Et si on féminisait certains noms de métiers ?

Pour Alain Cohen-Dumouchel, le genre des métiers et des fonctions devrait être indépendant du sexe de la personne qui l’occupe. Cependant, la féminisation de certaines professions est une idée qui pourrait se révéler intéressante.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Et si on féminisait certains noms de métiers ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 juin 2023
- A +

Les promoteurs du langage inclusif se sont donné pour but de réduire les stéréotypes de genre qui seraient véhiculés par l’écriture. Ils postulent donc que les mots formatent ou influencent les esprits et que, dans une certaine mesure, ils déterminent des comportements sexistes, machistes ou patriarcaux.

L’adoption du langage inclusif constitue donc une forme d’acceptation du postulat postmoderne selon lequel l’orthographe et la grammaire sont socialement construites pour placer les femmes et certains groupes minoritaires en situation d’infériorité.

 

Combattre les stéréotypes de genre en révisant la langue

Disons-le tout de suite, nous n’adhérons pas à cet axiome, contredit par les neurosciences cognitives modernes.

Le langage n’est pas un support arbitraire de la pensée. Les structures du langage préexistent à son apprentissage, c’est-à-dire qu’il y a dans le cerveau humain un pré-câblage génétique de ces structures, indépendant de la forme qu’elles peuvent prendre à travers les langues et dialectes du monde. Nous ne sommes pas non plus « prisonniers » du langage et nous sommes parfaitement capables d’inventer des mots pour exprimer des idées nouvelles.

Les êtres humains ne sont donc pas contraints par la grammaire et leur esprit peut tout à fait concevoir une égalité sociale entre les sexes quelles que soient les règles de la grammaire française. C’est justement cette capacité qui nous permet de tenter d’adapter le langage aux évolutions de la société.

 

Le genre des métiers et fonctions, indépendant du sexe de ceux qui les occupent

Parmi toutes les formes que peut prendre l’écriture inclusive, nous nous intéresserons ici à la féminisation « forcée » des professions et des fonctions, que la presse et les médias en général emploient de plus en plus souvent.

Notre thèse sera que cette pratique est pour partie contraire aux buts qu’elle se propose de poursuivre et qu’à certains égards, on peut même la considérer comme discriminatoire.

Comme le rappelait justement Jean-Francois Revel dans son billet Le sexe des mots :

« Quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent. »

Ainsi une vigie, une sentinelle, une recrue, une vedette, une victime, une canaille, une fripouille ou une andouille peuvent parfaitement être des personnes de sexe masculin tout en étant grammaticalement au féminin. Une personne désigne un homme ou une femme, et se trouve être un mot féminin.

L’argot nous confirme par ailleurs en les appelant des « huiles », qu’une excellence, une altesse, une seigneurie ou une majesté, sont des fonctions qui, quoique féminines, peuvent être occupées par des hommes.

 

C’est par métonymie que nous désignons une personne par son métier

Le besoin de féminiser les noms de professions vient du fait que l’on désigne très souvent les personnes qui exercent une profession ou qui occupent une fonction par le nom de cette profession ou de cette fonction. La profession se substitue à son occupant.

Le fait de désigner quelqu’un par l’énoncé de sa profession est une métonymie1, c’est-à-dire une figure de style par laquelle on remplace un signifié par un autre « en raison du rapport de contiguïté ou de dépendance qui les unis ».

« Le charcutier est derrière son étal » signifie qu’une personne exerçant la profession de charcutier est derrière son étal. On désigne la personne par sa profession. Un auteur est une personne exerçant le métier d’auteur, une vigie une personne exerçant la fonction de vigie. Lorsqu’on frappe un policier, on ne frappe pas le métier de policier mais celui qui l’occupe.

C’est cet usage du nom du métier pour désigner celui qui l’exerce qui a suscité l’émergence de termes différents selon le sexe de la personne.

 

L’invention de nouveaux métiers réservés aux femmes

En français, la pratique qui consiste à féminiser les noms de professions lorsqu’ils sont exercés par des femmes signifie qu’on invente un nouveau substantif féminin. Les noms ne sont pas des adjectifs, ils ne s’accordent pas en genre. Donc si nous voulons féminiser la profession de boulanger nous sommes obligés d’utiliser un nouveau nom : une boulangère.

Mais alors, je vous demande de réfléchir à ce que peut être la définition de « boulangère ». Ce n’est heureusement plus la femme du boulanger comme certains anciens dictionnaires nous l’enseignaient, mais une boulangère est-elle une femme qui exerce le métier de boulanger ou une femme qui exerce le métier de boulangère ?

