France Inter : Guillaume Meurice en voie de « dieudonnisation » ?

En comparant le Premier ministre israélien à un nazi, l’humoriste de France Inter Guillaume Meurice a provoqué de nombreuses réactions indignées. Indépendamment de son caractère potentiellement antisémite, cette blague de mauvais goût pose la question de la liberté d’expression, mais surtout de la responsabilité des humoristes financés par le service public.

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Source : wikimedia

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France Inter : Guillaume Meurice en voie de « dieudonnisation » ?

Publié le 17 novembre 2023
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L’humour, comme le sport, a toujours été politique. La preuve en est avec la dernière polémique en date provoquée par la saillie du chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice la semaine dernière.

Dans un contexte de résurgence du confit israélo-palestinien dans le débat public et des actes antisémites depuis l’attaque du Hamas il y a un mois, et qui constitue l’acte le plus meurtrier à l’égard de la communauté juive depuis 80 ans, ce qui était censé être un « bon mot » fait particulièrement tache au sein d’une rédaction déjà habituée à sanctionner ses humoristes lorsque ceux-ci dépassent la ligne jaune.

Reprenons : dans une chronique à visée humoristique évoquant les possibles déguisements pour Halloween, l’humoriste bourguignon a proposé un accoutrement à l’effigie du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou : « Vous voyez qui c’est ? C’est une sorte de nazi mais sans prépuce ».

Une phrase qui a rapidement fait réagir au point d’entraîner des menaces de mort imposant de fermer les prochaines émissions au public. Des réactions souvent disproportionnées, et qui posent plusieurs questions, allant du traitement médiatique à la liberté d’expression, en passant par la responsabilité des humoristes.

 

Une provocation nauséabonde ?

La première question qui se pose : ce qui est censé être une blague est celle de son potentiel caractère antisémite.

En faisant un peu d’analyse, on comprend assez vite que la phrase en cause est un mélange de satire et de provocation propre à la tradition du bouffon : d’une part, Guillaume Meurice veut se moquer de Benyamin Netanyahou, un dirigeant politique et donc un puissant, d’autre part, il utilise la caricature afin de lui donner un aspect choquant. Or, rien n’est plus choquant pour nous, Français, que le nazisme. Mais peut-on aller plus loin que la comparaison d’un quidam avec les heures sombres, la comparaison d’un dirigeant de confession juive avec l’idéologie qui a le plus meurtri les siens ?

Outre cette comparaison entre le plus grand des bourreaux et le peuple qu’il a tenté de génocider, la référence à la circoncision vise également, de manière assez claire, à se moquer de la tradition juive.

Si cette référence marque clairement une volonté d’attaquer la tradition hébraïque, la phrase correspond au rôle du bouffon, saltimbanque qui avait le droit de se moquer du monarque. Meurice n’attaque pas « les » Juifs, mais le dirigeant d’un pays dont la vocation est de les accueillir.

En clair : cette blague, aussi pétrie de mauvais goût qu’elle soit, n’est pas antisémite et n’attaque pas les Juifs, ni même la religion juive.

 

Une nazification dénoncée

Pourtant, les tomates n’ont pas tardé à fuser. Tomates virtuelles, à l’heure des réseaux sociaux, mais tomates qui tachent. L’avocat Gilles-William Goldnadel et le député LR Meyer Habib y sont allés de leur réaction, plus ou moins caricaturale, souvent pour expier la dissymétrie qui existe dans la victimisation dont la gauche s’est faite le porte-étendard. Il en est de même pour l’essayiste Caroline Fourest, elle aussi au cœur d’une saisine de l’Arcom (ex-CSA) pour avoir refusé de comparer le meurtre volontaire d’enfants israéliens par le Hamas et les victimes civiles collatérales faites par l’armée israélienne.

Outre l’antisémitisme dénoncé dans cette boutade, la plupart des réactions négatives s’accordent sur la condamnation de la nazification du peuple des Juifs induite ici.

