Pour une écologie libérale (2/3)

Le libéralisme est une opportunité pour l’environnement et l’écologie, comme le montre l’auteur dans cette analyse en profondeur (2/3).

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Pour une écologie libérale (2/3)

Publié le 6 octobre 2013
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Le libéralisme est une opportunité pour l’environnement, comme le montre l’auteur dans cette analyse en profondeur (2/3).

Par Grant Mincy, depuis les Etats-Unis.

1ère partie à lire ici.

L’environnement et l’État

C’est un sentiment répandu parmi les libéraux qu’on ne peut être libéral et écologiste parce que l’écologie nécessite l’intervention de l’État. Je ne pense pas que ce soit le cas ; je prétends au contraire que le libéralisme devrait prendre part au mouvement écologiste, et que le mouvement écologiste a besoin d’adopter les idées libérales.

Je commencerai avec le Service National des Forêts et le Service National des Parcs (les chouchous des écologistes et de nombreux Américains) car ils sont malheureusement soumis à une forte influence d’intérêts commerciaux. Les concessions dans les parcs, les hébergements hôteliers, les bûcherons, les pêcheurs et les mineurs dans les forêts nationales, tous empiètent sur nos espaces naturels – ce que ces institutions sont censées protéger. Bien que les domaines forestiers et les parcs nationaux soient défendus comme des refuges pour la faune (et c’est bien compréhensible puisqu’ils constituent le meilleur espoir pour la préservation de la vie sauvage dans ce pays), les écologistes oublient quelque chose à propos de ces « havres de paix » : la tendance à construire des installations et des routes dans les parcs et d’ouvrir nos forêts à l’exploitation industrielle et commerciale.

Les écologistes sont souvent en désaccord avec l’État. Il y a un processus continu de compromis entre les écologistes, les grandes entreprises et les tribunaux de l’État qui se traduit par un empiétement toujours plus grand de nos espaces sauvages. Chaque fois que l’industrie obtient une nouvelle parcelle du paysage, c’est parce que les écologistes ont dû sacrifier des terres ou des eaux dont ils prenaient soin au nom du compromis. L’État et l’industrie sacrifient continuellement des espaces naturels pour le développement et l’alimentation de notre consommation, ce qui rend nécessaire pour l’État et l’industrie de sacrifier encore plus de zones naturelles. En résumé, quoi qu’ait fait l’État pour préserver des espaces naturels, il a fait bien plus pour aider l’industrie à les exploiter.

La plus grande menace pour notre environnement est-elle la production/l’extraction/l’utilisation d’énergies fossiles ? Les politiciens semblent se concentrer sur la consommation d’énergie, sur le territoire national comme à l’étranger, comme raison pour défendre les industries « vertes ». Ce qui est souvent négligé dans ce débat est la guerre. La guerre est menée par les États, pour les États. La guerre est utilisée pour étendre le pouvoir de l’État et obtenir plus de ressources naturelles. La guerre est la santé de l’État et la guerre est dépendante de l’extraction d’énergies fossiles – qu’importe que les terres qui contiennent ces ressources soient chéries, sacrées, en voie de disparition. Toute intervention étatique en faveur de l’environnement échouera en comparaison du désir des États pour la guerre. Pour les libéraux, défendre l’environnement aidera à renforcer le mouvement contre l’État.

Les écologistes étatistes agissent à courte vue pour de nombreuses raisons, la principale étant sans doute leur dépendance à la bureaucratie. La bureaucratie est invincible – qu’importent les mensonges de l’exécutif. Donner aux bureaucrates le pouvoir de gérer nos ressources naturelles ne fera qu’empirer les choses puisque l’État ne veut le bien que d’une seule chose : l’État. Les plus grands obstacles que les écologistes doivent dépasser sont des obstacles publics – c’est pourquoi le combat anti-réglementation est devenue un impératif pour le mouvement écologiste. Le processus pour obtenir une autorisation d’exploitation de ressources fossiles, la faiblesse de la législation environnementale (souvent interprétée suivant les caprices de l’élu du moment) et les montagnes de paperasses administratives visent les projets de grandes industries, et servent uniquement au final les intérêts de ces grandes industries. Le combat contre la réglementation est une tactique efficace car, lorsque les membres de ces communautés apprennent la loi, ils peuvent commencer à en ralentir le processus. Les États désirent centraliser le pouvoir et l’activité économique, et non décentraliser le pouvoir au sein des communautés ou des mouvements sociaux. L’action directe, les communautés spontanées et les poursuites judiciaires servent toutes à défier l’autorité de l’État, cette bureaucratie qui devrait être déchirée en morceaux, non renforcée.

Les écologistes devraient abandonner les actions étatiques et se convertir à l’écologie de marché, dans la mesure où les mouvements sociaux sont adaptés aux marchés. Dans un marché libre, les grandes régions sauvages seraient réellement protégées parce que l’industrie n’aurait pas la possibilité de les exploiter. Les libéraux devraient soutenir l’écologie parce que la véritable protection de l’environnement empêcherait le monopole de l’État sur la monnaie et la violence.