Dans le premier cas, le vrai métier est celui de boulanger et une femme qui l’exerce possède un nom particulier, qui n’est pas celui du métier lui-même. Seuls les hommes sont désignés par la profession qu’ils exercent tandis que les femmes sont obligées d’utiliser une autre dénomination. Cela n’a rien d’inclusif.

Dans le deuxième cas, il y a clairement deux métiers : un métier de boulanger exercé par les hommes et un métier de boulangère exercé par les femmes. Les femmes et les hommes n’exercent pas le même métier.

Ainsi une femme ne pourra jamais devenir auteur, elle sera autrice ou auteure, elle n’accédera pas aux fonctions de chef ou de préfet, réservées aux hommes, mais devra occuper celles de cheffe et de préfète. Les femmes exerceront les métiers de factrice, écrivaine, ingénieure, policière, tandis que les hommes seront facteur, écrivain, ingénieur, policier. C’est tout aussi discriminatoire.

Ces considérations sont renforcées si l’on étudie les anciennes distributions de titres ou de fonctions, telles qu’elles sont pratiquées dans la société médiévale. Si une femme peut accéder au rang de comtesse, duchesse, princesse, reine, c’est bien, en bon français, qu’elle ne pourra jamais devenir comte, duc, prince ou roi.

 

La fixation du genre grammatical des métiers, seul moyen d’éviter les discriminations

Le seul cas où il n’y pas discrimination, c’est lorsque le métier possède un genre grammatical déterminé et peut être exercé aussi bien par un homme, une femme, ou une personne transgenre.
Car, c’est aussi l’un des grands paradoxes de la réforme en cours, les personnes non genrées, objets de toutes les attentions des études intersectionnelles, y sont ignorées et même complètement exclues. Masculin ou féminin, il faut choisir.

Reste que la langue et les usages ont conféré le genre grammatical masculin à une trop grande majorité de fonctions et de professions. C’est injuste et c’est peu élégant. Si la grammaire ne formate pas les esprits, elle peut refléter d’anciennes formes d’organisation sociale devenues indésirables.

Jean-François Revel recommandait le statu quo tout en reconnaissant que « certains substantifs se féminisent tout naturellement : une pianiste, avocate, chanteuse, directrice… ».

Mais qu’elle soit « naturelle » ou forcée par le militantisme de ses adeptes, la féminisation revient à créer de nouveaux métiers et de nouvelles fonctions auxquels les femmes seront assignées à résidence. Elle est le signe d’une plus grande visibilité, pas du tout celle d’une plus grande équité ou d’une meilleure inclusion.

Michèle Lenoble-Pinson, adepte de la réforme en cours, remarque que certaines femmes résistent à la féminisation de leur profession :

« Après avoir obtenu leurs diplômes, des femmes qui veulent faire carrière arrivent à obtenir un poste destiné depuis toujours à un homme, mais cette réussite ne leur suffit pas. Elles veulent qu’on leur donne le titre au masculin. Alors seulement elles se sentent les égales des hommes. Comme si féminiser le nom de la profession risquait de la dévaloriser, elles se font appeler : madame le Directeur ».

Dans son rapport de 2019 sur la féminisation des noms de métiers et de fonction l’Académie française va dans le même sens :

« Si, dans un premier temps, des femmes se sont accommodées des appellations masculines, c’est parce qu’elles avaient à cœur de marquer, dans la dénomination de leur métier, l’égalité de compétence et de mérite avec les hommes qui avait permis ce qu’elles regardaient comme une conquête ; ce constat est de moins en moins vrai, les nouvelles générations donnant souvent la préférence aux appellations qui font droit à la différence. »

Et si ces femmes avaient bien senti que changer le nom du métier parce qu’elles l’occupent n’était effectivement pas un signe de reconnaissance et de bienveillance ?

« Faire droit à la différence » est-il bien un objectif inclusif ? On peut sérieusement en douter.

 

Féminiser les professions sans contrevenir à l’esprit de la langue ni à sa grammaire

Il existe pourtant un moyen technique de rétablir une forme d’équité, en échappant au sexisme involontaire des réformes actuelles et sans contrevenir à l’esprit de la langue ni à sa grammaire. On pourrait changer le genre grammatical d’un certain nombre de noms de professions ; décider par exemple que toutes celles dont la forme masculine actuelle finit par un e deviennent exclusivement féminines.

