TVA sociale : la fausse bonne idée qui détourne des vrais enjeux

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TVA sociale : la fausse bonne idée qui détourne des vrais enjeux

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 mai 2025
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Alors que la France cherche désespérément à restaurer sa compétitivité et à équilibrer ses comptes sociaux, et dans un contexte d’inflation persistante, de précarisation croissante des classes moyennes et populaires, Emmanuel Macron et le MEDEF ressortent des placards une vieille idée au nom trompeur : la TVA « sociale » qui est en réalité anti-sociale mais également anti-économique. Une idée non seulement inefficace mais aussi nuisible car elle détourne le débat public du vrai sujet : la baisse des impôts et des charges grâce à la baisse des dépenses publiques.

La TVA « sociale » s’appuie sur l’argument séduisant d’un transfert des charges pesant sur le travail – via une baisse des charges patronales – vers la consommation. Les entreprises pourraient alors améliorer leur compétitivité, embaucher et investir davantage. Les consommateurs, actifs et inactifs, seraient quant à eux appelés à contribuer davantage au financement de la sécurité sociale dont ils bénéficient, via l’augmentation de la TVA.

Une TVA anti-sociale et anti-économique

Les classes populaires, qui consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation, seront les premières victimes de cette hausse déguisée de la fiscalité. À l’heure où la précarité se répand, où l’alimentation et le chauffage deviennent pour certains des luxes intermittents, augmenter la TVA serait une politique anti-sociale qui risquerait de faire perdre leur sang-froid aux classes populaires.

Présentée comme un levier de compétitivité et d’emploi, cette mesure n’est rien d’autre qu’un transfert temporaire de charges des entreprises vers les consommateurs, avec comme seul effet incontestable durable une augmentation d’impôts de 10 milliards – selon la version proposée par le MEDEF – ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire.

Une mesure sans effet réel durable

La TVA « sociale » se contente de déplacer le poids fiscal sans effet durable sur les grands équilibres économiques. L’économie est un organisme vivant au sein duquel les équilibres se maintiennent par les mécanismes d’évolution des prix. Si vous baissez une taxe d’un côté, tout en augmentant un autre impôt ailleurs, ceux qui subissent l’augmentation la répercutent sur leurs coûts et sur leurs prix, ce qui permet de répartir la charge sur d’autres acteurs économiques, et ainsi de suite. La pression inflationniste créée par l’augmentation de la TVA se répercutera inévitablement sur les salaires et les coûts des entreprises. Elle se diffusera et finira par se répartir sur tous les acteurs dans un équilibre qui ne sera pas significativement différent de la situation ex ante. Le système se rebouclera, sans effet structurel durable. Le taux d’imposition pesant globalement sur l’économie réelle restant le même, la compétitivité de l’économie française restera également la même. S’imaginer le contraire, c’est de la pensée magique digne du Père Noël ou du miracle de la multiplication des pains.

La TVA « sociale » traduit une vision superficielle et simpliste d’économistes du dimanche qui ne voient que les effets immédiats sans se préoccuper des effets secondaires. Il faut sortir de cette conception corporatiste de l’économie et de la politique, qui ne doit pas être un combat entre catégories qui essaient de vivre aux dépens des autres en croyant naïvement pouvoir échapper à la charge du système en la passant à leurs voisins. Une politique économique efficace et juste n’est pas un jeu de bonneteau. Elle s’incarne dans des choix clairs, assumés et courageux, où l’intérêt général l’emporte sur les intérêts catégoriels.

Un débat inutile

La TVA « sociale » nous détourne des vrais enjeux. Or nous n’avons plus de temps à perdre en palabres sur de fausses réformes sans effet structurel, profond et durable démontré. Il n’existe aucune recette magique pour améliorer la compétitivité sans baisser le niveau global d’imposition. Et avec un niveau d’endettement catastrophique, la seule manière de réduire les impôts et les charges est de baisser les dépenses publiques en améliorant leur gestion bureaucratique et en faisant des choix stratégiques sur les missions de l’Etat en le recentrant sur ses missions régaliennes.

