Le Digital Services Act : entre régulation et répression en ligne

L’Union européenne déploie le Digital Services Act pour réguler les géants du web, mais les sanctions draconiennes et les défis liés à la diversité culturelle suscitent des inquiétudes quant à la liberté d’expression en ligne.

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Le Digital Services Act : entre régulation et répression en ligne

Publié le 7 septembre 2023
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Après le règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2016, l’Union européenne met en place une nouvelle législation de contrôle des plateformes.

Le Digital Services Act (DSA) est entré en vigueur le 25 août 2023.

Il cible plus particulièrement les grandes entreprises réunissant plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels dans l’Union européenne, à savoir : AliExpress, Amazon, Apple Appstore, Booking, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wikipedia, YouTube et Zalando ; et deux moteurs de recherche, Bing et Google qui doivent également respecter cette réglementation. Ces grandes plateformes sont donc mises au défi de s’adapter à un marché de 450 millions d’usagers.

 

À dater du 17 février 2024, toutes les plateformes, moteurs de recherches et autres intermédiaires seront concernés, quel que soit leur nombre d’utilisateurs dans une version plus light.

Certaines plateformes ont fait appel : après Zalando, le 13 juillet 2023 Amazon contestait à son tour son statut de très grande plateforme. Le géant du net a déposé une plainte auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, considérant ne pas entrer dans les critères… Tous devront toutefois s’y soumettre, le temps que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce…

Le DSA poursuit trois grands objectifs :

  1. Lutte contre les contenus illicites
  2. Transparence en ligne
  3. Atténuation des risques, et réponse aux crises

 

Bien que le Digital Services Act (DSA) vise à renforcer la responsabilité des acteurs du numérique, cette initiative importante comporte également certaines limites, et soulève de nombreuses préoccupations.

L’article 52 du DSA, intitulé « Sanctions », détaille les options à disposition des États membres en cas d’infraction au règlement, et ne plaisante guère. Si les sanctions sont graduées, elles sont pour le moins conséquentes. Sans toutes les citer, elles se veulent dissuasives.

Par exemple, en cas d’infraction jugée grave, outre la possibilité d’interdiction de territoire, le DSA prévoit « une amende dont le montant maximal peut atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial annuel du fournisseur de services intermédiaires ».

D’un point de vue concret, les choses vont être complexes pour les entreprises concernées, et ce pour plusieurs raisons.

Pour n’en citer que trois :

La surveillance va être accrue

De fait, trouver l’équilibre entre la suppression de contenus nuisibles, et la préservation de la liberté d’expression, celle de la vie privée va être délicate. En effet, il peut se révéler difficile de déterminer ce qui est légal ou illégal dans une Europe où subsiste la diversité culturelle.

Le DSA vient s’ajouter à d’autres réglementations

Comme le RGPD, il peut être pour le moins compliqué pour les entreprises européennes de s’y retrouver dans cet agrégat de réglementations, tout comme appliquer le DSA de façon uniforme en Europe va se révéler kafkaien.

Inquiétudes au sujet de l’innovation en ligne

Certains acteurs craignent qu’une réglementation trop stricte ne les entrave. Les entreprises pourraient craindre des sanctions excessives, et être alors moins incitées à développer de nouvelles technologies ou services.

 

Vers une nouvelle régression de la liberté d’expression ?

Au regard des quelques points évoqués, les entreprises peuvent raisonnablement s’interroger quant à la manière dont les règles du DSA seront interprétées et appliquées par leurs autorités respectives.

Cet état de fait va leur rendre difficiles la planification et leur mise en conformité, variables selon les structures. Si la réglementation est complexe et présente des zones d’ombre, les entreprises concernées, conscientes des sanctions lourdes auxquelles elles s’exposent, sont confrontées à des défis de taille : outre le cumul de réglementation, l’incertitude, il ne faut pas oublier que cette réglementation intervient concomitamment avec une montée en puissance de l’IA, et de l’IA offensive,  à savoir la démultiplication – entre autres – de désinformations, de deepfakes extrêmement sophistiquées.

Afin de respecter la loi, outre la mise en place par les plateformes d’une IA défensive efficace, les entreprises peuvent être tentées – pour ne pas dire contraintes – de pousser le curseur de la « censure » encore un peu plus loin, afin de ne prendre strictement aucun risque, ou tout du moins le minimiser.

Tout comme l’IA n’éprouve pas la peur, l’IA n’a pas vraiment le sens de l’humour, ni celui du second degré. Il est à craindre qu’en poursuivant la volonté du « bien » jusqu’à l’outrance, nous finissions par aboutir à un « Meilleur des Internet » totalement aseptisé qui n’aura rien à envier au Meilleur des Mondes, un cyber univers, sans plus de controverse possible, où même l’humour n’aura plus le droit de cité.

Où commenceront demain les contenus nuisibles, qui les définira ?

En Russie, critiquer l’État, une administration, parler de la guerre, est un acte délictueux

Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais nous avançons petit pas à petit pas vers la censure et l’autocensure.

Est-ce qu’appeler à manifester sera demain considéré comme un appel à la révolte ? Le hashtag #giletsjaunes serait-il toléré ? Est-ce que demain, nous pourrons citer Ray Charles sans être soupçonnés d’appel honteux à la haine raciale : « Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soi… J’aurais pu être noir. »

L’enfer est pavé de bonnes intentions, et je ne peux oublier les mots prononcés par Emmanuel Macron en 2019, qui avait appelé à une « hygiène démocratique du statut de l’information ».

Peut-être avais-je été le seul à frémir ?

Sous couvert de bonnes intentions, le DSA est-il l’arme de guerre hygiénique des États européens pour un contrôle total de l’information conforme et bienséante ?

Cela y ressemble. L’avenir nous le dira.

« Il n’y a pas de limites à l’humour qui est au service de la liberté d’expression car, là où l’humour s’arrête, bien souvent, la place est laissée à la censure ou à l’autocensure. »  Cabu (1938-2015)

 

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  • Bienvenue en UERSS.

    Les entreprises US devraient simplement retirer tous leurs services d’europe.
    Au final c’est ce que cherche l’UE, avoir un internet européen isolé du monde 100% géré et censuré par la comission.

    Et en france, « en même temps » :
    Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (ECOI2309270L)
    Allez lire le résumé du projet de loi, c’est la porte ouverte à l’arbitraire, la censure et la fin des libertés.

    Et, toujours « en même temps », l’identité numérique europenne arrive l’année prochaine.
    Avec des uses cases comme la gestion des comptes en banque, et des telecoms,et des contrats privés (!!!) intégrés dedans.

    Quel beau projet cette UE(RSS)

  • C’est là que l’on se rend compte que l’Europe est devenue l’URSS. Une Union socialiste à la mode soviétique. Pour protéger ses dirigeants du « Polit Bureau », rien ne vaut les outils permettant la censure.

  • Ce qui est grave, c’est que les sociétés concernées se voient investies d’une délégation pour rendre une justice privée sans respecter les règles d’une justice démocratique, c’est à dire une instruction à charge et à décharge de toutes les parties, le respect du principe du contradictoire (pouvoir faire entendre sa défense), l’absence de possibilité d’appel et une exécution immédiate. De plus les actions passées des régulateurs de ces entités nous ont plutôt habitués à une nette partialité politique.

  • Les commentaires sont fermés.

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