À l’instar de la sentinelle et de la vigie, toute personne sans considération de son sexe serait : une pilote, une juge, une pape, une ministre, une comptable, une contribuable, une géologue, une secrétaire, une antiquaire, une architecte, une graphiste, une automobiliste, une biochimiste, une botaniste, une calligraphe, une cadre, une cancérologue, une commissaire, une contremaître, une critique, une criminologue, une dermatologue, une détective, une diplomate, une ébéniste, une fiscaliste, une fonctionnaire, une garde, une géographe, une géomètre, une gymnaste, une interne, une journaliste, une juriste, une linguiste, une élève, une comte, une vicomte, etc.

Cela veut bien entendu dire qu’il faut aussi s’interdire l’emploi au masculin des formes épicènes (qui ont la même forme aux deux genres). On ne dira donc plus un gymnaste ou un graphiste en parlant d’un homme, mais bien une gymnaste ou une graphiste : Pierre est une graphiste confirmée, Alain est une gymnaste médaillée, comme on dit Louis est une sentinelle expérimentée.

Si l’on veut être inclusif il ne faut surtout pas utiliser des noms de métiers ou de fonctions différents suivant le genre réel ou supposé de celui qui l’occupe. On bannira donc les influenceuse, jongleuse, formatrice, historienne, imitatrice, inspectrice, magistrate, nageuse, narratrice, organisatrice, ouvrière, patronne, paysanne, etc. pour revenir à leur forme masculine.

On pourra en revanche garder au féminin les professions historiquement occupées par des femmes : une ménagère, une repasseuse, une infirmière, une puéricultrice, une sage femme. Il faudra bien entendu, s’abstenir de les masculiniser. Dans un monde inclusif, des hommes peuvent parfaitement exercer le métier de ménagère ou de sage femme.

Cette règle permettrait aussi de résoudre le délicat problème du mot homme, utilisé aussi bien pour désigner l’espèce humaine qu’un de ses représentants masculin. Homme, en tant que désignation du statut d’être humain, deviendrait donc féminin. Les hommes naissent et demeurent libres et égales en droit.

 

Conclusion

La pratique qui consiste à inventer de nouveaux noms de titres et de métiers réservés aux femmes ne date pas d’hier. Il ne faut pourtant pas voir dans son ancienneté un signe de sagesse ou de validité.

Nous descendons d’une société patriarcale qui laissait peu de choix aux femmes. Lorsque de nouveaux métiers se sont ouverts à elles, la tentation fut grande de les dénommer différemment de ceux pratiqués jusqu’alors par les hommes. Faut-il y voir un progrès ou au contraire la marque d’un apartheid masculin ? La logique et la grammaire penchent vers la seconde option, car c’est en assignant un genre fixe aux mots qu’on est le moins sexiste.

Inutile de préciser que la réforme suggérée ci-dessus a très peu de chance d’aboutir tant la médiatisation de l’accession des femmes à de nouveaux métiers prime sur l’élégance de la langue et sur sa neutralité vis-à-vis des sexes. Mais – qui sait ? – il suffit que certaines plumes s’en emparent pour que la nouvelle règle recueille peu à peu la faveur des usages.

 

 

Sources :

Déclinaison de 2000 noms de métiers, professions, fonctions, titres et autres activités au masculin et au féminin – État de Vaud

Mettre au féminin les noms de métier : résistances culturelles et sociolinguistiques
par Michèle Lenoble-Pinson

  1. Probablement plus une catachrèse de métonymie tant le fait de désigner l’occupant par sa profession s’est lexicalisé.
Voir les commentaires (43)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (43)
  • Croire que changer le mot peut changer la chose revient à croire que, au volant de sa voiture, on pourra la freiner en saisissant l’aiguille du compteur de vitesse et en la forçant à descendre à zéro.

  • Je propose que l’on change tous les mots. Ce serait plus simple.
    Pourquoi dit-on « la ville ». Je propose qu’on dise aussi le vill (sans  » E » car le mot n’est plus féminin). De même le port, le cuisin, le chambr, le forêt, le prairi. Qu’en pensez-vous ?
    Ex : je suis allé visiter un maison. Le cuisin était bien mais les chambrs trop petits. J’ai quand même fait un proposition pour une achate.
    Ça c’est du français !

  • Et pourquoi pas tout simplement réintroduire le neutre, la quasi-totalité des problèmes serait résolu. Mais cela ne me convient pas. Il ne faut pas toucher à ce qui existe.

    • Non !!! Le neutre aurait une consonance trop masculine. Mon pôve Monsieur, vous n’y pensez pas ! Il faut tout cassé. Et du néant naîtra le bonheur. C’est bien connu.
      Comment voulez-vous que nos petits cancres s’en sortent si la langue française est si compliquée ?

