La Nouvelle-Calédonie doit ses réussites économiques à l’autonomie

L’avenir de la Nouvelle-Calédonie reste incertain. Cependant, 35 ans d’autodétermination ont transformé l’île en une région prospère. Renouveler son autonomie serait bénéfique pour son développement et pourrait inspirer d’autres régions françaises.

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La Nouvelle-Calédonie doit ses réussites économiques à l’autonomie

Publié le 1 août 2023
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Par Raul Magni-Berton et Ismaël Benslimane.

 

Malgré trois référendums confirmant l’appartenance de la Nouvelle-Calédonie à la République française, l’avenir demeure incertain.

Le statut d’autonomie renforcé issu des accords de Matignon en 1988, puis de ceux de Nouméa en 1998, a, selon ces mêmes accords, expiré et doit être renégocié. La visite récente d’Emmanuel Macron n’a pas éclairci la direction future. Mais une chose est sûre : la Nouvelle-Calédonie ne sera pas souveraine.

Cela étant, l’expérience de 35 ans d’autodétermination nous offre des enseignements précieux.

Cette île, dotée de son propre Parlement habilité à légiférer sur toutes les matières non régaliennes, a connu une belle prospérité durant cette période. Son PIB par habitant, autrefois inférieur à la moyenne des provinces françaises, est aujourd’hui bien supérieur. Comparée aux départements et régions d’outre-mer, elle est devenue l’île la plus riche.

Certains pourraient être tentés de penser qu’il s’agit d’une simple coïncidence, et que cette prospérité n’est pas le fruit de son autodétermination. Après tout, la Nouvelle-Calédonie est située dans une zone économiquement dynamique, proche de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, et détient une part importante des réserves mondiales de nickel. Mais les ressources naturelles peuvent souvent constituer un obstacle à la croissance – la fameuse « malédiction des ressources naturelles » – et les petites îles d’Océanie ne connaissent pas forcément le succès économique, comme le montre l’exemple des îles Fidji.

En revanche, il est bien attesté que, statistiquement, être une région autonome dans un pays développé stimule la croissance économique. Il existe une multitude d’études concluant qu’au-delà d’un certain niveau de développement, les pays fédéraux sont plus performants sur le plan économique. Plus précisément, le fédéralisme favorise des finances publiques saines, la qualité des services publics (en particulier dans le secteur de la santé), réduit la fraude fiscale, la corruption et l’économie informelle.

En dehors des pays fédéraux, les régions qui bénéficient d’une plus grande autonomie connaissent une croissance économique supérieure.

C’est le cas, par exemple, de la Navarre et du Pays basque espagnol, qui étaient autrefois relativement pauvres, mais qui ont su négocier une forte autonomie après la chute de Franco. Aujourd’hui, elles sont parmi les régions les plus riches, juste derrière la région de Madrid.

Un phénomène similaire s’observe en Finlande, un pays très centralisé où, pour des raisons historiques, l’île d’Åland jouit d’une grande autonomie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle est de loin la région la plus riche de la Finlande, à égalité avec la région d’Helsinki.

En conclusion, le développement économique remarquable que l’on observe en Nouvelle-Calédonie a également été constaté, avant elle, dans toutes les régions autonomes, qu’elles aient été riches ou pauvres au moment d’obtenir leur autonomie. Cette autonomie permet à ces régions de mieux s’adapter aux réalités locales et d’encourager une proximité entre les unités administratives, qui ont ainsi plus de marge pour innover. Les élus, de leur côté, sont plus réactifs aux problèmes et aux besoins des entreprises et des citoyens.

Au moment de renégocier les accords de Nouméa, l’expérience de ces années d’autonomie doit être prise en compte. Compte tenu de cette expérience, la meilleure chose à faire serait de reconduire le statut actuel. Une autonomie renouvelée profiterait non seulement à son développement, mais contribuerait également à apaiser les relations avec les indépendantistes, qui ne perdraient alors pas tout.

Au-delà de la question du statut de cette île, l’expérience qu’elle a vécue pourrait inspirer d’autres régions de France. En d’autres termes, il ne serait pas inutile d’étendre le modèle néo-calédonien à d’autres régions françaises. Bien sûr, il ne s’agit pas de l’imposer. Cependant, à la demande des régions, un tel modèle nous permettrait de voir si l’efficacité associée à l’autonomie se confirme une fois de plus, y compris en France.

Ce processus ne consisterait pas à transformer la France en un pays fédéral.

Il s’agirait simplement d’exploiter le principe de subsidiarité déjà inscrit dans sa Constitution. Selon ce principe, les décisions doivent être prises à l’échelon territorial le plus efficace. Or, pour les enjeux non régaliens, l’échelon le plus efficace est, selon les études sur ces questions, souvent local, soit régional soit communal. De nombreuses régions seraient intéressées aujourd’hui par une telle évolution, et l’État reste à ce jour le principal obstacle.

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  • Une décentralisation responsabilisante serait certainement bénéfique pour l’ensemble de nos régions (cf l’Allemagne fédérale).
    Cela dit, des élus locaux gèrent parfois de façon désastreuse, et se dire que cela suffirait à résoudre tous les problèmes serait sans doute une vue de l’esprit.
    La Nouvelle Calédonie bénéficie de son nickel, il est vrai que toutes les régions n’ont pas cet atout..

