Une étude épidémiologique détournée par les anti-nucléaires

De manière très risible le collectif « Sortir du Nucléaire » salue une étude très « rigoureuse », simplement parce qu’il en retire un chiffre qui apporte de l’eau à son moulin

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Une étude épidémiologique détournée par les anti-nucléaires

Publié le 12 février 2012
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De manière très risible le collectif « Sortir du Nucléaire » salue une étude très « rigoureuse », simplement parce qu’il en retire un chiffre qui apporte de l’eau à son moulin. Est rigoureux pour ces gens seulement ce qui démontre leurs préjugés.

Par Anton Suwalki

Les médias ont beaucoup parlé d’une étude menée par des chercheurs de l’INSERM et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire [1]. Si plusieurs journaux ont donné la parole à Jacqueline Clavel qui a dirigé l’étude, permettant ainsi de clarifier un minimum les résultats, les anti-nucléaires se sont bien entendu jetés sur une partie des résultats sans signification pour en faire la « preuve » que « les centrales nucléaires françaises sont à l’origine de leucémies infantiles aiguës ». « Nos enfants nous accusent déjà », ajoute le réseau Sortir du nucléaire (SDN) [2].

De manière très risible SDN salue une étude très « rigoureuse », simplement parce qu’il en retire un chiffre qui apporte de l’eau à son moulin. Est rigoureux pour ces gens seulement ce qui démontre leurs préjugés.

On peut se demander où est l’intérêt de renouveler sans cesse des études épidémiologiques en l’absence d’éléments nouveaux. De telles études, plus localisées, seraient sans doute justifiées si des sites nucléaires avaient accidentellement rejeté des niveaux significatifs de gaz radioactifs pendant une période longue. Ça n’est pas le cas : les doses subies les plus élevées se chiffrent en micro sieverts, environ mille fois moins que la radioactivité naturelle en France. En multipliant les études, les périmètres étudiés, on arrive nécessairement du fait des lois statistiques de la distribution des individus à des cas où le paramètre étudié est plus fréquent qu’attendu. Ici , le paramètre, c’est la leucémie infantile, mais il en serait de même pour les verrues plantaires. À quand une étude épidémiologique qui « prouvera » un excès de risque de verrues plantaires à proximité des centrales nucléaires ?

De fait, on a constaté un excès de leucémies pour les enfants de moins de 5 ans vivant à moins de 5 kilomètres d’une centrale, et ce pour la seule période allant de 2002 à 2007. « L’augmentation va jusqu’à 2,2 chez les enfants de moins de 5 ans » fanfaronne cyniquement SDN. On a en effet comptabilisé 8 cas de leucémies contre 3,6 attendus dans cette « case », compte tenu du taux d’incidence moyen mesuré en France. On ne peut pour autant strictement rien en conclure scientifiquement, d’autant plus que sur la période la plus longue (1990-2007), c’est-à-dire la plus significative, il y a absence de sur-incidence.

SDN a choisi dans des tableaux la case qui « démontre » ce qui l’intéresse, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien remarquer que le nombre de cas constatés de leucémies chez les moins de 15 ans pour la même distance, est de seulement 10, contre 13,6 attendus entre 1990 et 2001… Les émissions des centrales auraient-elles donc protégé les enfants de moins de 15 ans sur une période, auraient-elles été neutres sur la même période pour les moins de 5 ans puis nui à leur santé entre 2002 et 2007 ? Les résultats contradictoires sont là pour souligner l’inanité des conclusions de SDN, d’autant plus que l’on ne constate aucune corrélation entre l’incidence des leucémies et les doses (très faibles) de radiation subies.

Le public auquel s’adresse les anti-nucléaires ne comprend probablement pas la notion même d’étude épidémiologique. C’est bien sur cette ignorance que s’appuie SDN, il est tellement facile de jouer sur la corde sensible. On connaît le refrain : Regardez ces sans-cœur ! Même en l’absence de certitude, comment osent-ils prendre le risque d’exposer de pauvres bambins innocents à une leucémie ?

Le bon sens de cette affirmation n’est qu’apparent. Prenons tout simplement l’ensemble des enfants vivant près d’une centrale nucléaire : 131 cas de leucémies ont été observés sur l’ensemble de la période 1990-2007 , soit légèrement moins que le nombre de cas attendus (136). Le « ratio standardisé d’incidence » (SIR) est compris dans un intervalle de confiance à 95% valant entre 0,8 et 1,1. En d’autres termes, si on s’en tient à une lecture purement statistique des résultats qui plaident en réalité pour une absence totale de lien de causalité entre leucémies et vie à proximité d’une centrales nucléaires, fermer ces centrales nucléaires pourraient réduire d’environ 10% le nombre de leucémies infantiles (SIR =1,1), mais… il se pourrait tout aussi bien que ces centrales soient en réalité protectrices, évitant 20% de leucémies infantiles (SIR= 0,8).

On voit bien les limites d’un raisonnement purement probabiliste, c’est-à-dire déconnecté des réalités médicales connues : de ce strict point de vue [3], les deux options — maintenir le nucléaire ou en sortir — sont tout autant criminelles, si on suit la logique du principe de précaution jusqu’au bout.

Rien de nouveau sous le soleil nucléaire donc, sauf pour ceux qui sont prêts à se jeter sur n’importe quel chiffre insignifiant comme un chien affamé sur un os à ronger. Bien entendu, SDN qui a salué cette étude comme « très rigoureuse », aura occulté les autres études menées par Jacqueline Clavel, dont celle-ci [4] qui aboutissait à des constats intolérables pour eux : moins de cas de leucémies observés près des centrales nucléaires qu’attendus !

« Même en situation non accidentelle, la preuve est encore apportée que la technologie nucléaire n’appartient plus à un monde civilisé. » La seule preuve apportée, non pas par l’étude, mais par son interprétation par SDN, est que ces gens sont des demeurés totalement incurables.

—-
Sur le web

Notes :
[note][1] voir l’analyse de Yann Kindo à ce sujet.
http://blogs.mediapart.fr/blog/yann-kindo/120112/nucleaire-un-titre-peut-changer-une-information

[2] http://groupes.sortirdunucleaire.org/Centrales-nucleaires-et-leucemies
Ce groupe a publié sur son site l’étude pas encore accessible, ce qui représente un service bien involontaire offert à ceux qui combattent ces obscurantistes. Voir le fichier PDF.

[3] Sans parler bien sûr des conséquences inestimables de se priver d’une telle source d’énergie qui assure 75% de nos besoins en électricité

[4] Childhood leukaemia incidence around French nuclear installations using geographic zoning based on gaseous discharge dose estimates, British Journal of Cancer (2006) , résumé ici : http://www.nature.com/bjc/journal/v94/n9/abs/6603111a.html [/note]

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