La complexité n’est pas synonyme d’impuissance

Dans un monde où la complexité règne, les solutions simplistes créent souvent de nouveaux problèmes. Comment alors agir efficacement sans céder à la tentation de la simplification excessive ?

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Peux-tu me faire un résumé de l’article avec les principaux arguments ? Peux-tu ensuite me proposer 5 titres pour cet article, se concentrant sur une idée phare du texte et donnant envie aux lecteurs de le lire. Peux-tu également me proposer 5 propositions de chapeaux, de deux phrases, qui doivent donner l’idée phare de l’article tout en problématisant le propos ? Il faut que les chapeaux soient écrits dans un style journalistique. Ensuite, peux-tu me faire 5 propositions d’images d’illustrations pour cet article ? Peux-tu enfin me faire la liste des fautes d’orthographes s’il y en a ? Voici l’article : «Nous vivons dans un monde complexe. Le terme est galvaudé mais il correspond à une réalité. Nous pouvons nous sentir dépassés par celle-ci et céder au renoncement. Pourtant, il est possible d’agir en complexité. Pour cela, il faut en comprendre la véritable nature. Entre 1958 et 1962, Mao lance la campagne dite des “quatre nuisibles”, incitant les Chinois à tuer les moineaux, les moustiques, les rats et les mouches. Les moyens techniques étant limités, le gouvernement a l’idée d’inciter les écoliers à capturer des rats et à les rapporter au siège local du parti contre une récompense. La campagne rencontre un énorme succès, jusqu’au jour où on se rend compte que les gens se sont mis à élever des rats. Mao découvrira ainsi que nous vivons dans un monde complexe, où les solutions d’aujourd’hui, si elles ignorent cette nature, créent les problèmes de demain. Comment les problèmes sont-ils résolus? Principalement par une démarche analytique. Analytique vient du Grec analusis, dérivé de analuein, qui signifie défaire une trame, d’où dissoudre, décomposer et examiner en détail. Le principe de la pensée analytique est donc le découpage: un problème compliqué est décomposé en sous-problèmes plus simples. La démarche est la suivante: dans un premier temps, on formalise le problème de façon explicite, par exemple sous forme de formule mathématique, comme lorsqu’on doit calculer (3+8)x(5+2). Puis on le décompose. Ici, on calcule d’abord 3+8=11, puis 5+2=7. Une fois cela fait, on recompose, ici en effectuant la multiplication 11×7=77. Cet exemple très simple est en fait très général: formalisation, décomposition, recomposition. De façon implicite, mais très importante, il est supposé que la résolution des sous-problèmes entraîne la résolution du problème. Une fois que j’ai résolu les sous-problèmes, je n’ai plus qu’à recomposer, il n’y a plus rien à résoudre. Cette méthode marche remarquablement bien pour les problèmes compliqués, notamment dans le domaine technique. Une montre est un objet compliqué; le tout est strictement égal à la somme des parties. Le fonctionnement de la montre est parfaitement décrit en décrivant le fonctionnement de ses composants. Elle ne marche plus avec les problèmes complexes. Un problème est complexe notamment lorsque ses composants interagissent entre eux. Une organisation est un système complexe, le tout est largement supérieur à la somme des parties (sinon l’organisation n’aurait pas d’objet et le monde économique ne serait le fait que d’individus indépendants vendant leurs services). On peut parfaitement en analyser tous les départements (comptabilité, production, qualité, etc.) et pourtant ne pas être capable d’en comprendre le fonctionnement. Avec un problème complexe, une partie peut en outre être supérieure au tout: par exemple, le problème de telle banlieue est dû à la pauvreté et au trafic de drogue; ce dernier est un immense problème en lui-même, composé de nombreux sous-problèmes… dont la pauvreté. En outre, parce que ce sont des constructions sociales, et non de la matière morte, ils sont aussi réflexifs. Si j’accentue la lutte contre le trafic de drogue, je peux augmenter la pauvreté parce que les dealers n’ont plus de revenus, ce qui va augmenter la délinquance. Les problèmes s’entremêlent, les causes aussi; surtout ils évoluent avec le temps. Ils sont polymorphes et sujets aux effets pervers: on augmente le prix de la cigarette pour décourager sa consommation dans le cadre d’une politique de santé, ce qui entraîne l’augmentation des trafics. Nostalgie ou impuissance La complexité de nos sociétés modernes a depuis longtemps préoccupé les penseurs. Certains, qu’on peut qualifier de réactionnaires, ont souhaité un retour à la société “d’avant”, vue comme un idéal pastoral de simplicité. Les appels récurrents à la simplification sont une pensée similaire, car ils supposent qu’on peut simplifier une société complexe, ce qui n’est vrai que dans une certaine mesure. Nous avons bien-sûr tous vécu des exemples de situations ubuesques où la complexité est le produit d’une dérive bureaucratique, et il n’y a aucun doute qu’il faut lutter contre celle-ci. Mais penser qu’on peut simplifier un monde complexe, c’est en ignorer la nature. D’autres penseurs, qu’on peut qualifier de pessimistes, ont eux conclu que la complexité rend impossible l’action humaine. Pourtant les deux ont tort. On peut à la fois reconnaître la complexité inhérente à la société humaine, qu’on ne réduira jamais totalement, et se donner la capacité d’agir. La clé réside toujours dans notre capacité à décomposer un problème pour considérer un sous-problème qui soit de taille raisonnable. Mais cette décomposition ne peut pas se faire de façon analytique, comme nous l’avons vu. Elle doit se faire différemment. Pour cela, on doit faire appel à une propriété que j’ai déjà évoquée et qui porte un nom barbare, la quasi-décomposabilité (QD). De façon simple, la QD consiste à identifier les composants d’un système complexe qui interagissent fortement entre eux. C’est un “regard” qu’on porte sur le système pour mettre en lumière les composants qui s’influencent fortement et ignorer les autres. Dans un article, écrit avec mon confrère Dominique Vian, publié dans la Harvard Business Review, je donne l’exemple (très simplifié) du télétravail. Un important frein à son développement est le manque de confiance: le manageur craint que son collaborateur ne travaille pas vraiment, et ce dernier craint qu’éloigné du siège, il ne soit oublié. Le télétravail et la confiance sont donc fortement liés, ce qui suggère des pistes d’action. Qu’en est-il du télétravail et de la guerre en Ukraine ? Les sanctions réduisent l’accès à une énergie peu chère venue de Russie, qui influence le coût du transport, qui augmente l’intérêt pour le télétravail. Il y a donc un lien entre la guerre et le télétravail, mais il est faible et il n’y a pas intérêt à essayer de l’exploiter en priorité. L’idée est donc que si tous les sujets sont liés, certains le sont plus fortement que d’autres, et que c’est sur eux qu’on peut se concentrer. On identifie ainsi des moyens qui n’étaient pas visibles quand les sujets étaient séparés. La complexité de notre société est inéluctable. Il ne s’agit pas d’essayer de la réduire, car c’est aussi ce qui fait sa richesse. Un monde simplifié de force serait d’un ennui terrible car nous ne sommes pas des fourmis. Cette complexité n’empêche cependant pas l’action transformatrice, pourvu que celui qui agit ait conscience de la véritable nature de cette complexité et qu’il ait compris cette propriété un peu étrange qu’est la quasi-décomposabilité. On peut regretter qu’elle soit à ce point ignorée de gens qui pourtant sont des experts en la matière. Il faut sans doute y trouver là la raison d’une certaine résignation ou au contraire, de la persistance de politiques contre-productives, voire de fuites en avant utopiques. Alors emparez-vous en, et jetez-vous dans la complexité du monde avec joie! »

