Niche parlementaire RN : face à LFI, la stratégie du plagiat

Dans sa quête obsessionnelle de normalisation, le Rassemblement national a décidé d’utiliser le peu de liberté parlementaire que la Constitution lui accorde pour continuer de mener des coups médiatiques.

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Marine Le Pen by Global Panorama(CC BY-SA 2.0)

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Niche parlementaire RN : face à LFI, la stratégie du plagiat

Publié le 13 décembre 2022
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Se dirige t-on vers un partage des tâches électorales au RN ?

Au nouveau président du mouvement, Jordan Bardella, les habituelles marottes de l’immigration, de l’identité et de la sécurité, tandis que Marine Le Pen la présidente du groupe à l’Assemblée nationale reprend les sujets plus sociaux.

La niche parlementaire du parti, prévue début janvier, en est une illustration, alors que le RN continue sa stratégie de normalisation qui sonne la fin du combat idéologique pour le parti populiste au profit d’une stratégie du coup médiatique et démagogique allant jusqu’à singer purement et simplement les Insoumis.

 

Un espace de liberté parlementaire

Qu’est-ce qu’une niche parlementaire ?

Comme son nom l’indique, il s’agit d’un espace protégé accordé aux groupe d’opposition et minoritaires aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Les groupes d’opposition peuvent choisir les textes examinés lors de l’ordre du jour dont la fixation est régie par l’article 48 de la Constitution.

Dans un régime aussi fermé que la Cinquième République, une telle procédure est plus qu’étonnante. Pour cause, jusqu’en 1995, le gouvernement était maître de l’ordre du jour. La révision constitutionnelle du 4 août 1995 ouvre la possibilité pour les parlementaires de choisir l’ordre du jour une fois par mois.

Avec la révision constitutionnelle de 2008, le gouvernement ne peut plus fixer l’ordre du jour des chambres que deux semaines par mois.

 

La foire aux coups médiatiques

Ces niches relèvent d’une culture de compromis démocratique très contre-intuitive pour nos institutions au point que nos élus n’en font pas un espace de coconstruction mais un outil de coups médiatiques, comme la question de la corrida initialement prévue dans la niche LFI, ou l’introduction de l’IVG dans la Constitution, votée dans ce cadre fin novembre.

Or, très peu sont les textes qui aboutissent : d’une part, du fait du caractère évidement minoritaire des textes et d’autre part parce qu’ils sont généralement soumis à une obstruction parlementaire quasi-systématique.

 

Une niche RN début janvier

Sur les neuf mois de session parlementaire, un jour par mois est dévolu aux différents groupes.

Pour la session 2022-2023, les niches sont réparties dans l’ordre suivant : Modem (6 octobre), insoumis (24 novembre), LR (1er décembre), RN (12 janvier), socialistes (9 février), Horizons (2 mars), écologistes (6 avril), communistes (4 mai) et centristes (8 juin).

Début janvier, c’est donc le RN qui devrait bénéficier de la niche parlementaire, l’occasion pour les marinistes de faire un nouveau coup politique.

 

Une niche très rouge

Une niche d’une dizaine de textes à la tonalité très sociale car outre une proposition sur la présomption de légitime défense des forces de l’ordre – idée déjà incluse dans le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2012 – et une autre sur les uniformes à l’école, la plupart des textes proposés par les députés marinistes n’ont rien à envier à leurs collègues situés à l’opposé dans l’hémicycle.

On notera ainsi une hausse de 10 % des salaires jusqu’à trois SMIC par réduction équivalente des cotisations sociales – renforçant ainsi la trappe à SMIC décrite depuis plusieurs années. Sur le plan social, le RN évoque également une réforme de la taxe d’ordures ménagères et la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), déjà en place dans onze métropoles, un nombre qui sera multiplié par quatre d’ici 2025. Ces zones restreignent la circulation aux véhicules disposant d’une vignette Crit’Air 3 et plus, soit des véhicules appartenant à des ménages à faibles revenus, ce qui fait que ces ZFE ont été surnommées « Zones à fortes exclusions (sociales) », s’apparentant ainsi à une forme d’apartheid social.

Ces textes s’ajoutent à deux autres, qui n’ont guère été du goût des députés LFI.

Le premier est la proposition de loi de réintégration des soignants non-vaccinés, retirée de la niche insoumise après sa reprise par les marinistes.