La réaction la moins caricaturale et sans doute la plus censée fut sans doute celle de la rabbine Delphine Horvilleur sur X (ex-Twitter), et ce non sans répondre à la provocation par l’humour :

 

Une rédaction divisée

Face à cette levée de boucliers, la rédaction de France Inter s’est retrouvée dans la tourmente.

Tel est le cas en particulier de Charline Vanhoenacker, dont Gilles-William Goldnadel a rappelé qu’elle avait dessiné une moustache hitlérienne sur une affiche d’Éric Zemmour. L’animatrice avait dû s’en expliquer ensuite auprès de la patronne de Radio France Sibyle Veil.

Suite à la sortie de son collègue, la présentatrice du service public a été contrainte de prendre la parole, évoquant, sans surprise, « une satire », « une caricature », dont l’interprétation antisémite serait « une dangereuse instrumentalisation », fruit de l’extrême droite.

Toujours dans la tourmente plusieurs jours après le début de la polémique, Charline Vanhoenacker a noté une « prise de risque » en constatant toutefois une « tension mal jaugée ».

Or, si on suit Le Figaro du 2 novembre dernier, la rédaction de France Inter est moins soudée sur le sujet que ce que l’image d’Épinal laisse penser.

« Nous refusons d’être entraînés dans sa chute », estime un salarié cité par le quotidien. De son côté, la directrice de la station parle d’une « outrance ».

Un autre soutien est intéressant à noter : l’ex-auteur des Guignols de l’Info Bruno Gaccio a apporté son soutien au chroniqueur. Il y a 20 ans, ce même Bruno Gaccio avait déjà soutenu un autre humoriste dont la première polémique ressemble trait pour trait à celle qui nous occupe ici.

 

Une affaire Dieudonné-bis ?

Nous sommes un soir d’automne sur une chaîne du service public. Alors que le conflit israélo-palestinien est revenu sur le devant la scène, un humoriste marqué à gauche lance un sketch comparant la politique israélienne à celle suivie par les nazis. Les invités et l’animateur de l’émission sont hilares.

Cette scène n’est toutefois pas la blague de Guillaume Meurice, mais celle qui lança l’affaire Dieudonné il y a presque 20 ans jour pour jour, le 1er décembre 2003 sur le plateau de l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », animée par Marc-Olivier Fogiel.

Dieudonné terminant son sketch par un « Isra-Heil » en pleine seconde intifada avant de faire un salut nazi n’est pas sans revenir en mémoire lorsqu’on pense à la nazification d’Israël opérée 20 ans plus tard par Guillaume Meurice.

 

Responsabilité et service public

Le parallèle s’arrêtera là, Dieudonné ayant eu bien avant cette blague un passif antisémite marqué, bien que passé inaperçu à l’époque.

Que la blague de Guillaume Meurice soit antisémite ou non, la polémique qu’elle a provoquée n’est pas près de se terminer. La gêne de la rédaction n’en est que la plus criante démonstration.

Or, si le bouffon est depuis toujours frappé d’immunité, la question de sa responsabilité se posera de plus en plus à mesure que le service public s’arrogera un magistère intellectuel sur l’humour acceptable, y compris en dérapant comme ce fut le cas ici.

C’est l’occasion de nous souvenir d’un principe simple : il ne saurait y avoir de réelle liberté d’expression dans le cadre d’un service public financé par tous, et donc ne pouvant froisser personne.

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  • Mon problème est l’argent public dans les médias..

    On peut sans doute me comparer à un nazzi.. comme on peut comparer tout moustachu à Hitlère..

    Ce type est un symptôme pas le mal..

    Le nauséabond est « utile » si on peut le dénoncer publiquement, sans s’exposer à être agresser physiquement..

    L’origine est reste un problème d’éducation. et d’ensignement des règles de savoir vivre.

    -1
  • Il y a deux sortes d’humour: celui qui moque les autres et l’auto-dérision. C’est tellement plus facile de voir la poutre dans l’oeil du voisin… question de talent, de courage et de lucidité, sans doute?