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La complexité n’est pas synonyme d’impuissance

Publié le 24 octobre 2023
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Nous vivons dans un monde complexe. Le terme est galvaudé, mais il correspond à une réalité. Nous pouvons nous sentir dépassés par celle-ci et céder au renoncement. Pourtant, il est possible d’agir en complexité. Pour cela, il faut en comprendre la véritable nature.

Entre 1958 et 1962, Mao lance la campagne dite des « quatre nuisibles », incitant les Chinois à tuer les moineaux, les moustiques, les rats et les mouches. Les moyens techniques étant limités, le gouvernement a l’idée d’inciter les écoliers à capturer des rats et à les rapporter au siège local du Parti contre une récompense. La campagne rencontre un énorme succès, jusqu’au jour où on se rend compte que les gens se sont mis à élever des rats. Mao découvrira ainsi que nous vivons dans un monde complexe, où les solutions d’aujourd’hui, si elles ignorent cette nature, créent les problèmes de demain.

 

Comment les problèmes sont-ils résolus ?

Principalement par une démarche analytique. Analytique vient du grec analusis, dérivé de analuein, qui signifie défaire une trame, d’où dissoudre, décomposer et examiner en détail.

Le principe de la pensée analytique est donc le découpage : un problème compliqué est décomposé en sous-problèmes plus simples.

La démarche est la suivante : dans un premier temps, on formalise le problème de façon explicite, par exemple sous forme de formule mathématique, comme lorsqu’on doit calculer (3+8)x(5+2) ; puis on le décompose. Ici, on calcule d’abord 3+8=11, puis 5+2=7 ; une fois cela fait, on recompose, ici en effectuant la multiplication 11×7=77.

Cet exemple très simple est en fait très général : formalisation, décomposition, recomposition. De façon implicite, mais très importante, il est supposé que la résolution des sous-problèmes entraîne la résolution du problème. Une fois que j’ai résolu les sous-problèmes, je n’ai plus qu’à recomposer, il n’y a plus rien à résoudre.

Cette méthode marche remarquablement bien pour les problèmes compliqués, notamment dans le domaine technique. Une montre est un objet compliqué, le tout est strictement égal à la somme des parties. Le fonctionnement de la montre est parfaitement décrit en décrivant le fonctionnement de ses composants. Elle ne marche plus avec les problèmes complexes.

Un problème est complexe notamment lorsque ses composants interagissent entre eux.