 

Mais la reprise la plus commentée reste celle de la proposition de loi de la sénatrice centriste Valérie Létard et votée à l’unanimité à la chambre haute le 20 octobre dernier relative à l’instauration d’une aide universelle d’urgence contre les violences conjugales. La proposition vise à instaurer un prêt à taux zéro pour les victimes de la grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

La tentative de récupération du RN n’aura été que de courte durée puisque la conférence des présidents de groupe décidera de finalement mettre le texte à l’ordre du jour de la semaine du 16 janvier, hors de toute niche parlementaire.

 

Une normalisation facile

Après le piège du vote de la motion de censure NUPES par les députés RN il y a quelques semaines, le Rassemblement national continue sa stratégie de normalisation par ce qui s’apparente faussement à de la fine stratégie politique.

Faussement, car de la même manière que le vote conjoint d’une motion de censure entre la gauche et les lepenistes fin octobre n’avait rien d’original ni d’historique, la composition de la niche parlementaire RN en dit davantage sur le parti que sur ses adversaires aux réactions pavloviennes aussi ridicules que prévisibles.

 

Singer LFI

Car sous ce qui est vendu comme une action d’union nationale, le RN montre qu’il aspire désormais à l’emporter électoralement en singeant grossièrement les Insoumis considérés comme ses principaux concurrents.

En raisonnant en termes purement économiques, le Rassemblement national cherche ses parts de marché dans l’électorat LFI au prix de mesures démagogiques rappelant les heures sombres du programme commun.

Cette démagogie met totalement de côté le combat intellectuel et idéologique délaissé aux zemmouriens.

Dans sa quête obsessionnelle de normalisation, le Rassemblement national a donc décidé d’utiliser le peu de liberté parlementaire que la Constitution lui accorde pour continuer de mener des coups médiatiques visant à singer son principal concurrent jusqu’à ses mesures les plus démagogiques.

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  • Il faut peut-être arrêter de voir des complots ou des pièges partout.
    Ces mesures étaient déjà pour la plupart dans le programme présidentiel de MLP. Il n’y a pas de singerie de LFI, il y a simplement plusieurs domaines où ces deux partis sont d’accord, et depuis des années. Ce n’est un secret pour personne que sur le plan économique et social, le RN est beaucoup plus proche de la gauche que de LR.

  • Le RN de gros vilains méchants qui sont prés a tout pour ne pas être traité comme des parias !
    Faudrait surtout pas que la technique de « Faire barrage a l’extrême droite » s’arrête, et ne permette pas, en 2027, de faire élire le premier c0n venu désigné par la CIA.

  • Au moins les élus RN ont-ils de la suite dans les idées.
    Ce n’est pas donné à tous. Ni la suite ni les idées.
    LFI débranche sa proposition parce que l’adversaire politique sort la même ? On mesure la conviction de mollusque que cela nécessite.
    Tous les partis s’honoreraient à proposer la réintégration des soignants non-vaccinés. Depuis qu’on sait que le vaccin n’empêche nullement la contamination.
    Il n’est pas interdit de se laisser pousser neurones et coeur.

  • Article étonnant. Le RN est socialement à gauche, ce n’est pas nouveau. C’est bien là l’énorme différence avec Zemmour, dont le programme économique aux présidentielles était le seul à tenir la route, bien qu’étatiste.
    Le RN et toute la (vraie) droite a milité pour que les soignants non-vaccinés soient réintégrés, donc qu’ils mettent ce sujet dans leur niche, du fait de l’obstruction gouvernementale sur celle de LFI, n’a rien d’anormal. C’est la réaction de tous ceux qui parlent de récupération ou de « recherche absolue de normalisation » qui sont dans l’idéologie.
    Enfin, qu’ils défendent les femmes en général et s’attaquent à faciliter le changement de vie des femmes battues n’a rien de démagogique ; il est même surprenant qu’on puisse admettre que seuls le RN et LFI y pensent, alors que c’était une « cause nationale du 1er quinquennat ».

  • Quand l’extrême gauche LFI s’oppose à la gauche extrême RN en défendant les mêmes idées pour s’accaparer le vote des sots. C’est à celui qui sera le plus mauvais. Et comme ils sont en concurrence pour le même électorat, ils se tapent dessus en défendant les mêmes idées. Si la France n’était pas en si mauvais état on pourrait en rire. Malheureusement, on est en pleine tragédie.

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