Explication de la défaite : Sarkozy a raté deux fois ses Cent jours

Il a d’abord été battu par la mobilisation de la gauche. Il a aussi perdu par ses approximations. Moins mauvais que Mitterrand et Chirac, il n’a pas su inverser la courbe des maux qui plombent la France. Il a navigué à vue, tel un Napoléon au petit pied ratant par deux fois ses Cent jours.

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Explication de la défaite : Sarkozy a raté deux fois ses Cent jours

Publié le 7 mai 2012
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Il a d’abord été battu par la mobilisation de la gauche. Il a aussi perdu par ses approximations. Moins mauvais que Mitterrand et Chirac, il n’a pas su inverser la courbe des maux qui plombent la France. Il a navigué à vue, tel un Napoléon au petit pied ratant par deux fois ses Cent jours.

Par Marc Crapez.

Il a été battu par un adversaire de taille. La France est quadrillée par le clientélisme de gauche, un complexe administrato-associatif qui va du recrutement de fonctionnaires territoriaux aux effets de la loi SRU, machine à distribuer des faveurs. Tout est à gauche : bientôt les deux Chambres, toutes les strates de la vie politique, la magistrature, le quatrième pouvoir médiatique et la majorité des associations.

On l’oublie trop, sans le rejet de l’extrême-droite, Chirac n’aurait pas été réélu face à Jospin. Avec Sarkozy, au sortir de 25 ans de rois fainéants, la droite crut trouver enfin son homme. La rupture, la réforme, c’était tout un. Mais le nouveau locataire de l’Élysée reste pétrifié devant le syndrome du recul face à la rue. Il déploie des prudences de sioux, prêt à lâcher du lest pour éviter de battre en retraite.

Il n’a pas su inverser la courbe des maux qui plombent la France en s’attaquant aux gros chantiers : train de vie de l’État, inflation législative (300.000 lois inutiles viennent d’être abrogées en Italie), rentes de situations, ré-industrialisation, réduction des flux migratoires, matraquage et évasion fiscale. L’effet boomerang de l’endettement a renvoyé l’image calamiteuse d’une droite mauvaise gestionnaire, creusant les déficits.

Remonter la pente était mission impossible. Les gens ne croient plus à ce qu’il dit. Trop de virons-virettes. D’inconstance et d’improvisation. Dans un souci d’affichage médiatique. Il a promis tout et son contraire. Il a déçu les libéraux, la droite et le peuple. Ils n’ont pas seulement été déçus, mais trahis et trompés.

Les bons économistes  sont-ils forcément de gauche ?

Il s’est voulu fin tacticien. Pratiquant l’ouverture et la triangulation. Qui consiste à déborder l’adversaire sur son propre terrain. À être sporadiquement plus à gauche que lui pour l’amadouer et le neutraliser. Pris à son propre jeu, il a recherché l’approbation de ses adversaires. Justifié l’ouverture jusqu’au bout et tapé sur le libéralisme.

Lors du face-à-face télévisé, il s’en étrangle presque : « Comment osez-vous dire, comment osez-vous dire que j’ai eu une présidence partisane, alors que dans la majorité on m’a reproché [l’] ouverture ! » Procédé pourtant vieux comme le monde que cette ouverture. Le maître-mot de Giscard fut déjà en vain la « décrispation ». Le drame de Sarkozy est d’être un progressiste sans mémoire. Il se croit toujours au seuil d’un nouveau monde dont il sied de hâter la venue. Il est non seulement « bougiste » mais « nouveau-mondiste » et adepte de la « démocratie téléchargeable ».

Son quinquennat débute par un changement brouillon de ministre de l’Économie. Puis il promeut, Attali, Rocard, Stiglitz, Strauss-Kahn, ou encore Cahuzac. Un hebdomadaire censé être de centre-droit titrera le 12 mai 2011 : « Jérôme Cahuzac pourrait être le ministre des Finances de DSK en 2012. Il étrille Sarkozy. »

Le retour sur investissement de l’ouverture est infime. Ses dégâts considérables. Elle accrédite l’idée que les bons économistes sont de gauche. Pas rancuniers d’avoir été laissés sur la touche, des économistes libéraux, les uns de la sensibilité de Pascal Salin et les autres de celle de Philippe Trainar, pétitionneront pour sa réélection, sans que ce lobbying ne soit relayé par la presse de droite.