    • Depuis quelques années, il y a une troisième sorte d’humour, qui ne fait rire personne mais permet à des « humoristes » autoproclamés de mener de viles et haineuses attaques personnelles politiciennes sans en assumer la responsabilité. Entendons nous bien : chacun doit pouvoir dire ce qu’il pense d’autrui, aussi salace cela soit-il. Où ça dérape, c’est quand au « Vous en êtes un autre ! » qu’il mérite, on lui permet de répondre « Je suis protégé par mon immunité d’humoriste ».

      • protéger de quoi???

        le fait est que des tas de gens désormais diffament sur des tas de sujets sans risque , en pratique, mais pas en théorie……

        il n’y pas d’immunité…au sens légal je crois pour des journalistes ou des humoristes..

        il « suffit de porter plainte qui on est diffamé. par une personne qui se dit humoriste..

  • Les média français adorent l’islamogauchisme. Alors, il n’y a pas de problème. Si le Hamas avait été comparé au régime des Khmers rouges, alors là, il y aurait eu tollé. N’oublions pas, la France est désormais une société musulmane. Au même titre que le Turquie. Ni plus, ni moins. Bientôt, comme la Turquie a fait un génocide arménien, la France fera son génocide chrétien et ce seront nos enfants qui seront déportés. Sous la bienveillance de Mr Meurice qui ne fait que précipiter le mouvement, comme Mélenchon.

    • Par rapport à la Turquie.
      Il nous manque quand même un islam.ste au pouvoir.
      Même s’il faut bien reconnaître les efforts de Macron. Consulter Bellatar avant de se rendre à une manif lancée par la Macronie elle-même est un signe encourageant.

    • Il n’y a que moi pour trouver vos propos un tantinet exagérés ?

    • non pas les médias français.. c’ets tout simplement considérer que les médias sont une sorte d’institution..

      le seul sujet politique est l’existencde média publiques.. si un média privé est « silmaogauchiste « eh bien soit…

      vous pouvez créer un média…

      vous faites de la victimisation… et vous vous trompez de coupable..

      le coupable est la « majorité.. c’est DONC personne..
      ce n’ets pas ce qu’il dit c’ets où il le dit..et c’est qui le paye..

  • Comparer ce pseudo humoriste à Dieudonné ???? Euh… Faut oser quand même. Je l’ai écouté pour voir, c’est juste nul.
    Le gars n’a aucune culture pour sortir ce genre de phrase « à sensation », comme tous les gauchos d’ailleurs… 😉

  • La bonne blague vise juste. Le soir d’Halloween, quoi peut faire le plus peur : un masque de Bibi, ou celui d’un terroriste du Hamas ? La question elle est vite répondue.
    En privilégiant le premier, non seulement la blague tombait à l’eau, mais elle révélait aussi, ipso facto, le caractère de son auteur.
    Si Dieudonné avait un passé antisém.te, il est probable que c’est le présent de Meurice qui le soit.

  • La bonne blague vise juste. Le soir d’Halloween, quoi peut faire le plus peur : un masque de Bibi, ou celui d’un terroriste du H.mas ? La question elle est vite répondue.
    En privilégiant le premier, non seulement la blague tombait à l’eau, mais elle révélait aussi, ipso facto, le caractère de son auteur.
    Si D.eudonné avait un passé antisém.te, il est probable que c’est le présent de Meurice qui le soit.

  • « sans doute la plus censée »

    sensée, merci.

  • L’humoriste a traité le premier ministre Israélien de nazi, il sait très bien qu’il ne risque rien par contre pas un mot sur ces pauvres qui ont été massacré certainement la peur

  • D’accord sur le fond, mais pourquoi prendre le cas Meurice qui fait partie du camps des totalitaires subventionnés et pas les innombrables victimes de son régime ?
    Vous savez les soit-disant « ennemis de la démocratie », les « complotistes », ceux qui se font condamner par la justice islamo-gauchiste pour avoir osé dire une vérité.
    L’urgence dans ce pays c’est de rétablir la liberté d’expression pour les socialistes antisémites ? Elle se porte pourtant bien dans le service public il me semble.

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