La viande et les libéraux classiques français

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La viande et les libéraux classiques français

Publié le 13 juin 2024
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Dans l’alimentation, la viande a toujours fait débat. Mais si le végétarisme est à la mode au siècle des Lumières, les libéraux classiques français ne l’adoptent pas ; et plus tard, il en vient même à être davantage associé à l’étatisme et au socialisme. Car depuis Saint-Just sous la Révolution jusqu’au collectivisme allemand, ce courant fait peser sur la société la menace d’une proscription légale de la viande. (P. Leroy-Beaulieu, Le Collectivisme, 1884, p. 332 ; E. Laboulaye, Histoire, etc., 1866, t. III, p. 17) À ces plans dictatoriaux, les libéraux répondent par la liberté du choix : quels que soient les délices dont les diverses sectes communistes nous étourdissent en parlant de leur futur Éden social, il ne faut pas être dupe, répondent-ils ; et les plats que l’on mange à l’heure que l’on veut, dans la compagnie que l’on a choisie, valent pour eux mieux que tous les autres. (Œuvres complètes de Gustave de Molinari, t. XI, p. 666.)

 

Au double point de vue de la morale et de l’hygiène, le végétarisme apparaît aux libéraux classiques français comme une cause viciée. Jean-Baptiste Say écrit que nous répondons aux impératifs de notre nature quand nous abattons des animaux pour nous nourrir de leur chair, et qu’au surplus les animaux se mangeant les uns les autres, nous aurions tort de nous faire un scrupule d’adopter la même conduite. (Cours complet, etc., 1828, t. II, p. 164-165)

La morale qui découle des principes du libéralisme n’oblige pas au végétarisme, soutient aussi Gustave de Molinari. Si c’est « une exagération morale », dit-il, de s’affilier aux sectes « légumistes » et de s’abstenir rigoureusement de la chair des animaux, il reste certain que l’Homme a des devoirs envers les animaux, et que ses droits à leur égard sont limités. (La morale économique, 1888, p. 100) La chasse, notamment, est considérée par lui comme par beaucoup de ses collègues comme une immoralité. (Société d’économie politique, séance du 5 septembre 1864.)

Les plus habiles connaisseurs, parmi eux, des questions de la médecine humaine, conçoivent d’ailleurs la viande comme un aliment hors pair.

« Les substances animales, écrit l’idéologue Cabanis, ont sur l’estomac une action beaucoup plus stimulante que les végétaux. À volume égal, elles réparent plus complètement et soutiennent plus constamment les forces. Il y a certainement une grande différence entre les hommes qui mangent de la viande et ceux qui n’en mangent pas. Les premiers sont incomparablement plus actifs et plus forts. Toutes choses égales, d’ailleurs, les peuples carnivores ont, dans tous les temps, été supérieurs aux peuples frugivores dans les arts qui demandent beaucoup d’énergie et beaucoup d’impulsion. » (Rapports du physique et du moral de l’homme, t. II, 1802, p. 134-135)

Gustave de Molinari, fils d’un médecin homéopathe, approuve tout à fait ce langage :

« Des expériences fréquemment répétées, particulièrement dans les usines de Charenton, ont prouvé que la viande donne plus de forces que les végétaux. Des ouvriers français qui fournissaient moins de travail que des ouvriers anglais, ont fini par en donner tout autant que ceux-ci, lorsqu’ils ont été, comme eux, nourris de viande. Tous les physiologistes s’accordent, au reste, sur ce point. » (O. C., t. V, p. 155).

Cette unanimité complète pèse lourd, sans doute, pour tous ceux qui, moins spécialistes, voudraient se fonder sur l’opinion plus assurée d’autrui. Hors du monde médical, un agronome réputé, Léonce de Lavergne, croit aussi que la viande est un aliment de premier choix, par sa puissance nutritive et sa neutralité pour les organes. (L’agriculture et la population, 1857, p. 203) Quel libéral humaniste pourrait rappeler les scrupules de Voltaire, devant cette science qui a avancé ?

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Fort de ces convictions, loin d’avoir recommandé aux Français d’abandonner la viande, les libéraux français ont cherché plutôt à en démocratiser la consommation. Dans toutes les villes, le régime spécial de la boucherie, vieux reste du système des corporations, élevait abusivement le prix de la viande, et ils réclamèrent pour tout le monde le droit de s’établir concurrentiellement comme boucher. Un autre combat libéral du temps fut, parallèlement, la suppression de l’octroi sur cette denrée.

Parmi les ouvriers, disent leurs meilleurs amis chez les libéraux français, la consommation et même le goût de la viande n’est pas répandu.

« Beaucoup d’ouvriers n’aiment pas la viande », remarque Jules Simon ; « d’autres la supportent difficilement, faute d’habitude » (L’Ouvrière, 1861, p. 294). C’est tout un apprentissage à encourager, soutient Paul Leroy-Beaulieu quelques années plus tard ; apprentissage nécessaire, ajoute-t-il, car la viande c’est la santé, la puissance et la résistance au travail. (État des populations ouvrières, 1868, p. 247)

Cette apologie de la viande dans le libéralisme classique français se fonde donc sur les faits et sur la science, autant si ce n’est plus que sur des préceptes moraux. C’est à ceux qui ont repris et qui continuent leur héritage à juger si les données sur lesquelles ils se sont appuyés sont encore les mêmes, comme à réviser leur morale, s’ils la trouvent en faute.

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  • Je ne suis pas tout à fait sûr qu’on puisse considérer que ces avis s’appuient sur “la Science”, dans la mesure où la science dont il s’agit est la médecine des XVIIIe et XIXe siècles… depuis, on a quand-même fait quelques progrès de ce côté.
    Ceci dit, je suis plutôt en accord avec le fond de l’article : mange de la viande qui veut en manger, dans l’idéal en ayant conscience que, pour pouvoir mettre ce morceau de viande dans l’assiette, un animal a dû mourir. Le fait d’être omnivores fait partie de notre nature d’homo sapiens, autant l’assumer !

  • Les qualités qu’on attribue à la viande sont celles des protéines. Construire et réparer notre corps. Ni plus ni moins.
    Aujourd’hui elle est devenue, avec son compagnon le barbecue, un stup.de marqueur politique séparant les écolos à la petite semaine du reste de la population. Et certainement pas la gauche de la droite. Ou les libéraux des étatistes. Même le leader du PC adore une bonne entrecôte. Et H.tler, plus socialo-étatiste tu meurs (moins aussi d’ailleurs) était végétarien.
    Les végétariens, c’est 2 % de la population – les vegans, c’est peanuts.
    Qu’on respecte leur choix, oui. Mais par pitié, qu’ils arrêtent d’emm.rder les 98 % restant.

  • Argumenter sur des textes du XVIII° et XIX° siècles ne me paraît pas vraiment pertinent.

  • Et que dire de ceux qui veulent nous imposer les insects???

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