  • Bonjour, personnellement je trouve que l’on ne va pas assez loin dans la féminisation des noms de professions. Je pense qu’il faudrait un marquage fort du féminin, une vraie reconnaissance.
    Je suggère une règle simple : marquer le féminin dans le préfixe, au début du nom, et nom dans le suffixe.
    On ajoute « e » avant le nom du métier.
    C’est une vraie victoire. On valorise la femme avant d’indiquer sa profession
    Pour bien comprendre je vous propose quelques exemples:
    Monsieur le maire / madame l’emaire
    Monsieur le préfet/ madame l’epréfet
    Monsieur le chef de service / madame l’echef de service
    Simple, efficace et consensuel. Q’en pensez vous?

    -1
  • Réflexion intéressante, au-moins dans la première partie / exposé du problème. En y réfléchissant, j’ai réalisé que deux femmes exceptionnelles ont refusé de se satisfaire de leur titre féminin et ont pris le titre masculin dans leur langue : Hatchepsout qui réussit à devenir Pharaon (et non pas simple « reine d’Égypte ») et Wu Zitian qui devint Empereur de Chine sous les Tang, surpassant même en cela Cixi, qui arriva environ 1000 ans plus tard et qui, bien que contrôlant le cœur du pouvoir, ne fut sa vie durant qu’impératrice douairière et n’a jamais régné en son nom propre.

  • Exemple : un jardinier , une jardinière qui passe son été sur le balcon pour faire plaisir au voisin

  • Ma mère était ingénieur, se considère encore comme telle à 97 ans et de grâce, ne féminisez pas sa profession, vous en feriez une geigneuse. Marre des mots nouveaux, il y a un certain honneur à ce que le métier ignore le sexe ou autre de celui qui l’exerce.

  • En lisant votre article, je me demande si le mot « enculeuse de mouches » existe !

  • Il existe une très belle « profession » qui ne doit pas changer de nom, c’est la « profession » mère. Il existe une autre très belle « profession » qui ne doit pas non plus changer de nom, c’est la « profession » père.

  • Mais pourquoi a-t-on besoin en France de se poser autant de questions? Les Québécois ont depuis très longtemps des boulangères, des des professeures, des mairesses, ça ne pose de problème à personne là-bas, et je vous assure qu’ils ne se sentent pas plus malheureux pour autant!

  • Quel article long pour si peu de chose ! En quoi est-il gênant d’extrapoler une évidence : quand vous parliez de votre prof femme, vous disiez ma prof, non ? Qui dirait « mon prof » si c’est une femme ? Certains veulent tellement s’inventer des combats qu’ils tombent dans le ridicule ! En quoi appeler avocate une femme qui l’est est-il gênant ? En quoi parler de la boulangère est-il gênant ?!
    Il ne s’agit pas de nouveaux mots ou métiers mais d’une évolution de la langue, langue qui a toujours évolué.
    Je constate tout de même que :
    1/ Utiliser des mots anglais ne pose aucun problème à ceux qui combattent la féminisation des noms des métiers !
    2/ Le métier d’infirmière, créé il y a bien longtemps, a évolué en « infirmier » lorsque les hommes ont embrassé la profession. Et c’est bien normal. Vous diriez infirmière à votre infirmier ? Dans ce sens, on voit bien le ridicule de conserver une appellation qui ne convient plus. Allons !
    Juste un peu de bons sens…

    • Et le bon sens implique de ne pas tomber dans l’outrance des féministes du gvt ! Bien sûr qu’il n’y a pas à féminiser absolument toutes les fonctions par principe excessif. Mais il n’y a pas non plus à prétendre masculiniser tous les noms communs sous prétexte qu’ils peuvent désigner un homme !

    • Effectivement sur la forme le débat est récréatif.
      Sur le fond, c’est un peu plus compliqué. Les mots ont un sens, ils véhiculent des idées. La féminisation des noms de métiers n’est pas une évolution « naturelle » comme c’est le cas dans votre exemple « ma prof ». Ici, on impose une évolution et, de fait, impose une évolution des idées. C’est une contrainte, tout le débat est là.

      • Vous considérez donc que la féminisation des métiers n’est pas réelle ? « On impose une évolution des idées », non, on conforme le français à l’évolution déjà effective. Si les femmes deviennent des chirurgiens, on peut les appeler chirurgiennes, non ? Comme les infirmiers.

