Décidément, il ne fait pas bon être rappeur ces temps-ci.
Après la polémique provoquée par l’invitation de Médine aux journées d’été d’Europe Écologie les Verts, c’est au tour de Freeze Corleone d’être la cible des critiques. Dans son dernier morceau Shavkat, le rappeur chante « Je préfère être accusé d’antisémitisme que de viol comme Darmanin ».
En entendant ces paroles et en songeant aux conséquences qu’elles peuvent susciter (on reviendra sur ce point), certains pourraient être amenés à se poser la question : doit-on laisser aux artistes une liberté totale et entière, même lorsque certains propos et messages sont fortement problématiques ?
Ce n’est pas la première fois qu’une telle question se pose en ces termes.
Au début des années 2000, le rappeur américain Eminem avait provoqué une controverse similaire avec sa chanson Kim, dans laquelle il se met en scène en train de tuer sa propre femme. Des paroles à la mise en scène (Eminem chante en alternant cris et pleurs, un bruitage signifie aux auditeurs l’égorgement de Kim etc.), la violence y est présentée de la manière la plus brutale et crue.
Dans cette affaire, les velléités de censures avaient été très fortes. Or, cette chanson est tout sauf une apologie du meurtre conjugal. L’erreur des censeurs a été de confondre fiction et réalité. Kim n’est pas une simple chanson, c’est une œuvre artistique dans sa définition la plus pure : en racontant une histoire, l’artiste nous invite à pénétrer les tréfonds de la psyché humaine.
On entend souvent que l’art doit être subversif.
Mais bien souvent, la subversion pour la subversion aboutit à l’exact opposé : un anticonformiste ne l’est jamais volontairement, il subit sa marginalité plus qu’il ne la domine. Or, Kim est l’exemple d’une œuvre subversive, en ce sens qu’elle nous invite à entrer en empathie avec quelqu’un qui commet un acte tout à fait immoral. Eminem fait le même exercice que l’écrivain Emmanuel Carrère dans L’Adversaire, livre dans lequel il raconte comment Jean-Claude Romand en est venu à tuer sa femme, ses enfants et ses parents : comprendre l’inexplicable, mettre des mots sur l’horreur, entrer dans la subjectivité des êtres qui se rendent coupables d’actes inexcusables.
Cette expérience dérange, puisqu’elle nous confronte à un tabou, celui de l’existence d’une face obscure de la nature humaine, de la violence comme expérience historique inévitable. Eminem nous rappelle que le mal existe, et qu’il s’agit de s’y confronter pour le comprendre. Cette volonté de compréhension a été interprétée trop vite comme volonté de justification par tous ceux qui trouvent la chanson inacceptable.
Mais si Kim est bel et bien une œuvre de fiction, Shavkat est une tribune.
Freeze Corleone est un rappeur pleinement engagé dans la vie de la Cité. Comme l’explique Paul Didier, il « n’a même pas pour lui l’excuse de la distance ou d’un décalage provocateur », car, « son rap est totalement politique et premier degré lorsqu’il parle des victimes de la traite négrière, soutient la famille d’Adama Traoré, salue la mémoire de Rosa Parks ».
Le rappeur n’en est pas à son premier fait d’arme, en 2020 déjà, la Licra s’était indignée qu’il fasse « business de son obsession des juifs » et « l’apologie d’Hitler, du Troisième Reich et du terroriste Mollah Omar ».
Pour ne citer que quelques passages, voici ce que l’on peut entendre en écoutant Freeze Corleone : « J’arrive déterminé comme Adolf dans les années 30 », « Chaque jour, fuck Israël comme si j’habite à Gaza », « Tout pour la famille pour qu’mes enfants vivent comme des rentiers juifs », « Faut qu’j’fasse tourner l’khaliss dans ma communauté comme un Juif »…
Revenons à notre phrase polémique : « Je préfère être accusé d’antisémitisme que de viol comme Darmanin ». Au-delà du caractère profondément tendancieux d’une telle hiérarchisation, ce qui ressort surtout de cette punchline, c’est l’euphémisation de l’antisémitisme.
