L’Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l’économie africaine

En dépit des conséquences de la guerre en Ukraine, l’Afrique subsaharienne francophone a de nouveau affiché en 2022 et de loin le taux d’inflation le plus faible d’Afrique subsaharienne.

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L’Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l’économie africaine

Publié le 19 mars 2023
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En 2022 et pour la neuvième année consécutive, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement affiché la croissance économique la plus élevée d’Afrique subsaharienne tout en demeurant la partie la moins touchée par l’inflation, ainsi que la partie la moins endettée. N’en déplaise aux propagandistes anti-français et aux anglomanes, c’est donc bien l’Afrique anglophone qui est à la traine…

Selon les dernières données de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne francophone a de nouveau réalisé en 2022 les meilleures performances d’Afrique subsaharienne en matière de croissance économique. Après une progression de 4,1 % en 2021, cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 4,4 % tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne, essentiellement anglophone, enregistrait un taux de 2,9 %.

Dans le même temps, et à partir des estimations du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone a continué à afficher le niveau d’inflation le plus faible, avec un taux de 7,2 % contre 24,4 % pour l’Afrique subsaharienne non francophone. Enfin, et toujours à partir des données du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone continue à maîtriser son niveau d’endettement, avec une dette publique s’établissant à 49,7 % du PIB, fin 2022, contre 60,6 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

 

Un dynamisme largement supérieur à la croissance démographique

Avec une progression de 4,4 %, l’Afrique subsaharienne francophone a donc de nouveau connu un rythme de croissance économique largement supérieur à celui de sa progression démographique (2,9%), contrairement au reste de l’Afrique subsaharienne.

En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones subsahariens, ainsi que la lusophone Guinée Bissau, la hausse du PIB a été de 4,1 %. Les quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, ont continué à enregistrer une croissance économique assez vigoureuse : respectivement 5,7 %, 6,1 %, 3,8 % et 4,8 %.

Sur la décennie 2013-2022, et malgré la pandémie, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 3,5 % en moyenne (et à 4,0 % hors cas particulier de la Guinée équatoriale, par ailleurs principalement hispanophone). Ce taux a été de 3,3 % pour la zone CFA (4,0 % également hors Guinée équatoriale) et de seulement 2,2 % pour l’Afrique subsaharienne non francophone, dont la progression du PIB a ainsi été inférieure à sa croissance démographique. La Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal ont respectivement enregistré une croissance économique annuelle de 7,0 %, 5,5 %, 4,0 % et 5,2 %.

Pour leur part, les quatre premières économies subsahariennes non francophones, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont respectivement connu une progression de 2,3 %, 0,9 %, 8,1 % et 4,5%. Quant à l’Angola, qui faisait partie de ces quatre premières économies jusqu’en 2018, celle-ci a enregistré un taux de seulement 0,4 %.

Le Nigeria et l’Afrique du Sud, gros producteurs de matières premières, continuent de souffrir de graves problèmes structurels, aggravés par un niveau élevé de corruption, de détournements de fonds et d’insécurité, ainsi que par l’effondrement de leur monnaie au cours de la dernière décennie (-65,2 % et -50,3 %, respectivement). Leur manque de dynamisme semble durablement installé, selon les prévisions de la Banque mondiale. Ces deux pays se sont même appauvris au cours des dix dernières années, ayant affiché des taux de croissance régulièrement inférieurs à leur croissance démographique.

Le Nigeria connaît une baisse de sa production pétrolière, alors que ses exportations reposent encore à plus de 90 % sur les hydrocarbures. Aujourd’hui, et malgré de colossaux revenus accumulés depuis son indépendance, le Nigeria affiche le deuxième plus faible niveau d’espérance de vie au monde (52,9 ans en 2020, selon la Banque mondiale), et le quatrième taux le plus élevé en matière de mortalité infantile, juste après la Somalie. Enfin, il est également à noter que le pays demeure très en retard en matière d’électrification, avec un taux d’accès à l’électricité de seulement 55,4 % de la population fin 2020. Par ailleurs, le déclin économique du Nigeria est de nature, à terme, à accroître l’émigration de Nigérians vers les pays francophones voisins, qui devront alors faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire.

De son côté, l’Afrique du Sud souffre de la baisse de son activité minière, d’une très forte insécurité (plus de 20 000 homicides par an), ainsi que de l’effondrement de ses capacités de production d’électricité. Outre la multiplication des délestages, qui dépassent parfois les 10 heures par jour, le pays est même l’un des deux seuls pays africains à connaître une baisse du taux d’accès à l’électricité, alors même que 15,6 % de la population n’était toujours pas connectée au réseau électrique fin 2020 (contre moins de 1 % dans les pays francophones du Maghreb, qui, par ailleurs, ne connaissent jamais de délestages). Quant à l’Éthiopie, le pays a récemment connu une terrible guerre civile ayant provoqué la mort de plus de 600 000 personnes en seulement deux ans, de novembre 2020 à novembre 2022.

 

L’espace UEMOA, plus vaste zone de forte croissance du continent

Bien qu’affecté par la hausse du cours des hydrocarbures et des denrées alimentaires importées, et malgré la chute de la croissance au Mali (1,8 %), l’espace UEMOA, qui recouvre la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest francophone (et qui est composé de huit pays, dont la Guinée-Bissau) a continué à se distinguer avec une évolution globale de 4,8 % en 2022, après une progression de 5,8 % en 2021. Avec une croissance annuelle de 5,6 % en moyenne sur la décennie 2013-2022, cet espace confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent. Et ce alors même qu’il n’en est pas la partie la plus pauvre, l’Afrique de l’Est étant la partie la moins développée du continent.