Une organisation est un système complexe, le tout est largement supérieur à la somme des parties (sinon l’organisation n’aurait pas d’objet, et le monde économique ne serait le fait que d’individus indépendants vendant leurs services). On peut parfaitement en analyser tous les départements (comptabilité, production, qualité, etc.) et pourtant ne pas être capable d’en comprendre le fonctionnement.

Avec un problème complexe, une partie peut en outre être supérieure au tout : par exemple, le problème de telle banlieue est dû à la pauvreté et au trafic de drogue ; ce dernier est un immense problème en lui-même, composé de nombreux sous-problèmes… dont la pauvreté. En outre, parce que ce sont des constructions sociales, et non de la matière morte, ils sont aussi réflexifs. Si j’accentue la lutte contre le trafic de drogue, je peux augmenter la pauvreté parce que les dealers n’ont plus de revenus, ce qui va augmenter la délinquance.

Les problèmes s’entremêlent, les causes aussi ; surtout, ils évoluent avec le temps. Ils sont polymorphes et sujets aux effets pervers : on augmente le prix de la cigarette pour décourager sa consommation dans le cadre d’une politique de santé, ce qui entraîne l’augmentation des trafics.

 

Nostalgie ou impuissance

La complexité de nos sociétés modernes a depuis longtemps préoccupé les penseurs.

Certains, qu’on peut qualifier de réactionnaires, ont souhaité un retour à la société d’avant, vue comme un idéal pastoral de simplicité. Les appels récurrents à la simplification sont une pensée similaire, car ils supposent qu’on peut simplifier une société complexe, ce qui n’est vrai que dans une certaine mesure. Nous avons bien sûr tous vécu des exemples de situations ubuesques où la complexité est le produit d’une dérive bureaucratique, et il n’y a aucun doute qu’il faut lutter contre celle-ci. Mais penser qu’on peut simplifier un monde complexe, c’est en ignorer la nature. D’autres penseurs, qu’on peut qualifier de pessimistes, ont eux conclu que la complexité rend impossible l’action humaine.

Pourtant, les deux ont tort.

On peut à la fois reconnaître la complexité inhérente à la société humaine, qu’on ne réduira jamais totalement, et se donner la capacité d’agir. La clé réside toujours dans notre capacité à décomposer un problème pour considérer un sous-problème qui soit de taille raisonnable.

Mais cette décomposition ne peut pas se faire de façon analytique, comme nous l’avons vu. Elle doit se faire différemment. Pour cela, on doit faire appel à une propriété que j’ai déjà évoquée et qui porte un nom barbare, la quasi-décomposabilité. De façon simple, la quasi-décomposabilité consiste à identifier les composants d’un système complexe qui interagissent fortement entre eux. C’est un regard porté sur le système pour mettre en lumière les composants qui s’influencent fortement, et ignorer les autres.

Dans un article, écrit avec mon confrère Dominique Vian, publié dans la Harvard Business Review, je donne l’exemple (très simplifié) du télétravail.

Un important frein à son développement est le manque de confiance : le manageur craint que son collaborateur ne travaille pas vraiment, et ce dernier craint qu’éloigné du siège, il ne soit oublié. Le télétravail et la confiance sont donc fortement liés, ce qui suggère des pistes d’action. Qu’en est-il du télétravail et de la guerre en Ukraine ? Les sanctions réduisent l’accès à une énergie peu chère venue de Russie, qui influence le coût du transport, qui augmente l’intérêt pour le télétravail. Il y a donc un lien entre la guerre et le télétravail, mais il est faible et il n’y a pas intérêt à essayer de l’exploiter en priorité. L’idée est donc que si tous les sujets sont liés, certains le sont plus fortement que d’autres, et que c’est sur eux qu’on peut se concentrer. On identifie ainsi des moyens qui n’étaient pas visibles quand les sujets étaient séparés.

La complexité de notre société est inéluctable. Il ne s’agit pas d’essayer de la réduire, car c’est aussi ce qui fait sa richesse.

Un monde simplifié de force serait d’un ennui terrible car nous ne sommes pas des fourmis. Cette complexité n’empêche cependant pas l’action transformatrice, pourvu que celui qui agit ait conscience de la véritable nature de cette complexité, et qu’il ait compris cette propriété un peu étrange qu’est la quasi-décomposabilité. On peut regretter qu’elle soit à ce point ignorée de gens qui pourtant sont des experts en la matière. Il faut sans doute y trouver là la raison d’une certaine résignation ou au contraire, de la persistance de politiques contre-productives, voire de fuites en avant utopiques. Alors, emparez-vous-en, et jetez-vous dans la complexité du monde avec joie !

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    The Real Franky Bee
    24 octobre 2023 at 7 h 54 min

    Intéressant. On pourrait aller encore plus loin en introduisant les notions de non-linéarité et de chaos qui régissent l’évolution des sociétés humaines. Autrement dit le fait qu’un événement en apparence mineur, peut avoir des conséquences spectaculaires et difficilement prévisibles sur l’état du système.

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