La TVA « sociale » n’est pas une réforme structurelle courageuse, mais plutôt une illusion dilatoire qui laisse accroire que l’on pourrait éviter de s’attaquer aux racines du mal : une dépense publique déconnectée de la performance, un État hypertrophié, un système social dispendieux et déficitaire qui vit à crédit, décourage le travail et encourage l’assistanat, et une responsabilité individuelle trop souvent évacuée au profit d’un collectivisme qui dilue la responsabilité des acteurs et permet le laxisme dans la gestion (« Ce n’est pas cher, c’est l’Etat qui paie », « quoi qu’il en coûte », etc.).

Pour résoudre le problème des charges sociales qui pèsent trop lourdement sur le coût du travail, il faut d’abord s’interroger sur le périmètre de la protection sociale et mettre en œuvre une réforme en profondeur pour introduire des mécanismes de capitalisation et de responsabilité individuelle. Quelles prestations doivent relever de la solidarité nationale ? Qui doit en bénéficier ? Pendant combien de temps ? Sous quelles conditions ? Quelles prestations doivent être assurées individuellement ? Une conversation adulte sur ces questions est nécessaire plutôt qu’un énième foire d’empoigne sur une nouvelle taxe aux pouvoirs magiques, participant au concours Lépine de l’innovation fiscale que semble être devenu notre débat politique national.

Ces réformes sont politiquement difficiles mais économiquement efficaces. La TVA sociale, elle, est politiquement plus « facile » – quoique cela reste à prouver dans un contexte de pouvoir d’achat sous pression qui a fait émerger les Gilets jaunes – mais économiquement inutile.

Enfin, cette mesure brouille encore un peu plus le lien déjà bien dilué entre le citoyen contribuable et le financement de la protection sociale. Dans une économie bien organisée et une société démocratique équitable, chacun doit savoir ce qu’il paie, pourquoi, à qui, et pour quels résultats. Le flou fiscal est l’ennemi de la responsabilité civique et politique et d’un marché transparent qui permet un bon fonctionnement de l’économie.

En somme, la TVA sociale est une fausse bonne idée typique de nos brillants esprits technocratiques déconnectés de l’économie réelle, et malheureusement soutenue par quelques entrepreneurs à courte vue. Un simple jeu de passe-passe fiscal qui ne résout pas le fond du problème : l’excès de taxation et de charges sociales. Elle prétend régler des problèmes de compétitivité sans réformes structurelles, elle fragilise la consommation, elle pénalise les plus modestes et elle va à l’encontre d’une fiscalité transparente, efficace et responsabilisante.

Il faut rappeler que la TVA sociale a déjà été expérimentée. Sous Nicolas Sarkozy, une tentative de ce type avait été votée en 2012, puis rapidement abrogée tant elle avait suscité de critiques. La Cour des comptes avait alors souligné son efficacité incertaine.

Cessons de perdre un temps précieux dans des débats artificiels et sans intérêt. Qu’Emmanuel Macron nous épuise de ses vaines paroles, cela n’a malheureusement plus rien d’étonnant, mais le MEDEF devrait consacrer son énergie et son influence aux vrais enjeux.

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  • Jeremy Lapuree
    19 mai 2025 at 8 h 03 min

    En théorie, la TVA sociale devrait favoriser les productions nationales en n’élevant le coût final que des productions importées…
    Mais dans un pays où le secteur industriel est tombé à 10 % du PIB, c’est bien la dernière chose à tenter !
    Faut-il être vraiment désespéré pour ressortir une si vieille idée qui n’avait guère porté chance à la droite sarkozienne en 2007 (avant les législatives) et en 2012 (avant la présidentielle)…

    • Donc pour résumer vous préférez continuer comme maintenant et détruire les 10% restants de notre industrie,… programme intéressant!