        • Non, la féminisation des métiers est une réalité… et tant mieux. Mais on ne parle pas de ça, on parle de la féminisation du nom des métiers. Ce n’est pas la même chose.
          Vous citez infirmier/infirmière, dans ce cas on a une évolution de la langue française qui n’a rien eu d’imposé.
          Mais, le métier a un nom et un genre. Peu importe que ce soit un homme ou une femme qui l’exerce. Il n’est pas un adjectif.
          Ce que je dis c’est que les mots ont un sens précis qui véhiculent des idées précises. Dès lors qu’on change le sens du mot, et c’est ce que l’on fait, on influence la pensée.
          Dire qu’un chef est un homme et cheffe une femme, c’est modifier arbitrairement le sens du mot chef qui s’appliquait indépendamment à un homme ou une femme. Maintenant le mot chef ne s’applique qu’aux hommes.
          Dans notre cas, on ne fait pas simplement évoluer un mot ou deux, ce sont quelques centaines qui sont concernés et cela modifie, oriente la pensée de façon autoritaire.
          Et c’est ça que je critique. On peut féminiser le nom des métiers, pourquoi pas, mais il y a un côté discrétionnaire qui est le cœur du problème. Toute cette polémique « comment on fait », « ça existe déjà », toute cette dualité, opposition homme/femme cache cet autoritarisme.

          • « Le métier a un nom et un genre » c’est là où je ne suis pas d’accord avec vous. Si on a créé le métier d’infirmière, et non d’infirmier, c’est bien parce qu’on tenait compte à cette époque du sexe de celui qui exerce le métier. Idem pour les assistantes maternelles. Et on a évolué vers infirmier. Donc oui, une femme chirurgien est une chirurgienne, car ce métier a été créé à l’origine par des hommes mais les femmes l’embrassent aussi désormais.
            Pour les fonctions c’est un peu plus complexe, car effectivement on exerce une fonction. Mais quelle différence de fonction entre directeur et directrice ? Direz-vous d’un homme qu’il est directrice d’école ?
            Qu’ensuite, on tombe dans l’excès comme aime le faire cette époque qui me sidère, et qu’on s’insurge contre les excès, oui, ça oui. Mais rejeter entièrement cette évolution de la langue suivant l’évolution de la société, ce qui a toujours existé, sous prétexte qu’il y a des excès est aussi excessif finalement.

            • Je vous rejoins sur l’autoritarisme ou le fait que vouloir trouver un mot féminin à tout prix est excessif. Mais qu’il y ait beaucoup de mots à modifier, c’est normal, tous les métiers quasiment ont un historique masculin.
              « L’Académie a donc regardé à la loupe nos pratiques, et sa conclusion est sans appel : «Il n’existe aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions.» Mieux, cette féminisation «relève d’une évolution naturelle de la langue, constamment observée depuis le Moyen Âge» » L’évolution des mots passent par là pour le dictionnaire il me semble. Et la masse de mots anglais n’émeut pas grand monde.

              • (Je ne sais pas si mes deux messages vont apparaître dans le bon ordre.)
                Pour en revenir à ce que je critique, j’ai écrit que les mots avaient un sens. Il véhiculent des idées. Mais ce n’est pas tout. D’une certaine façon, ils vous définissent. Le support que vous utilisez pour échanger vos idées est un indicateur de votre appartenance à un groupe. Vous pouvez dire on va manger ou on va déjeuner, l’information est comprise. Le mot comme support de cette information est pourtant différent mais il donne une indication.
                L’exemple qui me vient à l’esprit c’est la chanson des Inconnus « Auteur, Neuilly, Passy ». Dans cette parodie, on a 3 jeunes des beaux quartiers de Paris qui se moquent du hip-hop. Ces 3 jeunes appartiennent à un même groupe. Un des indicateurs qui nous permet de l’affirmer est qu’ils utilisent le même registre de langage.
                Pour en revenir à la féminisation des des noms de métiers, on crée des mots, on crée un groupe. On utilise ce langage, on appartient au groupe, on ne l’utilise pas, on n’y appartient pas. Dans le cadre de la chanson des Inconnus, ça ne porte pas à conséquences. Dans le cas qui nous interesse si, parce qu’il y a manipulation. Si on n’utilise pas le bon vocabulaire, on affiche pas les codes du groupe, on est étiqueté anti féministe. C’est une réforme de la pensée, soit on accepte soit on est ostracisé.
                Ma critique porte sur ce point et je vous assure que cela ne concerne pas que la féminisation des noms de métiers.

