Voici pourquoi nous sommes plus intelligents que les chimpanzés

Le cerveau humain navigue entre fiabilité et intégration des informations, sachant que les deux sont nécessaires.

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Voici pourquoi nous sommes plus intelligents que les chimpanzés

Publié le 8 septembre 2023
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Par Emmanuel A Stamatakis, Andrea Luppi  et David Menon.

L’être humain est sans égal dans le domaine de la cognition. Après tout, aucune autre espèce n’a envoyé de sondes vers d’autres planètes, produit des vaccins qui sauvent des vies ou créé de la poésie. La façon dont les informations sont traitées dans le cerveau humain pour rendre tout cela possible est une question qui suscite une immense fascination, mais qui n’a toujours pas trouvé de réponse définitive.

Notre compréhension du fonctionnement du cerveau a évolué au fil des ans. Les modèles théoriques actuels décrivent le cerveau comme un « système distribué de traitement de l’information ». Cela signifie qu’il possède des composants distincts étroitement reliés entre eux par le câblage du cerveau. Pour interagir entre elles, les différentes zones échangent de l’information grâce à un système de signaux d’entrée et de sortie.

Cela ne constitue toutefois qu’une petite partie d’une image complexe. Dans une étude publiée dans la revue scientifique Nature Neuroscience, à l’aide de données provenant de différentes espèces et de plusieurs disciplines neuroscientifiques, nous montrons qu’il n’existe pas qu’un seul type de traitement de l’information dans le cerveau. De plus, la façon dont l’information est traitée n’est pas la même chez les humains et les autres primates, ce qui pourrait expliquer pourquoi les capacités cognitives de notre espèce sont à ce point supérieures.

Nous avons repris des concepts de ce que l’on appelle le cadre mathématique de la théorie de l’information – l’étude de la mesure, du stockage et de la communication des informations numériques, qui est essentielle pour des technologies telles qu’Internet et l’intelligence artificielle – afin de comprendre comment le cerveau traite l’information. Nous avons découvert que les zones du cerveau n’ont pas toutes recours aux mêmes stratégies pour interagir entre elles.

Certaines régions du cerveau partagent des informations d’une façon très élémentaire, en utilisant des entrées et des sorties. Cela garantit que les signaux sont transmis de manière reproductible et fiable. C’est le cas des zones spécialisées dans les fonctions sensorielles et motrices (telles que le traitement des informations sonores, visuelles et liées au mouvement).

Ainsi, les yeux envoient des signaux à l’arrière du cerveau pour leur traitement. La majorité des informations sont fournies en double, puisqu’elles sont communiquées par chaque œil. En d’autres termes, la moitié d’entre elles ne sont pas nécessaires. Nous appelons « redondant » ce type de traitement de l’information entrées-sorties.

Cependant, la redondance assure solidité et fiabilité – c’est ce qui nous permet de voir encore avec un seul œil. Cette capacité est essentielle à la survie. En fait, elle est si capitale que les connexions entre ces régions du cerveau sont câblées anatomiquement dans le cerveau, un peu comme une ligne de téléphonie fixe.

Ce ne sont toutefois pas toutes les informations fournies par les yeux qui sont redondantes. La combinaison des informations transmises par les deux yeux permet au cerveau de traiter la profondeur et la distance entre les objets. Cela constitue la base de nombreux types de lunettes 3D au cinéma.

Il s’agit d’un exemple d’une manière fondamentalement différente de traiter l’information et qui se révèle plus grande que la somme de ses parties. Nous appelons « synergique » ce type de traitement de l’information où sont intégrés des signaux complexes provenant de différents réseaux cérébraux.

Le traitement synergique est le plus répandu dans les zones du cerveau qui gèrent un large éventail de fonctions cognitives complexes, telles que l’attention, l’apprentissage, la mémoire de travail, la cognition sociale et numérique. Il n’est pas câblé, ce qui signifie qu’il peut changer en fonction de nos expériences, en connectant différents réseaux de différentes manières. Cela facilite la combinaison d’informations.

Les régions à grande synergie – principalement à l’avant et au milieu du cortex (la couche externe du cerveau) – intègrent différentes sources d’information provenant de l’ensemble du cerveau. Elles sont donc plus largement et plus efficacement connectées au reste du cerveau que les régions qui traitent les informations sensorielles primaires et celles liées au mouvement.

Les zones à haute synergie qui facilitent l’intégration des informations sont aussi généralement dotées de nombreuses synapses, ces connexions microscopiques qui permettent aux cellules nerveuses de communiquer.

 

Notre particularité vient-elle de la synergie ?

Nous voulions savoir s’il y a une différence dans la capacité à accumuler et à construire des informations grâce à des réseaux complexes dans le cerveau des humains et celui des autres primates, qui sont de proches parents de nos ancêtres sur le plan de l’évolution.

Dans ce but, nous avons examiné les données d’imagerie cérébrale et les analyses génétiques de différentes espèces. Nous avons constaté que les interactions synergiques représentent une plus grande proportion du flux total d’informations dans le cerveau humain que dans celui des macaques. Par contre, les cerveaux des deux espèces sont égaux en termes de recours aux informations redondantes.