  • Autre élément de réflexion: la Nouvelle-Calédonie, c’est 1 fonctionnaire pour 27 habitants (cf Wikipédia), la France métropolitaine c’est 1 pour 12 habitants!

  • Dans cette prospérité dont vous parlez je me demande s’il n’y a pas un biais qui l’explique et que vous semblez ignorer.
    L’ensemble des fonctionnaires et militaires métropolitains en poste dans ce territoire ont bénéficié d’un salaire, y compris les indemnités, majoré de 75%, cette majoration persistant ensuite lors de leur retraite sur le territoire. Cette majoration doit disparaître progressivement, aujourd’hui elle est peut-être ridicule mais néanmoins existante je pense, à vérifier.

  • 1 Combien de milliards ont été déversés sur l’île par la France depuis les accords de Nouméa de Rocard ? Ils ont mis à flot l’extraction du cuivre qui n’était pas rentable avec les méthodes et moyens financés par l’île, ils ont développé toutes les infrastructures que les finances de l’île n’auraient jamais pu financer sans faire appel au chinois qui lorgnent sur l’île et son cuivre..
    2 Si les Kanaks ont boycotté le vote sur l’indépendance c’est pour être sûrs que l’indépendance n’arriverait pas : qui aurait payé alors le RSA et la santé pour tous et le minimum vieillesse et les allocations familiales, qui aurait payé les fonctionnaires locaux au rendement exceptionnel bien connu ?
    Voilà l’état de l’île : des investissements colossaux depuis les années 90 et du social à tout va pour les Kanaks.
    Rien à voir avec une décentralisation quelconque.

    • Juste une petite correction c’est du nickel qui est extrait et non du cuivre quand au reste entièrement d’accord avec vous, en ce qui concerne les Kanaks il faut savoir à de rares exceptions près que le travail est vécu différemment de nous, ils travaillent pour avoir juste ce qu’il faut pour vivre, et donc se débrouillent pour souvent partager un poste de travail à plusieurs.

  • Beaucoup sont d’accord pour reconnaître l’avantage de décider pour son territoire. J’avais rêvé d’une reconstitution de provinces métropolitaines, évidemment plus grandes que les anciennes mais certainement plus raisonnées, sociétales et surtout débarrassées des options électorales qui minent le pays… (les départements ont été créés dans la vision de diviser pour régner) Mais je fus naguère obligé de revenir de cette idée grandiose. Il est bien tard, bien trop tard. L’initiative a été sans cesse freinée, la profonde disparité des moyens entre la Capitale et les « campagnes » toujours plus prononcée; de plus, une nation désargentée et obérée de dettes… Le crime parfait ! Et des citoyens gavés aux aides ne semblent ne plus avoir le ressort pour un nouveau départ.

  • j’ai proposé à contrepoints un article qui démontrait exactement le contraire Dommage il n a pas paru pertinent puisque non publié

    je vais répéter simplement
    ile est en faillite ,bravo pour la réussite ;comme a constaté Macron les 3 sociétés métallurgiques perdent de l’argent et sans le soutien financier deParis elle de devrait déposer le bilan. En ce moment même des évène ment graves se déroulent à Nouméa à la société SLN , est attaquée par des gens de Poum , sous l’œil prudent des autorités de l’Etat , gendarmes , Haut Commissaire qui ,comme en métropole regardent mais ne donnent pas d’ordre pour faire cesser les destructions à coups de bulldozers . Le procureur avait clairement fait comprendre ,très clairement, qu il pouvait poursuivre pénalement la gestion kanak de la province nord e t des dirigeants ,dans l’exploitation minière de Poum, ( las ; il n’a pas reçu d’instructions ( visite Macron oBlige ?) , quand je lis que l ile a été merveilleusement gérée depuis 30ans … lEtat a juste construit une structure politique permettant de donner le pouvoir politique aux kanaks là ou il ne pouvaient l avoir au seul niveau de l’ile sans se préoccuper du cout induit de cette construction . 265000 personnes. ont donc des communes; des aglos ; des syndicats intercommunaux , des provinces; un Territoire des établissements publics nombreux et variés bref. un pognon de dingues. et selon l’auteur il faut pérenniser ce système . l’Etat a rendu non compétitif l’île ; la seule question est volontairement ou pas ,
    F Gosse
    Caledonien depuis la fin du 19me siecle, ancien fonctionnaire de catégorie A ,ancien créateur et premier Président e la chambre syndicale des conseillers immobiliers d e nouvelle caledonie;a ncien politique conseiller territorial d u pays . dernier dinosaure connaissant la politique locale depuis 1963

    • A part l’intérêt stratégique pour la France de disposer dans cette zone du pacifique SUD d’une base militaire et d’une énorme zone maritime comprenant des réserves de pétroles non exploitées aujourd’hui, quel intérêt de continuer à largement subventionner cette île ?
      Se faire pardonner d’avoir implanté un bagne, puis d’avoir abandonné les bagnards et leur descendants ?
      Plaider coupable d’avoir laissé à l’abandon les kanaks, qui aujourd’hui se contenteraient de vivre de leurs produits locaux, pêche, noix de cocos, mangues, tarots, ignames, et contemplation de la nature….si nous n’avions pas apporté l’alcool, l’électricité et l’eau courante, dont ils se passeraient bien.

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