Avancer en donnant des gages comporte le risque d’agir en dents de scie et de se retrouver isolé. Cela irrite les adversaires et désarçonne les partisans. Tant qu’à être honni par certains, autant l’être pour un bilan qui suscite, en contrepartie, la reconnaissance des siens. Il ne faut mener ni combats ingagnables, ni incursions en dehors de ses bases sans stratégie d’accompagnement par un travail d’affirmation de soi et de sape de l’idéologie adverse.

Il sous-estime les gens. Postule qu’un sujet chasse l’autre. Que le peuple n’a guère de suite dans les idées. Qu’il faut lui faire miroiter ce qui correspond à son goût. Par réflexe de caste, il croit aux pouvoirs de la démagogie. Quand le triple A fut perdu, il vint à la télévision complimenter les Français pour leurs « efforts ». Il aurait fallu taper du pied dans la fourmilière, entreprendre de lutter contre la gabegie.

Il fait tout trop tard, à commencer par son mea culpa. Il change de stratégie en cours de route, passe de l’entente franco-allemande à la critique de Schengen. Ses propositions contredisent son bilan au lieu de le prolonger. En regard, le programme de François Hollande est lisible (réforme du statut pénal du chef de l’État, baisse de son propre traitement, non-cumul des mandats, contrat-formation machin-chouette).

Sa campagne utilise des vieilles lunes conservatrices. Il accuse la gauche de vouloir « casser la filière nucléaire » comme celle-ci l’accuse de vouloir « casser les services publics ». Laisse cadrer dans les meetings les notables de l’UMP en rang d’oignon. Caricature Hollande en homme du passé, en homme dangereux, ou en otage de Mélenchon. Peine perdue. Malgré ses coups de menton, Mélenchon remporte un succès d’estime pour son point commun avec de Gaulle : il n’est pas inféodé aux médias et dit ce qu’il pense.

La bonne question est relative et comparative

Après avoir courtisé la gauche, Sarkozy joue sur la corde ultra-légaliste du vieux fonds de droite. Il pose au rempart protecteur des provinces, au bouclier salvateur. Il s’arroge la chose jugée et l’argument d’autorité. Il en appelle à la soumission au regard réprobateur des pays étrangers ou des marchés financiers (Merkel ne voudra pas renégocier, la France risque d’être prise dans la tourmente de la spéculation).

La France l’a élu comme Bonaparte. Il se conduit en Napoléon romantique qui brame maladroitement sa flamme. Du coup, il rate par deux fois ses Cent jours. Les premiers cent jours de son quinquennat d’abord, cette fenêtre de tir si précieuse pour réformer, il la gâche faute de tonus car il a perdu sa Joséphine. Les derniers cent jours de son quinquennat enfin, il ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.

Resté au milieu du gué des réformes pendant cinq ans, il prête le flanc au mécontentement de ses adversaires sans satisfaire ses partisans. Sortant du bois pour faire campagne, plus tôt que prévu mais trop tard, il se retrouve à découvert. Attend vainement le renfort de Grouchy. Engageant la dernière bataille sans avoir véritablement livré la première, il n’est pas aguerri, n’a pas d’alliés fiables. N’ayant pas œuvré à renforcer son camp, il a démoralisé ses partisans. Pour surmonter l’impopularité, il promet qu’il fera enfin tout ce qu’il avait déjà promis sans avoir eu le courage de le faire. Veut refaire ses Cent jours. Reste en exil dans le cœur des Français. N’aura su jouer aucun des rôles attendus de lui : Bonaparte, Thatcher, Churchill.

« Je crois au travail, à l’effort et au mérite », belle épitaphe. Du bon travail a été accompli : réforme des universités, de la carte judiciaire, des retraites. L’avenir rendra une certaine justice à ce président réformateur, en dépit de tous ses défauts à la cuirasse. La bonne question, au sujet de Nicolas Sarkozy est, à la fois, relative et comparative. Elle ne consiste pas à se demander si John Fitzgerald Kennedy aurait fait mieux que lui, mais : a-t-il été meilleur, ou moins bon, que Mitterrand en 81, Chirac en 95 et que n’aurait pu l’être Ségolène Royal qu’il a battu en 2007, ou que ne le sera François Hollande qui l’a battu en 2012 ?


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