Il n’y a malheureusement rien d’étonnant à cela, tant Freeze Corleone apparaît comme un pur produit de l’antisémitisme des banlieues. Mais le problème est encore ailleurs, car au fond, l’antisémitisme supposé du rappeur n’est pas l’essentiel. Ce qui inquiète, c’est qu’il est très populaire auprès d’une jeunesse sur laquelle, inévitablement, le message politique qu’il porte trouve un écho certain.
Dans un entretien donné au journal Le Figaro, Iannis Roder, responsable des formations au mémorial de la Shoah, explique :
« Freeze Corleone sait exactement ce qu’il fait, lorsqu’il banalise l’antisémitisme, il sait très bien qu’il a une clientèle. En flattant l’idée que les juifs détiennent les pouvoirs financiers et politiques, il ancre des stéréotypes antisémites présents dans l’imaginaire des banlieues. »
On touche ici à une différence fondamentale entre Kim et Shavkat.
Si le premier ne risque pas de banaliser le meurtre conjugal (je pense même le contraire), le second participe clairement et efficacement à la banalisation et au renforcement de l’antisémitisme sur un public déjà baigné dans un environnement favorable à ces idées : ce genre de messages antijuifs a une résonnance forte dans les banlieues.
C’est pour cette raison que l’idée même de s’indigner d’une chanson comme Kim me paraît au mieux absurde, alors que l’indignation suscitée par Shavkat est légitimée par des inquiétudes rationnelles.
Sur twitter, la Licra a condamné « cette pathétique punchline de Freeze Corleone » et invite ceux qui lui donnent de l’audience à « réfléchir à leurs responsabilités ».
S’il n’est pas question de censurer Freeze Corleone, il est nécessaire de prendre davantage au sérieux le problème de l’antisémitisme dans nos banlieues. L’influence que peuvent avoir les propos d’un rappeur aussi populaire ne sauraient être sous-estimées, elles exigent des contre-argumentations solides et pédagogiques. Les réponses au tweet de la Licra nous le rappellent cruellement…
Il reste enfin à montrer à notre jeunesse qu’à côté de la provocation facile d’un Shakvat qui excite le ressentiment, il existe le génie subversif des grandes œuvres qui, comme le fait Kim, nous poussent à nous confronter à nos bas instincts plutôt que de s’y soumettre.
« l’art autorise-t-il toutes les outrances ? »
Sujet de philo facile.
L’art officiel étant contrôlé par la gauche et, par extension, par l’état, toutes les outrances validées par le Politburo (et uniquement celles-ci) sont autorisées.
Par contre attention, achtung même!
Si vous osez faire une oeuvre qui va à l’encontre des valeurs de la Saint Gauche, vous serez immédiatement cancelled.
Je n’aurai pas mieux dit !
Dire que la gauche contrôle la culture, c’est faux et c’est admettre que la droite est un ramassis d’inculte. C’est pas si simple. La culture a toujours produit des merdes pour bousculer l’institution culturelle en place, ça en devient banal, et on peut pas se dire libéral, vouloir la liberté économique sans la liberté des mœurs. Maintenant dans ce cas précis les textes violent une autre loi sur le racisme et le negationisme, il y a des déjà des jurisprudences sur ce sujet.
Le vrai sujet ce sont nos lois qui limitent l’expression et les privilèges…
Je suis un artiste ou un journaliste soir un comique si je le veux.. au sens de je peux créer une ouvre d’art, enquêter sur un sujet, ou faire le pitre…
ou je dois posséder une carte validée par le ministère?
je ne crois pas nécessairement ce que je lis dans un journal , je pense parfois que des oeuvres d’arts n’en sont pas… je ne ris pas quand j’écoute certains comiques..
et je ne crois pas les scientifiques..
l’anisémtisme ou le racisme mais aussi le terre platisme combattu parfois d’une façon que je trouve inappropriée) ne sont pas des crimes..