En effet, à titre d’exemple, et en dehors de la francophone Djibouti, seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2022 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1000 dollars, à savoir le Kenya (2082 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1099 dollars, selon la Banque mondiale). À la même date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (2549 dollars), le Sénégal (1637) et le Bénin (1319). Par ailleurs, l’Afrique de l’Est est également la partie la plus instable du continent puisque l’on y trouve notamment les trois pays subsahariens ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud, la Somalie et l’Éthiopie). Des conflits auxquels s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique au Mozambique, en Ouganda…).

Par ailleurs, et grâce à une croissance de 7,0 % en moyenne sur la décennie 2013-2022, (la plus forte au monde pour les pays qui avaient un PIB par habitant supérieur à 1000 dollars en début de période), la Côte d’Ivoire est récemment devenue le premier pays africain assez modestement pourvu en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua (2045 dollars par habitant début 2022, et hors petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). Ce dynamisme lui a également permis de réussir l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria, pays voisins regorgeant de richesses naturelles (2363 et 2066 dollars, respectivement). En effet, le Nigeria a produit ces dernières années entre 40 et 60 fois plus de pétrole que la Côte d’Ivoire, tandis que le Ghana a extrait six fois plus de pétrole et trois à quatre fois plus d’or. Le Nigeria devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, pays aux faibles richesses naturelles, dont le PIB par habitant est déjà largement supérieur à celui de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda (925 et 822 dollars, respectivement), et où vient d’être mis en service le train le plus rapide d’Afrique subsaharienne.

De son côté, le Niger n’est plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment devancé la Sierra Leone, et devant prochainement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier. Le Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasse désormais neuf pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim, bien plus fiable que celui de l’ONU (aux nombreuses incohérences et qui a longtemps et étrangement placé le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position, derrière des pays comme le Soudan du Sud !).

Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes entreprises par les pays de la région, en matière de bonne gouvernance, de diversification et de climat des affaires. Sur ce dernier point, certains pays ont réalisé un bond considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale (dernier classement publié par l’institution), comme le Togo (passé de la 162e à la 97e place), et le Niger (passé de la 173e à la 132e place). À titre de comparaison, le Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola étaient respectivement classés par le dernier rapport à la 131e, 159e et 177e place.

Mais cette politique de réformes a également concerné des pays d’Afrique centrale, où le Gabon a consolidé son statut de pays le plus riche d’Afrique continentale, avec un PIB de 8635 dollars par habitant début 2022, creusant l’écart avec le Botswana, deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie (6805 dollars). Malgré d’énormes richesses, 28 % de la population du Botswana n’a toujours pas accès à l’électricité, contre seulement 8 % au Gabon… Par ailleurs, le Cameroun devrait lui aussi bientôt dépasser le Nigeria pétrolier en richesse par habitant.

 

Une inflation et un endettement globalement maîtrisés

En dépit des conséquences de la guerre en Ukraine, l’Afrique subsaharienne francophone a de nouveau affiché en 2022 et de loin le taux d’inflation le plus faible d’Afrique subsaharienne, avec un taux de 7,2%, contre 24,4 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne (Soudan inclus). De son côté, la zone CFA a connu une hausse de 6,2 %.

Sur la décennie 2013-2022, le taux d’inflation annuel s’est établi à 3,6 % en moyenne pour l’Afrique subsaharienne francophone (et à seulement 2,0 % en zone CFA), alors qu’il a atteint un niveau de 15,5 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. La Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal ont respectivement enregistré un taux annuel de 1,7 %, 9,9 %, 2,1 % et 1,6 %. Quant au Nigeria, à l’Afrique du Sud, à l’Éthiopie et au Kenya, l’inflation y a été de 13,0 %, 5,1 %, 14,9 % et 6,2 %.

Au cours des dix dernières années, l’Afrique francophone subsaharienne a donc réussi à afficher le niveau d’inflation le plus faible tout au long de la période, tout en ayant le taux de croissance économique le plus élevé neuf années sur dix (de 2014 à 2022). Cette performance donne ainsi clairement tort à certains commentateurs qui considèrent que la faible inflation qui caractérise cet ensemble constitue un frein à sa croissance économique.

Quant à l’endettement, seuls deux pays francophones font partie des dix pays subsahariens les plus endettés fin 2022, le premier d’entre eux n’arrivant qu’en septième position. Globalement, la dette publique de l’Afrique subsaharienne francophone est estimée par le FMI à 49,7 % du PIB, fin 2022, contre 60,6 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Au cours de la dernière décennie, l’Afrique subsaharienne francophone a ainsi affiché le plus faible niveau d’endettement tout au long des dix années de la période.

Cette assez bonne maîtrise de la dette résulte notamment du dynamisme économique que connaissent la plupart des pays de l’Afrique francophone subsaharienne. Dans l’ensemble, celle-ci a donc été mieux armée pour faire face aux crises majeures ayant secoué le monde durant ces trois dernières années, et financer le redémarrage de l’activité économique. 

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