                • Je suis d’accord avec vous sur le fait que les mots qu’on utilise nous définisse. Le bon exemple est « celles et ceux » absolument ridicule mes yeux. Mais aussi dire « je vais chez le docteur » ou  » je vais chez le médecin » définit notre classe sociale. Comme « au coiffeur » au lieu de « chez le coiffeur ».
                  Mais chirurgienne n’entre pas dan ce registre. Les métiers ont le genre de celui qui l’exerce, et non un genre neutre.

            • D’abord, je vous remercie pour ce débat. Je ne pense pas que nos échanges passionnent les foules mais je trouve sympathique de discuter.
              Ceci étant, je suis assez d’accord avec ce que vous avez écrit ci-dessus. Cependant, je reste sur mes positions concernant le genre du métier (ou de la fonction). J’admet que ces noms soient masculins parce qu’historiquement exercés par des hommes. Je constate que l’évolution de la langue à permis la féminisation des métiers les plus courant. C’est l’usage de langue qui la rend vivante et je n’y trouve rien à redire.
              Maintenant, est ce que par curiosité, vous regardé le lien qui pointe vers le ministère de la culture « guide de féminisation des métiers  » ? On y trouve la féminisation des métier d’ajusteur fraiseur ou de scaphandrier. La liste est longue. Typiquement nous ne sommes pas dans le cadre de l’évolution de la langue par l’usage. Donc d’accord avec vous la langue évolue dans le temps mais pas de cette façon.

              • Je vous remercie moi aussi pour ces échanges, j’aime moi aussi discuter avec des gens qui ne pensent pas de la même façon, c’est ainsi qu’on évolue car je ne me considère pas comme « savante », au contraire. Et avec la courtoisie légendaire de Contrepoints, c’est un plaisir.
                Je pense qu’effectivement les noms des métiers sont masculinsparce qu’historiquement exercés par des hommes. Rien que ça est un argument en faveur de la féminisation des noms des métiers en fonction de qui l’exerce. Ce qui n’est pas révolutionnaire.
                Je ne suis pas allé voir les préconisations du ministère, dont j’imagine tout à fait les excès, mais il reste que ce sont les abus qui sont à critiquer, pas l’idée elle-même.
                Je me souviens des préconisations en matière de mots français pour remplacer des mots nouveaux anglais. Excès là aussi, que la pratique a corrigé sans difficultés.

            • Avatar
              Alain Cohen-Dumouchel
              9 juin 2023 at 12 h 34 min

              Pourquoi le fait qu’une femme embrasse le métier de chirurgien devrait-il faire changer le nom du métier qu’elle exerce ? Elle n’est pas digne d’être chirurgien ? Toute la question est là.
              Le fait de désigner les métiers différemment suivant le sexe des personnes qui l’exercent ne date pas d’hier mais ce n’est en aucun cas un gage d’équité. Le propos de l’article est d’alerter sur cette fausse évidence qui consiste à considérer que la féminisation des noms de métier est un signe de féminisme. L’accélération de cette réforme, outre ses aspects directifs peu sympathiques, va exactement dans le sens contraire de celui voulu par ses promoteurs.
              Je trouve étrange que personne dans le camp féministe pourtant très prolixe, n’ait relevé cette contradiction.

              • Pourquoi un homme qui devient infirmière devrait faire changer le nom de ce metier et être appelé infirmier ? Il n’est pas digne d’être infirmière ? La réponse est là, toute simple. Et qui prouve que les noms de métiers ne sont pas neutres mais bien créés en fonction du sexe de celui qui l’exerce. Et historiquement tous les métiers ont été occupés par des hommes et ce nestbpas parce que les femmes en étaient incapables mais reléguées au rôle familial. Même exemple avec « assistante maternelle » devenu « nounou » lorsqu’un homme embrasse cette profession.
                Vous jous trompez de combat : le problème nest pas la feminisation des noms de metiers, mais l’exces dans lequel on tombe. Cest cet exces quil faut combattre, pas le terme chirurgienne. Mais dou vient cet excès ? Car ce débat n’est pas nouveau. Simplement du fait que cette évolution simple et de bon sens a été rejetée. On en arrive alors à l’excès, hélas. Mais c’est cet excès qu’il faut dénoncer, pas l’idée elle-même.