Le « Green Washing »

L’une des meilleures façons de construire une société docile pour l’État passe par la propagande et la consommation. C’est là que le « green washing » débarque. Pour le décrire simplement, le « green washing » est une forme de manipulation fondée sur un marketing « vert », utilisé de façon trompeuse par une organisation (y compris l’État) pour faire croire que sa politique, ses produits ou ses objectifs sont bons pour l’environnement. Bien que quelques organisations agissent pour le bien de l’environnement, la plupart du temps nos institutions offrent de fausses solutions, qui ont pour objectif la consommation et sont juste une manière de donner l’impression que certains intérêts particuliers sont bons et qu’ils prennent soin de notre argent.

De Wall Street à Capitol Hill, tout le monde trempe dans le green washing. Financiers, publicitaires et régulateurs offrent leurs solutions à la crise écologique et énergétique sous la forme du « capitalisme vert ». Pour donner un exemple, le grand coup de pouce étatique aux voitures électriques stimule en fait la consommation de carburant et les émissions, tout en ignorant que ces voitures devront être branchées sur le réseau électrique qui est alimenté au charbon. Bien sûr, les biens de consommation sont alimentées par l’industrie des combustibles fossiles : iPods, stations de jeux, ordinateurs, télévisions sont utilisés pour créer des désirs au lieu de construire des relations, apprendre, aimer l’aventure. Seuls de véritables marchés libres, des organisations populaires et des mouvements sociaux démocratiques peuvent nous faire aller de l’avant – l’État et l’industrie sont juste en train d’essayer de vendre quelque chose.

Les libéraux écologistes devraient faire part de leurs inquiétudes à propos de ces activités et ils devraient certainement cesser d’appeler l’État à soutenir ces industries. Les libéraux devraient aussi attirer l’attention sur les problèmes moraux de notre modèle social écologiquement destructeur, fondé sur la consommation. En tant qu’être humain, pourquoi sommes-nous sujet à ça ? La richesse et la réussite dans la vie ne viennent pas de l’argent gagné et dépensé dans des biens matériels : nos vies ne sont pas plus riches parce que nous possédons le dernier gadget électronique entre nos mains. Ce qui rend la vie digne d’être vécue sont nos relations personnelles avec d’autres être humains, les arts, nos progrès scientifiques, une société décente (NdT : intraduisible), nos communautés, un environnement sain et encore bien d’autres choses, expériences, qui ne peuvent avoir de prix.

L’État soutient, idolâtre et cherche à maintenir ce système économique et industriel fondé sur la consommation. De la politique monétaire au capitalisme de connivence, l’intervention de l’État sur les marchés vise à engendrer le plus possible d’activités économiques. L’État défend la croissance économique, peu importe le coût ; il encourage le consumérisme et la dette plutôt que le travail et l’épargne. Notre culture de consommateurs sans aucun sens est faite de besoins artificiels et de désirs construits pour notre consommation. Toute tactique adoptée par les écologistes qui donnerait davantage de pouvoir aux institutions centralisées ne sera pas une solution ; au contraire, ça ne fera qu’exacerber le problème.

Au lieu de chercher de fausses solutions, les libéraux et les écologistes devraient promouvoir de véritables marchés libres, qui sont la seule vraie forme de marché capable de créer une économie solidaire, lorsque les petits producteurs peuvent travailler ensemble pour développer leurs productions et se concurrencer dans un marché ouvert. Au-delà des solutions faussement « vertes », les marchés permettront des systèmes d’économie durable et de commerce équitable.

Marketer la vie est une autre manière de la détruire. Notre société de consommation nous vole nos qualités d’êtres humains, notre liberté, notre indépendance, notre travail et notre intégrité en tant qu’êtres doués de sensation. Nous devrions nous libérer de ce comportement.

La dimension humaine, la connexion aux lieux et le rôle des lieux

L’approche libérale de l’écologie peut être aussi défendue en étudiant le sentiment d’appartenance et l’attachement à un lieu. Être relié à une terre, ou à une quelconque partie de la nature, peut être très puissant. Wendell Berry décrit cela beaucoup mieux dans son histoire « Mat Feltners World », lorsqu’il évoque un vieux fermier et sa terre. Il écrit :

Alors que nous regardons Mat s’appuyer contre l’arbre, nous ressentons à quel point il est en symbiose avec celui-ci. Ils sont tous deux devenus âmes-sœurs, égaux en âge, et arrivent finalement au même point. Par la vie qu’il a vécue, debout face à la lumière, Mat aussi s’est tenu « en dehors des bois. » Tout comme le noyer a abandonné ses noix, Mat s’est donné librement, nourrissant la terre et donnant naissance à une nouvelle vie. Comme l’arbre, Mat s’est enraciné profondément et durablement.