Nous avons également étudié plus particulièrement le cortex préfrontal, une zone située à l’avant du cerveau qui gère un fonctionnement cognitif complexe. Chez les macaques, le traitement des informations redondantes est plus répandu dans cette région que chez les humains, chez qui il s’agit plutôt d’une zone à forte synergie.

Le cortex préfrontal a connu une importante expansion au cours de l’évolution. En observant des données provenant de cerveaux de chimpanzés, nous avons constaté que plus la taille d’une région du cerveau humain avait augmenté au cours de l’évolution par rapport à la même région chez le chimpanzé, plus son fonctionnement reposait sur la synergie.

Nous avons également examiné des analyses génétiques de donneurs humains. Elles ont montré que les régions du cerveau associées au traitement des informations synergiques sont plus susceptibles d’exprimer des gènes qui sont uniquement humains et liés au développement et à des fonctions cérébrales, comme l’intelligence.

Cela nous a menés à conclure que le tissu cérébral humain acquis au cours de l’évolution pourrait être principalement dédié à la synergie. Il est tentant de présumer que les avantages d’une synergie accrue peuvent expliquer, en partie, les capacités cognitives supérieures de notre espèce. La synergie pourrait ajouter une pièce importante, qui manquait jusqu’ici, au casse-tête de l’évolution du cerveau humain.

En conclusion, nos travaux révèlent comment le cerveau humain navigue entre fiabilité et intégration des informations, sachant que les deux sont nécessaires. Le cadre que nous avons élaboré permettra d’apporter de nouvelles informations essentielles à de nombreuses questions neuroscientifiques, allant de la cognition générale aux troubles cognitifs.The Conversation

Emmanuel A Stamatakis, Lead, Cognition and Consciousness Imaging Group, Division of Anaesthesia, University of Cambridge; Andrea Luppi, PhD candidate in Neuroscience, University of Cambridge et David Menon, Professor, Head of Division of Anaesthesia, University of Cambridge

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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  • hmmm.. « nous » sommes plus intelligents que les chimpanzés?

    certes, je suis enclin à le croire mais alors donnez donc une façon de mesurer l’intelligence…surtout en tant qu’espèce..surtout quand on nous rebat les oreilles continuellement que l’intelligence de l’homme conduit à sa perte..et donc qu’il n’est pas si intelligent que cela.

    certes les capacité cognitives de l’homme lui permette de résoudre des problèmes mais aussi de se les creer..

    l’homme semble surtout être « défini » par sa capacité à modifier les écosystèmes.. via ses capacités cognitives..

    c’est l’espèce invasive par excellence..et par dessein..

  • L’âtre humain n’est pas plus intelligent de qui que ce soit ou de quoi que ce soit en raison de son cerveau. La première preuve est que le cerveau n’est pas un « générateur » d’intelligence … et de pensées. Beaucoup d’être vivants sont dépourvus de cerveau et pensent, projettent et décident, mettant souvent en échec l’intelligence et la pensée humaines. Exemple les plantes, les champignons, les bactéries, les virus (même si l’on dit d’eux qu’ils ne sont pas des « êtres » vivants), les coraux, les méduses, les bobs, les oursins… La seconde preuve est que, certes, l’humain dispose d’un cerveau de bonne taille qui lui permet de faire des opérations mentales complexes (un ordinateur de 20 GO est bien sûr plus performant qu’un ordinateur de plusieurs TO), mais ces opérations complexes ne font que lui faire aller de découvertes en découvertes, c’est-à-dire prises de conscience de savoirs et connaissances dont il n’en doutait ni ne savait l’existence jusqu’à ce que littéralement il les « dé couvre ». Les machines qu’il invente lui permettent de faire encore et encore des « dé couvertes », mais faites de matière blanche comme ses yeux, elles ne lui permettent d’explorer qu’à peine un peu plus de cinq pour cent de ce qui compose l’univers. Il a du pain sur la planche pour encore des milliers d’années, voire beaucoup, beaucoup plus.

    -1
    • « …ces opérations complexes ne font que lui faire aller de découvertes en découvertes, c’est-à-dire prises de conscience de savoirs et connaissances dont il n’en doutait ni ne savait l’existence jusqu’à ce que littéralement il les « dé couvre » ». Cela ne le rend pas plus intelligent mais plus « sachant ». C’est tout … « Les machines qu’il invente … »

  • Encore trois imbéc.les qui se prennent pour Descartes.
    L’homme est incapable de voler sans le secours d’une machine. De parcourir de longues distances sans fatigue. Il n’est pas particulièrement rapide.
    Il lui arrive d’être stup.de au point de persévérer dans un comportement dont il connaît pourtant l’issue fatale. Aucune bête au monde ne ferait ça.
    Il est incapable de secréter une toxine pour éloigner les fâcheux (moustiques, tiques et collègues, rams…) ce qui est à la portée de nombreuses plantes.
    Et même un blob a plus le sens de l’orientation que la plupart de nos femmes !

  • Le titre de l’article aurait dû être : Pourquoi nous n’arrivons pas à être plus intelligents qu’un chimpanzé ?

    -1
  • Les commentaires sont fermés.

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