                • Désolée pour les anomalies dans l’écriture, j’utilisais mon téléphone où la correction est étrange et l’écran petit…

              • Je ne pense pas que les gens lambda cherchent l’équité dans la féminisation des noms de métiers, sauf les ultras, mais on ne va pas laisser les ultras décider de ce dont on peut parler ou pas.
                La féminisation est une étape logique, dès lors que les métiers se féminisent. C’est bien pour cela que nombre de noms de métiers ont déjà changé.
                Je ne comprends pas cette obsession à la rejeter, aussi obsessionnelle que les ultras dans l’autre sens. Étymologiquement, le chirurgien est celui qui pratique la chirurgie. Étymologiquement, la chirurgienne est celle qui pratique la chirurgie. Pourquoi dites-vous, si c’est une femme, « elle n’est pas digne d’être chirurgien » ? Vous mettez un niveau inférieur quand c’est une femme ? Vous n’irez pas consulter une chirurgienne de peur qu’elle soit moins digne de pratiquer la chirurgie qu’un homme ? Car c’est ainsi que se traduit votre phrase.
                Il n’est pas question d’équité, mais bien de bon sens. Et de langue française, l’étymologie de ce mot ouvre totalement à sa féminisation. Ce qui peut être discutable avec d’autres métiers ne l’est pas avec celui-ci puisqu’il s’agit de « celui qui pratique la chirurgie ». Pour votre exemple, vous avez choisi chirurgien et non caissier, c’est intéressant….
                Je re-entends ma responsable commerciale dans une vie antérieure, se déclarant « directeur commercial » et quand je lui posais la question de la raison, elle me répondit : « directrice, ça fait directrice d’école »… tout est dit sur la raison : une légitimité sujette à caution lorsque le métier ou la fonction est exercée par une femme.
                Si mon voisin veut devenir esthéticienne, comment faudra-t-il parler de lui ? Vous n’avez déjà pas donné votre avis sur les métiers d’assistante maternelle et d’infirmière pour les hommes…
                Mais avec le temps, nul doute que ces réticences et arrière-pensées disparaîtront par la force de l’habitude.

                • Avatar
                  Alain Cohen-Dumouchel
                  11 juin 2023 at 19 h 40 min

                  « Étymologiquement, le chirurgien est celui qui pratique la chirurgie. Étymologiquement, la chirurgienne est celle qui pratique la chirurgie »
                  On revient au cas 1) de boulanger/boulangère décrit dans l’article :
                  « … le vrai métier est celui de boulanger (ou chirurgien) et une femme qui l’exerce possède un nom particulier, qui n’est pas celui du métier lui-même. Seuls les hommes sont désignés par la profession qu’ils exercent tandis que les femmes sont obligées d’utiliser une autre dénomination. Cela n’a rien d’inclusif. » Cela devrait être ressenti comme fortement discriminatoire par ceux-là même qui sont les plus virulents promoteurs de la féminisation systématique des noms de métiers. Mais ils n’y voient que du feu. Leur principal objectif est de déstabiliser la langue. C’est le « brouillage des frontières » woke qui est à l’œuvre. Ils croient qu’en imposant cheffe et autrice ils combattent pour l’équité homme femme alors qu’ils renforcent les stéréotypes de genre introduits par la féminisation des noms de métiers.

                  • « Seuls les hommes sont désignés par la profession qu’ils exercent » d’où tenez-vous cette affirmation qui est contraire à l’étymologie et à la description du dictionnaire ? Pourquoi actrice et chanteuse existent-ils sans que cela ait créé la moindre discussion ?
                    Comment expliquez-vous que des métiers créés pour les femmes aient pris une forme masculine, au lieu d’un autre mot, sans que cela ait créé la moindre discussion ?
                    Je précise que je suis à 1000 lieux du féminisme et du wokisme, du « iel » et de tous ces délires. J’ai le sentiment que le bon sens se perd. Et, sous prétexte de s’opposer aux excès, certains cherchent à défendre à tout prix une prééminence masculine dans l’appellation de « certains métiers », prééminence due uniquement à l’histoire et non à une quelconque désignation par le métier ou genre du métier qui serait neutre.

        • Si un jour, je dois faire appel au service d’un chirurgien femme, je dirais : mon chirurgien et pas : ma chirurgienne. Et quelque part j’en ai un petit peu marre que ce gouvernement essaye de m’indiquer ce que je dois faire ou dire.

          • Et comme vous êtes cohérent, vous parlerez de « mon infirmière » à propos de l’homme qui viendra changer vos pansements. Et vous dites aussi que Céline Dion est un chanteur international et Julia Roberts un acteur mondialement connu…
            Je suis d1ccord avec le fait que ce gvt fait n’importe quoi sur ce sujet, mais le sujet existe.