      -2
      • Vous savez très bien qu’en France, quand on prétend transférer des taxes – ici ce serait des patrons vers les consommateurs – on ment : on se contente d’en créer de nouvelles.
        Le timing de cette affaire – l’urgence de trouver 40 milliards – prouve aisément que c’est un marché de dupes.
        Sans même parler des inconvénients intrinsèques décrits dans l’article.

        • De toute façon, qu’on vous prélève sur le salaire, sur votre conso ou sur vos comptes en banque est la même chose: vous vous faites plumer. La TVA présente l’avantage de taper sur la concurrence extérieure et protège mieux les entreprises locales, celles qui créent la richesse. Moins d’entreprises productives = plus de pauvreté.

  • A première vue c’est en effet une opération neutre à masse fiscale égale de remplacer les charges sociales des entreprises par le même volume de TVA sociale. Dans un cas comme dans l’autre c’est in fine le consommateur qui paye. Sauf que pour une entreprise exportatrice le consommateur étranger non concerné par cette surtaxe TVA payera donc moins cher, ce qui contribue à la compétitivité de l’entreprise qui peut baisser son prix de vente et constitue un coup de pouce au développement industriel, donc de l’emploi menant à la baisse des dépenses sociales et la hausse des recettes fiscales.

    -1
  • Le transfert de charges sociales vers la tva n est que du bonneteau et ne résout aucun de nos problèmes économiques
    Cette technique a déjà été largement utilisée par l actuel PR sans oublier le CICE du camarade flamby suite au rapport gallois
    Comme personne n assume la mise en œuvre de réformes
    structurelles les hommes politiques passent leur temps à lancer pour la nième fois les mêmes ballons d essai qui produisent du buzz…..🤣🤣🤣🤣🤣🤣

    • La gauuuuche (comprendre tous les partis politiques ayant pignon sur rue) n’est pas favorable à la tva car les pauvres la paient. Ils préfèrent détruire l’économie que de prendre des mesures efficaces.

      Financer le social par de la tva signifierais la monter au moins à 50%, pour remplacer les énormes charges sociales et autres qui coulent notre pays. Je ne me souviens pas avoir vu flamby proposer ça, ni son fils politique actuellement au pouvoir…

      -1
      • Inutile de s enliser dans la nième version de ce faux débat
        Il faut des réformes structurelles qu actuellement personne ne veut : les gaulois comme les élus le gouvernement et tout le personnel politique…..🤣🤣🤣🤣🤣

        • Vous voulez dire supprimer les improductifs ? ( virer un fonctionnaire sur deux et 9 politiciens sur 10…) On est d’accord, mais ç’est difficile de le faire instantanément et en attendant, basculer l’ensemble des charges sur la TVA, et supprimer tous les prélèvements de la fiche de paie serait un bon début. ça aurait les mêmes effets qu’une dévaluation sans avoir à sortir de l’euro. Faudrait juste remettre les frontières en service, a moins que nos voisins s’alignent…

          De toute façon faudra un remède de cheval, et si vous en voulez pas vous l’aurez quand meme, on va faire faillite…

  • Il y a juste un hic : l Etat français est irréformable. L Etat est un addict qui n’a pas encore touché le fond.

    • L état n est pas irreformable (voir en 1958) mais simplement les français s opposent aux réformes structurelles absolument nécessaires
      Le vote des législatives de 2024 est particulièrement explicite
      En rendant ingouvernable la France nos vieux gaulois ont piqué une crise d adolescents

      • Oui, c’est surtout que dans un pays communiste, les fonctionnaires & assistés votent pour les communistes, à ce stade seule la faillite va permettre au pays de sortir de l’ornière.