Cette citation « Mat s’est enraciné profondément et durablement » en dit long à propos de l’attachement que les gens ont envers un lieu. Le sentiment d’appartenance peut ressembler à un tas de choses : des souvenirs de la famille et des amis, l’avènement de l’âge, la consolation, le confort, etc. Le concept d’un être humain durablement enraciné et connecté à un terrain reflète les profondes obligations qui lie l’Homme à la Terre. Dans la plupart des cas, le respect pour la terre où l’on vit s’ajoute à l’importance de l’attachement au lieu. Souvent les gens assimilent leurs terres à leur héritage. Parfois, les gens vivent sur des terres détenues par leur famille depuis des générations, liant les gens à leurs terres à travers une tradition culturelle et une histoire unique. Enfin, des avantages économiques, une fierté et une relation morale et spirituelle avec la terre sont une expérience vécue par de nombreuses personnes.

Le respect pour la terre est une demande d’attachement à un lieu ; en outre, les pratiques durables d’usage de la terre, avec la participation de la communauté dans le processus d’aménagement du territoire, croissent en importance. L’usage de la terre utilise autant le domaine public que le domaine privé de nos institutions, créant de nouvelles visions de nos paysages. Si elles sont favorisées, les connexions à un lieu évolueront positivement au profit des individus, des communautés et des espaces naturels. Dans un contexte de marché libre, en l’absence de forces coercitives, le respect pour la terre et les gens qui y sont attachés maximisera les avantages pour l’environnement et les gens. Dans un monde en constante évolution, ces dimensions humaines sont de plus en plus nécessaires à la politique, à la résolution de conflits et à la réalisation d’un monde plus juste et durable.

Il est important pour les libéraux de réaliser à quel point ces connexions sont profondes. Le patrimoine culturel est directement lié à la terre. Il suffit d’observer les Appalaches ou Cascadia : dans les vallées de ces montagnes majestueuses se trouve un patrimoine culturel très profond qui transcende les frontières politiques – celui-ci trouve sa source dans le patrimoine naturel. Des champs de charbon des Appalaches aux dures forêts des Cascades, les gens ont condamné la destruction de ce patrimoine culturel, que ce soit par les exploitations minières ou l’industrie du bois. Les gens ont parfaitement raison de se soulever, puisqu’ils voient leur patrimoine naturel et leur travail tournés en outils de productions et objets divers, et ne se voient plus eux-mêmes en êtres-humains indépendants dans leur environnement naturel.

À propos de ces connexions, il faut revenir sur une critique récurrente envers le mouvement écologiste, ou plutôt les « extrémistes » environnementaux. J’ai écrit auparavant à propos de la répression gouvernementale sur les groupes « verts » dans cette ère de la surveillance d’État. Dans d’autres articles j’ai défendu les actions directes des gens protestant contre la construction de Keystone XL, la fracturation hydraulique, le minage de charbon en surface, les hausses de taux et bon nombre d’autres problèmes environnementaux. Ces vues ont toutes suscité des critiques parmi les libéraux, mais il me semble que le libéral de gauche que je suis l’emporte malgré tout.

Certes, tout libéral accepte qu’un individu est justifié moralement à la résistance physique lors de l’invasion d’une propriété privée ou d’une atteinte contre l’un de ses proches. Protéger sa propriété et résister à la violence (n’utiliser la force que lorsqu’elle est provoquée) est un principe fondamental de liberté. Le libertarien affirme souvent que cela justifie l’existence unique de la propriété privée, et qu’un « bien commun » n’existerait pas dans une société libertarienne parce que les propriétés communes défient la nature humaine. Les liens à la terre et les patrimoines naturel et culturel montrent bien qu’il n’en est rien. L’individualisme et le collectivisme procèdent tout deux de la nature humaine et peuvent (et devraient) exister pacifiquement dans une société libre.

Ainsi, quand une partie de ces biens communs, un endroit que l’on aime, peu importe le paysage (montagne, forêt, désert, rivière, côtes…), est envahie par des mineurs, bûcherons, plateformes de gaz, digues, routes et pipelines – et quand le recours légal fait ce qu’il fait le mieux : protéger les droits acquis – alors il est moralement justifié d’entrer en dissidence. Il est moralement justifié d’utiliser son propre corps pour empêcher la construction, de pratiquer la désobéissance civile et d’utiliser des tactiques illégales pour préserver les terres. Les tribunaux continueront d’échouer tandis que l’action directe est nécessaire pour protester contre les actions criminelles de l’État et des sociétés. L’action directe rend l’invasion industrielle et étatique de la propriété privée et des espaces sauvages (ou autres) d’autant plus onéreuses pour les institutions concernées, d’autant plus difficiles à mettre en œuvre car tout nouveau projet sera davantage étudié avant d’être validé. C’est pourquoi ces actions sont si importantes, et pourquoi des gens comme Tim De Christopher en réalisent.

Si chacun préfère ne pas désobéir et toujours respecter la loi, alors mener de telles actions est, en soi, un choix moral. Il y a de grandes conséquences à attendre d’un tel choix. Comme Berry et Abbey le notent, la désobéissance à la loi civile pourrait bien être une obéissance à une loi morale bien plus élevée.

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