SI on tient à conserver le moyen de découvrir la vérité, criminaliser des opinions ou des paroles doit être fait avec les plus grandes précautions…
Qu’ils s’expriment librement. Ils finiront par se prendre les pieds dans le tapis et écraser leurs faces sur le sol. Ils se montreront tels qu’ils sont vraiment.
tout est art tien n’est art..
dès lors qui est artiste? qui aurait donc le privilège de pouvoir dépasser des bornes que le non artiste ne pourrait pas…
on voit l’idée pour contourner ça..créer des artistes officiels..
qui on tle droit à l’outrance..ben voyons..
Non on a le droit de tout dire. Artiste ou pas..et on doit assumer les conséquences…
les conséquences pénales doivent être bien définies..
incitations DIRESTES à la violence, et non la haine..par exemple;..
qu’il soit artiste est insignifiant ou vous acceptez comme pour les journalistes une classe de privilégiés..
Sans subventions publiques à « l’Art », on ne saurait même pas que cet Olibrius existe.
Le Rap, l’alpha et l’omega de la culture…
Il y a rap et rap! Le seul écoutable, amha, est celui de « Grand corps malade » où l’on trouve à la fois, la poésie, l’engagement pour des valeurs vraies, et une vraie recherche du vocabulaire, le tout sans effets spéciaux ou gesticulations absurdes! Pour les autres, l’art se passera aisément de leurs prestations!
« L’influence que peuvent avoir les propos d’un rappeur aussi populaire ne sauraient être sous-estimées »
C’est un problème plus général, celui des influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux dont l’objectif reste de rassembler un troupeau bêlant de « followers » lobotomisés, sans esprit critique et dont on espère qu’ils ne penseront pas. Comme disait Einstein, « quand tout le monde pense la même chose, alors personne ne pense ». C’est bien le but poursuivi par ces « artistes » du rap politique!
« Je préfère être accusé d’antisémitisme que de viol comme Darmanin ». Honnêtement cela me semble normal. L’antisémitisme est un crime d’opinion, qui ne devrait même pas être condamné (juridiquement). Alors que le viol est une atteinte grave à la personne.
Le problème n’est pas ce genre de chanson d’un niveau navrant. C’est qu’il n’y a pas de chanteur similaire qui fait la même chose sur les arabes. Car il serait immédiatement censuré, et envoyé au tribunal. Car oui, l’antisémitisme est maintenant une valeur de gauche, et l’islamophobie une valeur de droite. Il y a en France, depuis pas mal d’années, un climat favorable à l’antisémitisme du fait de la montée de l’islam et de son soutien par l’état.
Oui c’est là le point central !
Un libéral ne peut être contre la liberté d’expression ou en criminaliser l’usage par définition. Tout juste peut-on comme dit plus haut juger négativement des faits violents intervenus directement à cause d’une incitation claire à la violence.
Pourquoi est-on donc si désemparé, même libéral, en entendant ces bêtises ? Il est parfaitement vrai que l’éventuel délit (incitation à la haine par exemple, ou négationnisme) d’antisémitisme est juridiquement moins grave que le crime reconnu qu’est le viol, donc la phrase du rappeur n’est pas le souci. Le problème se trouve donc être que l’antisémitisme est légal à gauche, alors que l’islamophobie non, ce qui fait que les uns ont le droit de provoquer les autres sans qu’ils puissent réagir du tout.
Dans un monde libéral, on se défendrait par des insultes bêtes contre les insultes bêtes et chacun se sentirait mieux.
Les cauteleux utilisent le nom d’art pour diffuser leur venin. Mais « Qu’est-ce que l’Art » se demandait Tolstoi ?
« doit-on laisser aux artistes une liberté totale et entière, » Artiste? vous y allez pas un peu fort? j’aimerai bien lire la suite de la « chanson » pour me faire une idée de la qualité de « l’artiste »