  • Il est entendu qu’il y a trop d’impôts. On peut néanmoins s’interroger sur la répartition optimale des impôts pour un total donné. A mon avis un impôt ne doit pas être interventionniste (taxer plus ce que l’on veut décourager et moins ce que l’on veut pousser, ce qui est attentatoire aux libertés et considère les citoyens comme des demeurés), il doit être simple (pas de centaines d’impôts différents et pas d’impôts type société qui sont bien entendu répercuté dans les prix). Il ne doit pas évoluer en permanence car l’impossibilité d’anticipation est néfaste à l’économie.
    Il faut savoir qu’en France la valeur ajoutée totale est de moins de 5% en dividendes et tout le reste en revenus du travail et impôts qui sont en principalement transformés en revenu du travail pour les fonctionnaires et fournisseurs de l’état. Quoi que l’on fasse l’impôt porte presque exclusivement sur le travail et celui-ci est presque exclusivement de la consommation. Même les circuits les plus complexes ne peuvent changer cela.
    L’idéal pour moi serait un impôt unique qui serait la TVA. Ce serait un impôt vertueux qui ne taxe que la destruction de richesses et non l’investissement.
    L’argument de l’injustice car les ultra-riches ne consomment qu’une petite partie de leur revenu ne tient pas car justement ce qui n’est pas consommé c’est de l’investissement et cela ne doit pas être découragé.
    Et je ne suis même pas sur qu’il soit utile d’avoir plusieurs taux de tva. La loi de l’offre et de la demande fait que les producteurs s’adaptent à la demande. Chaque fois que les consommateurs ont un avantage qui tombe du ciel, cela pousse inéluctablement les prix à la hausse (exemple quand les taux d’intérêt baissent les prix de l’immobilier augmentent).
    Et la non progressivité (comme pour le revenu) n’est pas non plus scandaleuse. Les hauts revenus à fort pouvoir de négociation se fixent en effet des objectifs de reste après impôt. Il est tout à fait évident que si l’on matraque une catégorie indispensable de travailleurs compétents, ils feront très vite monter les enchères salariales pour compenser.

    • Le problème est de réduire l’inefficacité des dépenses publiques, sociales en particulier. Leur trouver de nouveaux financements encourage fortement à n’en rien faire

  • Nous payons déjà une TVA de 20%, ils comptent nous voler davantage!

  • Idee fantastique, on prend aux consomateurs pour donner a d’autres consommateurs aides par l’etat….. Resultat, on appauvrit la population sans deminuner le rrain de vie de l’etat…. Reel probleme a resoudre..

  • Pas du tout de votre avis. Globalement, la France consomme 32% de produits importés.
    Avec la TVA sociale, les produits importés contribueraient à nos services sociaux, ce qu’il ne font pas actuellement et les entreprises pourraient enfin investir, ce qu’elles ne peuvent plus faire !

    • Dites nous si vous parlez de charges sociales patronales ou salariales????
      D autre part cette tva sociale se portera t elle sur tous les taux puisque notre tva est très mitée????

  • Je pense, au contraire que c’est une bonne idée.
    “Les classes populaires, qui consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation, seront les premières victimes de cette hausse déguisée de la fiscalité.” Riches comme pauvres, dépensent, in fine, tout ce qu’ils gagnent. L’épargne n’est qu’une consommation reportée. Cette remarque n’a pas de sens.
    La taxe se déplace vers le consommateur. Mais le vrai avantage est que tous les consommateurs payent. Et en France, état social par excellence, 30% des revenus ne viennent pas du travail mais des aides sociales. Taxer la consommation, c’est taxer (plus) les aides sociales. C’est pénaliser l’assisté (enfin!).
    Donc oui, la TVA sociale est, effectivement, anti-socialiste. La méthode est super bureaucratique bien sûr, car les aides sociales passent par les tubulures chromées de l’administration dans un sens, puis par les taxes dans l’autre sens…. Il y a aussi un gain pour l’export, mais, reconnaissons le, il est négligeable.

  • Facile de démonter un principe en n’en développant que partiellement le principe, et en mettant en exergue ce qui paraît le moins populaire.
    Une synthèse plus objective dans ce lien :
    https://papyrural.blog4ever.com/une-solution-pour-les-retraites-et-l-emploi
    Merci pour votre intérêt.

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