Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 alimentent le débat sur leur véritable impact économique et social. Est-ce une bénédiction ou une malédiction pour la ville hôte ?

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Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?

Publié le 27 juin 2023
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Par Hugo Bourbillères.

 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 approchent pour Paris, et avec eux leurs lots de controverses qui abondent une tendance claire : la raréfaction des candidatures pour l’accueil des Jeux ces dernières années. Depuis 1997, plus de deux tiers des référendums voient le « non » l’emporter.

Les contestataires dénoncent un gaspillage des deniers publics pour des projets qui n’auraient pas suffisamment d’utilité sociale. Pour contrer cela, le choix de candidater à un grand événement sportif international (GESI) se justifie de plus en plus par la promesse d’un héritage économique et social durable qui profitera à tous, comme c’est le cas du Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Mais en plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société, les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait justifier la prudence.

Un tour d’horizon de quelques effets économiques et sociaux après des éditions passées permet de comprendre quelles pourraient être les retombées réelles pour Paris et la France. Cerner la complexité de ces enjeux permet aussi de questionner la notion d’héritage, qui crée souvent le risque d’un décalage abyssal entre espérance et réalité.

 

Quand les coûts dépassent les retombées

Bien que sous certaines conditions favorables il semble possible d’obtenir un boost dans l’économie locale, les travaux sur l’impact économique des GESI illustrent surtout la manière dont les coûts dépassent presque toujours les retombées, amenant les économistes à évoquer la « malédiction du vainqueur » de la candidature olympique. Dans les faits, les études d’impact économique ne distinguent pas les gagnants et les perdants : elles mesurent simplement s’il y a un gain monétaire.

La redistribution des ressources dans une région est souvent socialement injuste et ne profite pas équitablement à l’ensemble de la population. Il convient donc de distinguer l’impact du bénéfice économique. On aurait vite fait de s’enthousiasmer d’un impact de plusieurs millions, si l’on ne prenait pas la précaution de regarder précisément de quoi il est composé.

De nombreuses olympiades présentent le cas d’une dépense publique dont la dette pour le contribuable s’est étirée sur plusieurs décennies à l’instar des Jeux de Montréal en 1976 ou de Rome en 1960.

Finalement, les économistes eux-mêmes s’accordent pour souligner les limites méthodologiques du calcul d’impact économique et encouragent à s’intéresser à des dimensions hors marché, à l’instar des impacts sociaux.

 

Un impact durable sur la vie des Parisiens ?

Malheureusement, l’analyse de ces derniers présente aussi des difficultés méthodologiques de taille et les études s’intéressent principalement à une dimension du problème : l’analyse de la perception d’un sentiment d’appartenance, du bonheur, etc. Une fois n’est pas coutume, on y apprend que le GESI peut être source de fierté, de satisfaction et de bien-être, tout autant que de nuisances selon les contextes et les populations étudiées.

Suite aux Jeux olympiques de Londres en 2012, les travaux sur le renouvellement urbain dans le quartier de Stratford sont instructifs : si les GESI sont des catalyseurs d’action publique qui permettent d’améliorer grandement l’offre de transport en peu de temps, ils s’accompagnent généralement d’une forte gentrification venant nuancer l’intensité des potentielles retombées positives.

Idem sur la notion de cohésion sociale et d’identité locale : les GESI sont théoriquement le moment propice à l’abaissement des barrières sociales entre individus et au développement de relations interpersonnelles spontanées qui s’avère être extrêmement rare dans la société – ce que l’on a communément appelé l’effet « black-blanc-beur » en 1998.

Ce mécanisme, perçu encore lors du récent mondial de football, pourtant controversé, au Qatar, convient d’être nuancé de deux manières : d’une part il semble très éphémère, d’autre part, ces moments de communion identitaires peuvent aussi être source de repli et de sentiment d’exclusion comme nous l’avons observé lors de l’Euro 2016 dans certains quartiers parisiens peu concernés par la tenue de l’événement.

 

Une hausse de l’activité physique ?

Le développement de l’activité physique et sportive suite aux Jeux de Londres 2012 est aussi un bel exemple de cette complexité. Certains articles et sondages pointent des effets légèrement positifs (le taux d’inactivité – moins de 30 minutes par semaine – passant de 29 % à 27 % entre 2012 et 2021), tout en faisant état d’un accroissement des inégalités entre catégories de populations.