  • Il est vrai que le français a oublié les mots spécifiques pour dire homme mâle ou femelle. La langue latine a pourtant deux mots très différents qui sont « vir » et « mulier ». Par ailleurs, le mot femme n’est pas le symétrique du mot homme, puisqu’il y est fait mention de son statut de femelle alors que dans le mot homme il n’y a pas de référence à la masculinité. Le symétrique masculin de femme pourrait être « mâlon ». Il en est de même avec le couple « mari » et « femme » qui n’est pas symétrique non plus, puisque « mari » implique le mariage de l’homme mâle alors que « femme » n’implique rien du tout. Le symétrique de mari pourrait être « mariée ».
    Par ailleurs il ne faut rien changer d’autorité à la langue française ; il faut laisser faire le vrai usage. Il ne faut surtout pas confondre la pression des médias et des militants avec l’usage.
    Conclusion : laissez-nous tranquilles avec vos réformes.

    • Oui, le mot « vir » trop court et peu sonore n’est pas passé en français, malheureusement (Il y a eu du vieux francique les mots « gars » et « garce » mais toujours restés familiers et vulgaires). On devrait pourtant pouvoir dire « muliéricide » et « viricide ». Le mot « hui » a eu la même destinée mais on le rencontre toujours coincé dans la redondance « aujourd’hui ».

  • Le neutre latin était peu différencié du masculin, surtout en français après la perte des désinences originales. Mais le principe du genre des mots a été inventé pour la grammaire (et les participes passés!) « Majordome» comme une « table » peut ainsi compléter une rime « féminine » à cause de sa terminaison « muette ».
    Une langue n’a pas de sexe (Bienheureuse aujourd’hui la langue anglo-saxonne !) et ne détermine le sexe que si c’est nécessaire à l’égard d’un personnage. Les métiers sont des fonctions (neutres).
    Certaines féministes qui montrent leur myopie en voulant couper en deux l’Humanité, le yin et le yang ?, sans doute pour la plus grande gloire de l’Égalité ! La grande œuvre des femmes qui ont des qualités propres et qu’elles méprisent souvent, serait qu’elles se créent elles-mêmes des fonctions particulières, au lieu, malheureusement, de nous démontrer un vain mimétisme dans des postes préexistants.

    • Une hôtesse de l’air anglo-saxonne est-elle un steward ?
      Que « les femmes se créent elles-mêmes des fonctions particulières » ? Infirmière, par exemple, est une profession historiquement féminine, créée pour elles (pas question à cette époque qu’elles soient médecins, quelle horreur). Voulez-vous qu’un homme soit appelé « infirmière » ? Appellerez-vous assistante maternelle l’homme qui va embrasser ce métier ? Dans ce sens, on met le doigt sur le ridicule du refus du changement de terme, et dans ce sens, les termes sont changés sans que ça n’émeuve personne (et c’est normal).
      Cela n’a rien à voir avec du féminisme, sauf quand on part dans le délire, tout avec la logique.

      -1
  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Figure iconique de la Révolution française dans sa dimension libérale, Condorcet est l’auteur de plusieurs textes sur la place des femmes dans la société.

En 1790, il publie : Sur l’admission des femmes au droit de cité. En 1793, alors qu’il est pourchassé par la Convention qui a ordonné son arrestation, c'est-à-dire sa condamnation à mort, il consacre plusieurs paragraphes de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain et de Fragment sur l’Atlantide, au même sujet.

Les extraits provenant de ces deux ouvrag... Poursuivre la lecture

Un article de l'Iref-Europe

 

Dans un article du 7 mars 2023, Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, s’interroge sur le rôle de la « domination masculine » dès l’école primaire. Plus diplômées que les garçons, les filles sont pourtant minoritaires dans les filières les plus sélectives, notamment à cause d’un niveau plus faible en mathématiques. Une inégalité qui persiste dans le monde professionnel. Faut-il en déduire que les femmes sont victimes d’une oppression systémique ?

Alors que les différen... Poursuivre la lecture

Wellington
0
Sauvegarder cet article

Un article de Human Progress

Notre vingt-quatrième Centre du progrès est Wellington à la fin du XIXe siècle, lorsque la ville a fait de la Nouvelle-Zélande le premier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes.

À l'époque, cette décision était considérée comme radicale. Les réformateurs qui ont adressé avec succès une pétition au Parlement néo-zélandais ont ensuite parcouru le monde, organisé des mouvements pour le suffrage dans d'autres pays. Aujourd'hui, grâce au mouvement initié à Wellington, les femmes peuvent vote... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles