Don d’organes : on vous prive de l’usage de votre corps ! [Replay]

Si les organes peuvent être prélevés sans consentement préalable, dans quelles conditions se passera la fin de vie des donneurs désignés ?

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Chirurgie salle d'opérations (Crédits : CG94 photos, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Don d’organes : on vous prive de l’usage de votre corps ! [Replay]

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 29 décembre 2016
- A +

Par Nafy-Nathalie.

Chirurgie salle d'opérations 5 (Crédits CG94 photos, licence Creative Commons)
Chirurgie salle d’opérations 5 (Crédits CG94 photos, licence Creative Commons)

 

En mars 2015, un amendement à la loi sur la santé a été adopté qui transforme les modalités de prélèvement des organes de don, résultant d’un geste volontaire, en collecte quasi obligatoire, avec application au 1er janvier 2017.

En effet, la loi Cavaillet (1976) préconisait que chacun pouvait faire des démarches pour refuser d’être donneur en s’inscrivant sur le registre national des refus. En cas de silence du registre, les médecins, qui légalement pouvaient passer outre le consentement de la famille, se rapprochaient quand même des proches pour leur demander quelles étaient les volontés du défunt et obtenir leur consentement.

Cette inscription est possible dès 13 ans et il est surprenant que l’on puisse refuser à un jeune de moins de 18 ans la responsabilité de sa vie (statut du mineur qui est incapable juridiquement) mais lui donne la capacité d’être juridiquement responsable de sa mort (devenir de ses organes).

Les statistiques de l’Agence de la Biomédecine montrent une augmentation de 45% du nombre de
greffes en 22 ans et une amélioration notable dans la dernière décennie puisqu’entre 2000 et 2012, le nombre de personnes prélevées et de greffes réalisées a augmenté d’environ 56%.
Ces résultats sont très bons et témoignent du succès des anciennes dispositions même si, effectivement, continuer de maximiser le système de prélèvement des organes était une nécessité.

Mais maximiser la collecte aurait pu se faire, dans l’ancien cadre, en informant mieux les donneurs potentiels et leurs proches, en les laissant libre d’adhérer, de donner d’eux-mêmes. Pourtant, au nom d’une « pénurie » d’organes inexistante puisqu’il n’y a pas à l’origine de marché sur lequel les organes s’échangeraient, il a été décidé de modifier les modalités de leur prélèvement.

Ainsi cet amendement voté, au milieu de la nuit, dispose maintenant qu’à partir de 2017 tout citoyen majeur qui n’est pas inscrit sur ce registre consent à donner ses organes sans qu’il soit besoin d’obtenir l’accord préalable de ses proches. En contrepartie, le donneur sera glorifié par la nation lors de la journée annuelle qui lui sera consacrée.

Les organes sont assimilés à des biens recyclables allant d’un donneur à un ou plusieurs receveurs par l’intermédiaire des institutions. La sauvegarde des organes en bonne santé se fait de force, à coup de lois (interdiction de fumer, de boire, de manger mal…). Puis, en fin de vie, le porteur d’organe, dit citoyen, se transforme en ressource potentielle au profit de l’ensemble social sur un marché qui dysfonctionnerait.

Dans ce contexte, se pose la question difficile des familles et de la gestion de l’accompagnement des mourants. Si les organes peuvent être prélevés sans consentement préalable, dans quelles conditions se passera la fin de vie des donneurs désignés ? Pourront-ils toujours être entourés de leurs proches jusqu’au bout ou s’éteindront-ils seuls dans une salle d’opération ?

Appliquer strictement cet amendement sans déstabiliser l’équilibre de confiance déjà bien fragile, après toutes les affaires (sang contaminé, implant…) que l’on connait, entre la société et les acteurs de la médecine semble impossible.

Quant au bénéfice de la mesure, rien n’indique aujourd’hui que le nombre d’inscriptions dans le registre des refus n’explosera pas dans le futur limitant les bénéfices escomptés. Par contre, il est évident que le gain de cette mesure dépendra surtout des critères de définition du type de patients admissibles et que plus ils seront larges, plus ils seront importants, estompant la distinction entre donneur mort et en train de mourir.

Et de là il pourrait être très facile de favoriser la survenue rapide de l’arrêt cardiaque au profit d’un prélèvement d’organe ou encore abandonner tout simplement la « dead donor rule » (la règle du donneur mort). Les coûts psychiques pour les soignants, qui vont devoir endosser la responsabilité de trancher entre les intérêts d’un donneur en fin de vie et ceux de receveurs potentiels à sauver, vont être énormes.

Quel impact tout ceci pourrait avoir sur les soins donnés et l’appréhension de fin de vie des patients ? Est-il acceptable de sacrifier une vie au profit d’une autre, remplacer une mort spontanée par une autre intentionnelle dans une logique purement utilitariste ? Ce n’est pas certain mais, pourtant, on constate que dans quelques pays cela le devient.

Ainsi, aux États-Unis, des prélèvements cardiaques ont été réalisés sur trois nouveaux-nés en anoxie cérébrale, extubés sous sédation « standardisée » et morts d’arrêt cardiaque. Ou encore en Belgique, l’extubation des patients est parfois faite sous curare qui accélère la mort en préservant les organes. Il y a aussi l’idée en Belgique toujours, qui autorise l’euthanasie, que le prélèvement des organes auprès de personnes euthanasiées donne du sens à leur mort.

Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque de dérives accrues. Tout d’abord on concentre le pouvoir de décision entre les mains d’un petit groupe. Ensuite, il y a un conflit d’intérêt évident à confier à la même structure, l’agence de biomédecine, la gestion du registre des refus de greffes, le recueil des besoins de transplantation et les décisions d’affectation. L’idée de se retrouver face à une superstructure qui décide de tout, sans contrôle et contre-pouvoir, n’est pas des plus agréables. Puis en introduisant une logique de profit dans le processus de transplantation, apparaît un risque de créer ou d’accentuer des inégalités sociales ou biologiques dans l’accès aux soins. Se pose enfin la question des groupes de pression qui peuvent influer sur l’évolution des normes par leur action de lobbying.

Le vote de cet amendement, deux jours après la loi Claeys-Leonetti qui statue sur la « fin de vie », n’est pas pour rassurer. On a l’impression d’être immergé dans 1984 ou dans Soleil Vert. L’État choisit d’imposer un changement sociétal profond en légiférant, sans même ouvrir un débat de fond sur les notions primordiales de mort et leurs évolutions ou encore sur le statut de la personne et la possibilité de laisser à chacun la liberté d’opter pour la définition de la mort qui lui convient comme au Japon par exemple. L’individu est sacrifié à la société dans une logique écolo-socialo-facho qui atteint son paroxysme.

Je suis révoltée par ce pays qui prend ses citoyens pour des mômes idiots et qui grignote peu à peu, soi-disant pour leur bien, leurs libertés, les empêchant de profiter de la vie comme ils voudraient et de mourir comme ils l’auraient choisi.

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  • Glaçant … mais comment s’en étonner quand on contemple ceux qui nous gouvernent . Ils ne croient en rien , leur spiritualité atteint le zéro absolu .

  • Merci de dire haut et fort ces vérités !

    j’étais donneur, je ne le suis plus : je n’autorise personne à voler ma mort !

  • La vérité, c’est qu’en régime socialiste, la personne ne s’appartient pas, elle appartient à l’État. Tout découle de cela.

  • Il faudrait pouvoir indiquer à quel type de personnes on accepte de donner ( selon croyances politiques, origine ethniques ou géographiques, âge ou autres…) et il faudrait aussi que les descendants bénéficient d’un avantage financier. En l’absence de ces possibilités il est légitime de refuser ce qui s’apparente à du vol légalisé d’organes. Mais ceux qui refusent sont ils exclus de facto des receveurs possibles? Ce sujet important mériterait débat et référendum… mais il est vrai que la démocratie n’est plus de mise.

  • Excellent article qui pose les jalons d’un débat complexe.

    Saisissant contraste entre cet article réfléchi, humble et une loi qui donne l’impression d’avoir été votée à la va-vite sans peser le poids de l’acte.

    Nos députés sont des irresponsables.

  • Pourquoi parle-t-on encore de « don » d’organes alors qu’il s’agirait d’un ‘prélèvement d’office »?

  • Plaisant qu’ au Japon la pratique est ce que j’ai souhaité il y a peu ici sur Contrepoints dans un autre article càd un registre soit par internet soit par écrit avec 1 témoin (médecin , notaire , avocat , ) …. des volontés sur SA fin de vie , par ex pour ma personne je ne VEUX pas un coma végétatif de longue durée donc 2 semaines de 60 à 70 ans , 1 de 70 à 80 et 3 jours maxi au dessus
    Maintenant il y a l ‘ argent ( bien que ce soit scandaleux pour certains  » libéraux » d’ aborder ce sujet ! ) s’ il y a des gens qui souhaitent un coma de longue durée ok mais qu’ ils prévoient et cotisent avec une assurance adaptée

    • Avatar
      Nafy-Nathalie Diop
      5 avril 2015 at 9 h 38 min

      Oui depuis 1997, au Japon, le citoyen peut posséder une carte, marquant sa position envers le don d’organe, avec 3 choix possibles :
      1- il est pour le don d’organe et la définition de la mort encéphalique
      2- il est pour le don et la définition de la mort cardiovasculaire
      3- il est contre
      Et malgré cette volonté exprimée, la famille n’est pas exclue du processus. Son accord doit être obtenu.
      Très sain comme processus !

  • Je suis inscrit au Registre National des Refus depuis sa création (il avait été exclu par la loi Caillavet, ce qui m’obligeait à diverses formes de publicité de ma position). Depuis, l’âge aidant, je pense que mes organes intéressent moins la société… Si j’échappe désormais au risque d’être maintenu en vie jusqu’à trouver un bénéficiaire ou liquidé parce qu’il y en a un en attente, je cours toujours celui d’être prématurément abandonné au rebut, faute d’organes intéressants.
    Je classe les transplantations d’organes dans la médecine à grand spectacle et peste contre des greffes « publicitaires » au « bénéfice » de tel ou tel fumeur ou alcoolique célèbre… qui retombera (brièvement) dans sa routine comme on voit régulièrement des multi-pontés reprendre assidûment la cigarette.
    Le « généreux » législateur ne semble pas se préoccuper des problèmes de « qualité » des organes: on se préoccupe d’une certaine compatibilité entre prélevé et greffé, mais on risque de transférer simultanément quelques virus discrets chez le prélevé, qui vont s’épanouir mortellement chez le greffé. Et si le constat se fait, ce sera après un prélèvement onéreux et la mise en route d’une logistique non moins onéreuse: on greffera donc si mince que soit le bénéfice pour le greffé, gibier d’hôpital par définition.

  • Encore une fois, merci Contrepoints de cet éclairage ! Comme quoi il faut toujours être vigilant sur le « bien » que l’on veut nous imposer…
    Au premier abord, ayant moi-même une carte de donneur depuis plusieurs années et ayant constaté que de nombreuses personnes n’en ont pas mais ne sont à priori pas contre, je trouvais l’idée séduisante de faire la démarche en se prononçant contre le don de ses propres organes. En effet, on nous explique toujours que le temps entre un prélèvement et une transplantation est un facteur primordial pour sauver des vies et le fait de définir un nouveau cadre permettant aux équipes médicales d’agir plus vite ne semble pas idiot.
    MAIS il y a toujours ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas dans une loi… surtout lorsqu’elle n’est pas publiquement débattue.
    Ce que l’on voit, ou que l’on peut voir lorsque l’on est initialement favorable au don d’organes, ce sont les avantages d’une telle décision politique (simplification des démarches, augmentation des prélèvements et des vies sauvées, etc.). Ce que l’on ne voit pas, c’est l’opinion des personnes qui ne sont à priori pas favorables à cette démarche et les éventuelles et probables dérives lorsque de tels pouvoirs se trouvent centralisés dans les mains de quelques personnes et d’une administration dont on ne doit jamais oublier jusqu’à quel point les décisions peuvent être totalement déshumanisées.
    Comme toujours avec les socialistes, ils nous enfument avec le « bien commun » et nous privent sans

  • « …une « pénurie » d’organes inexistante puisqu’il n’y a pas à l’origine de marché sur lequel les organes s’échangeraient… »
    Une de mes proches attend depuis des années un donneur compatible. C’est ça, la pénurie. Sa pathologie n’est, heureusement, pas mortelle, mais nécessite un traitement contraignant.

  • Etant donné qu’une fois mort on cesse d’exister et on n’est qu’un tas de viande froide. C’est pourquoi je considère comme stupide de refuser de donner ses organes après la mort.
    J’ai quand même des réserves sur le fait de donner mes organes, et malgré cette justification rationnelle l’idée d’avoir encore des morceaux de moi en vie alors que mon cerveau est mort me dégoûte profondément.
    Le fait de faire de tous des donneurs d’organes par défaut est une sage décision pour sauver un maximum de vies humaines.
    Je me demande l’intérêt de chercher à sauver un maximum de vies humaines, mais ce n’est pas le débat.
    Il aurait fallu demander l’avis des citoyens sur le sujet, plutôt que d’imposer cette décision, qui ne tient pas de soi.
    La générosité n’est pas une obligation. Prendre la générosité pour un acquis est une insulte à l’être humain car cela supprime la notion même de générosité. Si elle est acquise, alors c’est comme si on appuyait sur la touche tare d’une balance, c’est le nouveau 0.
    Et refuser alors d’être généreux serait en-dessous de 0, donc « mal »

  • Je suis choqué de voir un tel débat à un niveau politique!!!
    La survie d’êtres humains résident dans les nouvelles technologies, y compris les greffes d’organes.
    Dans ma famille, plusieurs membres ont reçu un rein.
    Peu importe la couleur de la peau, la nationalité ou l’orientation politique du donneur!!!
    Les professions de santé sont plus à respecter que certains « politiques »!!!

  • Quel égoïsme. Quelle tristesse de lire cet article et certains commentaires. Quel intérêt à conserver vos organes si elles ne vous servent plus et quelle peuvent permettre à quelqu’un de vivre…?

    • Je crois que la question n’est pas à ce niveau, mais plutôt sur les dérives que pourrait entraîner cette « obligation » de don.

      A notre époque ou tout est marchandise ou potentiellement marchandise, où le goût de l’argent est largement supérieur au goût pour la morale, qui nous dit que la tentation de terminer (= euthanasier) au plus vite une vie ne sera pas plus forte que l’éthique qui veut qu’il faille attendre que le donneur soit effectivement décédé avant de procéder au prélèvement?
      Sans compter sur l’implication de groupes mafieux qui verraient là un juteux marché, assassinat contre rétribution…
      (sachant qu’il existe déjà des cas de prélèvements illégaux d’organes sur des personnes kidnappées dans ce but)

  • Le cynisme de cette loi et l’amendement voté dernièrement sont effroyables. Ceux qui ne se seront pas clairement prononcés simplement parce qu’ ils n’auront pas fait attention prennent le risque de se faire prélever à leur insu. Pour être logique jusqu’au bout, chaque citoyen devrait être formellement sollicité et sa réponse enregistrée. Mais peut-être est-ce la finalité du texte voté; récupérer les « distraits ». Si l’actualité est faite aujourd’hui autour de cette problématique, il n’en sera plus rien dans les semaines à venir, et là… tant pis pour celui qui ne savait pas ! Le corps médical en toute légalité saura quoi faire.

  • Votre position et votre discours sont du grand n’importe quoi !
    On ne me prive pas de mon corps puisque si je le souhaite je m’inscris sur la liste des refus.
    Autour de moi 80% de mes connaissances, moi y compris, sont OK pour donner leurs organes, mais ne prennent pas la peine de faire quelque démarche que ce soit _nous sommes des paresseux, surtout face à un évènement qui nous parait toujours lointain_.
    Et la majorité des membres de ces familles s’opposeront à un don en cas de décès, car le corps du mort est un tabou.
    Vous manquez singulièrement de lucidité pour propager des idées aussi éloignées de la vérité de notre quotidien.
    Cordialement

  • Les commentaires sont fermés.

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