D’autres résultats sont encore moins probants 10 ans après, à l’instar de l’obésité infantile, un problème de santé publique majeur en Angleterre, y compris dans les quartiers bordant les sites olympiques.

La plupart des études s’accordent pour identifier des effets mitigés, l’impact sur la participation sportive relevant le plus souvent d’un effet de mode qui n’aura tendance à inspirer que les individus déjà engagés émotionnellement dans le sport.

Accueillir les Jeux olympiques : est-ce vraiment une bonne affaire ? (Le Monde). 

Le rôle clef des acteurs locaux

Nous avons montré dans un ouvrage collectif que plus de 50 % des projets sociaux liés à l’Euro 2016 ont été impulsés par l’État et les collectivités territoriales.

Autrement dit, un GESI n’a pas d’effet intrinsèque positif sur le territoire hôte : l’impact est produit par les acteurs locaux. Une volonté politique doit être incarnée sur le temps long pour dessiner les contours d’une stratégie d’héritage. Ce sont les ressources engagées en amont et pendant l’événement qui créeront son impact en aval.

Que pouvait-on attendre de Londres 2012 – un événement de quinze jours – sur le développement de la pratique sportive, si les politiques publiques afférentes ne permettent pas de répondre aux enjeux liés à l’alimentation, au mode de vie, aux inégalités économiques, au manque d’espace et d’équipements, ou encore au développement des possibilités de base telles que marcher ou faire du vélo pour se déplacer ?

L’organisme Sport England indique d’ailleurs en juillet 2022 que « l’organisation de grands événements ne suffit pas à susciter un changement de comportement à long terme au niveau national » mais que « l’aspect positif est que nous en connaissons désormais les raisons et, plus important encore, les moyens d’y remédier ». Gageons que Paris 2024 sache s’inspirer de ces échecs répétés pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

On nous rétorquerait ici à raison que la tâche est inextricable pour les organisateurs de GESI au XXIe siècle : une stratégie d’héritage ambitieuse s’impose pour garantir l’acceptabilité sociale de l’événement mais elle véhicule aussi son lot de désillusions. Toutefois à trop vouloir justifier de l’intérêt de son événement, on en vient presque à créer les conditions de son désenchantement.

Deux voies de sortie complémentaires peuvent être envisagées.

La première serait de requestionner la place du sport dans notre société pour remettre l’événement à sa (juste) place. Les GESI ont le potentiel, sans équivalent dans nos sociétés, pour attirer les attentions et provoquer des enthousiasmes. Ils n’ont toutefois pas vocation à répondre à tous nos maux. Ils peuvent venir ponctuer, rythmer la vie sociale et dans le meilleur des cas, alimenter une action publique. La seconde, serait de s’appuyer davantage sur les résultats des travaux académiques car ceux-ci pointent des effets contradictoires.

Or la notion d’héritage, vague sur le plan scientifique et trop souvent appréhendée seulement de manière quantitative (nombre de projets développés, nombres de jeunes mobilisés, etc.) présente un risque de dilution de ces résultats plus fins et contextualisés. Cela permettrait d’engager une voie plus nuancée pour souligner l’intérêt intrinsèque du projet, sans pour autant le charger implicitement d’une ambition démesurée, et donc potentiellement déceptive.

 

Hugo Bourbillères, Maître de conférences en STAPS (sociologie et management du sport), Université Rennes 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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  • La France n’était pas assez endettée. Elle n’avait pas assez d’immigrés pour construire de nouvelles infrastructures en conservant ses 2 millions de personnes au RSA.
    Et il faut abreuver bovinement les gueux de jeux pour qu’ils se résignent à leur médiocrité pendant qu’Hidalgo, Pécresse et consort se gavent d’impôts.
    Sans compter des affaires de corruption qui resteront sous le tapis : entre BTP et politique, ça a toujours été une histoire d’amour.

  • bah.

    on me force à contribuer… je me fous des retombées sauf sur moi..
    or les jeux pour moi auront des retombées nulles sinon négatives…

    et donc c’ets non sur le principe..même si c’est bon pour moi…

    comme je n’aime pas qu’on me prenne mon pognon pour le me redonner si j’isole ma maison..

    sport mais aussi culture ou tourisme…

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