renforçant chaque jour l’arsenal répressif…

    Le pire, c’est que la,débilité mentale et la stupidité native des LR les font aujourdhui passer pour des démocrates…

    Je voudrais bien que l’on m’explique pourquoi un électeur voterait aujourdhui pour les LR, qui reprend le,programme du FN, après avoir été pendant 10 ans au pouvoir et détruit les services de renseignement, la police de proximite qui nous font tant defauts en ce moment, et tailler dans les effectifs des forces de l’ordre…les budgets de la justice…
    Pour moi, ce n’est plus possible de voter PS… Le blanc m’ira très bien

  • Qui a écrit: celui qui sacrifie sa liberté pour la sécurité n’obtiendra ni l’un ni l’autre.
    A méditer

    En tout cas je me délecterai à l’idée de voir ce que ferait ce génie transcendant de la politique de haut vol dans la même situation ….
    Certainement une efficacité plus que redoutable …. Non ??? ………. En attendant le prochain attentat

    De toute façon nous ne payons que le tribut de notre comportement inique d’aller faire des guerres qui ne sont pas les nôtres …. tout comme un état voyou.

  • bien , tout est donc parfait et surtout que rien ne change , la démocratie , super, l’état de droit , génial …..il n’empêche que notre démocratie a élu « quelqu’un qui n’a jamais rien fait de sa vie » ..et ça se voit et l’état de droit permet à un terroriste de pratiquer le terrorisme ou un salaud d’être multirécidiviste !

  • Avec la gauche, l’Etat de droit est déjà bien mal en point. Deux pods, deux mesures, des juges qui font passer leurs options politiques avant le droit… Même s’ils sont une minorité, cela fragilise toute l’institution judiciaire.

  • A noter que Fillon préconise simplement l’application de notre droit, dont il dit qu’il est suffisant.

  • Ne serait-il pas tant de poursuivre ces gens pour hautre trahison envers la république ?
    A force de les entendre rabacher, ça va finir par entrer dans l’inconscient collectif comme nouvelle norme, et là tout sera perdu…

  • Venant de Sarkozy ce n’est pas très étonnant. Il y a des précédents.
    C’est aussi débile qu’avec le racket sur la route. Le principe du plus petit commun dénominateur …
    Pour la route, faute de savoir traiter le problème comme il convient, en trouvant ceux qui posent problème parce qu’ils ne savent pas conduire, on tape sur tout le monde de maniéré indifférenciée. En abaissant le niveau général à celui des plus nuls, on évite de se poser les bonnes questions et d’avoir à traiter le problème.
    Pour le terrorisme, faute de vouloir se poser les bonnes questions, ce qui évite d’avoir à y répondre, pour y apporter une réponse adapté, par facilité, on considère que tout le monde est potentiellement terroriste. Et tout le monde en subit les conséquences, autant la population en terme de privation de liberté, que la justice montrée comme n’étant pas à la hauteur. Un système où tout le monde est perdant.
    Non, pour le terrorisme aveugle, il faut un traitement particulier, qui se passe de la justice et du droit habituel, pour apporter une solution adaptée à la nature du sujet.
    Ce qui permet à l’état de droit de continuer à fonctionner dans le cadre normal.

  • d’après fillon, les lois permettant d’agir existent déjà mais ne sont pas appliquées par nos gouvernants et nos juges. Sous prétexte de dénoncer des abus de l’opposition dans la critique, on a vraiment l’impression qu’il existe une volonté farouche d’éviter celle-ci. Pour un peu on aimerait presque la rendre illégale.

  • Le tout est de savoir qui – des fonctionnaires obéissants ou de la population – porte le meilleur jugement sur les dangers et les avantages de la doctrine étatique du vivre-ensemble-avec-les-assassins. Au far-west, lorsque la réalité des circonstances rendait le vivre-ensemble-avec-les-voleurs et le vivre-ensemble-avec-les-assassins particulièrement peu sexy, c’est la doctrine du « étranger, passe ton chemin » qui arrivait en force au bled. Et inversement : lorsque le bled ayant conservé la doctrine « étranger, passe ton chemin » périclitait au profit de voisines plus accueillantes et ouvertes à la nouveauté, sa doctrine changeait à nouveau. Et tout ceci concourait finalement à un équilibre naturel entre accueil, nouveauté, et dynamisme d’une part, et la méfiance, le souci de sécurité, et la chasse aux sociopathes d’autre part. La création de l’ « Etat de droit » – avec sa Doctrine Unique -, dont le rôle est de contraindre les gens à accepter ce qu’ils n’accepteraient jamais naturellement, a mis fin à cet équilibre.

  • L’avenir de la génération de nos enfants est largement plombé par la lâcheté ou l’utopisme des précédentes qui n’ont jamais connu la guerre et se sont refusés à la préparer … Si vis pacem, para bellum…

    Certaines personnalités commencent à reconnaître enfin la terrible nature de la guerre qu’on nous déclare, d’autres s’obstinent toujours à ne point voir ce qui est pourtant écrit et facilement accessible sur internet.
    Certains de ma génération mèneront cette guerre, mais ce sont nos enfants qui la feront ou la subiront …

    Une guerre, il n’y a que quatre moyens d’y mettre fin, à partir du moment où nos gouvernants de ces quarante dernières années n’ont pu ni l’éviter et encore moins la dissuader :

    1.- la gagner : mais ce sera au prix de lourds sacrifices, au risque d’une guerre civile destructrice… impliquant la négation de l’Etat de Droit

    2.- la perdre : mais ce sera la fin de la France, de ses valeurs, et de la liberté… Et de l’Etat de Droit…

    3.- la faire cesser faute de motifs : obtenir de l’Islam en France l’expurgation officielle de leur Coran des centaines de sourates et versets prônant l’agression contre ce qu’ils appellent les dhimmis… Vaste programme, qui ne pourra se réaliser avec ceux qui n’ont pu (ni même voulu?!?) l’obtenir jusqu’à présent, mais avec des personnalités fermes et éclairées ; et qu’en se rappelant constamment ce proverbe arabe qui régit grandement la mentalité de bien des membres de cette communauté : « baise la main que tu ne peux point couper… » État de Droit préservé, victimes françaises assurées pour encore longtemps…

    4.- la faire cesser faute de gains : prendre les dispositions qui s’imposent afin que chaque candidat terroriste sache que ses conditions d’incarcération, ou d’inhumation de ses restes, lui fermeront définitivement les portes du paradis que lui promettent leurs croyances… Dispositions à faire adopter par les représentants élus du peuple, selon les règles de notre « État de Droit », lesquelles n’excluent nullement leur adaptation, ni même l’adoption de règles d’exception…

    Le quatrième est très certainement le moyen le plus rapide et le plus sûr d’obtenir la cessation de toute hostilité et la sauvegarde de centaines voire de milliers de vies françaises (de toutes origines, religions et obédiences..). Mais il requiert une fermeté associée à une force d’âme immense pour ne pas sombrer dans la barbarie… C’est également le seul car le troisième moyen ne suffira pas à enrayer l’action des extrémistes qui existeront toujours : il ne pourra qu’en limiter la prolifération… D’autant que les objectifs de ce troisième moyen ne pourront être atteints sans mettre en œuvre les dispositions du quatrième : cf proverbe cité plus haut…

    De telles dispositions indisposeront nécessairement les « bien-pensants » (et en premier lieu la CEDH…)?!? Faut-il rappeler que l’Etat de Droit n’exclut nullement le Droit de la Guerre, lequel s’est édifié à raison de la nature de l’ennemi ; et doit s’adapter à toute nouvelle nature ?!?…

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