La célèbre phrase de Deng Xiaoping (1904-1997) symbolise à elle seule le virage socioéconomique opéré par les dirigeants de l’Empire du Milieu au tournant des années 1978-1980 :
Peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris.
Autrement dit, sur le plan de l’organisation productive génératrice d’aménités pour la population, ce qui importe c’est l’efficacité, pas les arcanes idéologiques.
La croissance économique connue par la Chine depuis reste un mystère pour les « économistes »… occidentaux. Ne figure dans aucun texte produit depuis plusieurs siècles qu’une telle croissance sans rupture puisse exister, il devrait y avoir déjà eu des récessions, des reprises, etc.
Pourtant, les fait sont têtus
La globalisation, concept plus précis et plus raffiné que celui de mondialisation, en cours depuis les années 1980-1990, permet aussi de regarder dans le rétroviseur pour mieux appréhender les stratégies des grands ensembles de la planète.
En matière d’économie mondiale, dans l’Antiquité, la Méditerranée pesait pour 25 % et l’ensemble Chine-Inde pour 75 %. En 1200, on trouve 10 % pour l’Europe et 90 % pour l’Asie ; à La Renaissance, Chine et Inde pèsent pour 70 % ; avec l’ère industrielle débutée au milieu du XVIIIe siècle en Angleterre, la période 1820-1940 montre 80 % pour l’Ouest et 20 % pour l’Asie. De nos jours, l’Ouest pèse pour 40%. 1
Outre le fait historique que jusqu’au XVIIIe siècle l’Inde et la Chine représentaient 40-45 % du PIB mondial, l’exceptionnel développement matériel et immatériel (espace, recherches, sciences…) chinois n’est pas né de rien.
Durant les années du maoïsme, l’obsession d’un rattrapage industriel était dans les esprits des dirigeants. La conduite fut désastreuse d’un point de vue humain, ne serait-ce que durant le Grand Bond en avant (1958-1962) qui aboutit à environ 36 millions de morts de famine sur une population totale de 550 millions d’habitants à l’époque. Reste que, au final, de 1950 à 1980, jusqu’au moment du virage annoncé supra, la croissance économique fut de l’ordre de 3 à 5, voire parfois 7 % par an. L’accumulation de capital était déjà amorcée largement. Ce fut la croissance démographique principalement qui empêcha les ménages chinois d’en profiter à l’occidentale.
La résilience d’une population à supporter des drames aussi forts que ceux connus du fait des errements idéologiques de l’ère Mao trouve des échos dans les siècles passés, voire les millénaires puisque l’Empire du Milieu est crédité de cinq mille ans d’existence. Ainsi, les rébellions vis-à-vis du pouvoir central qui durèrent de 755 à 763 furent très coûteuses en vies humaines et en dégâts économiques. En examinant les recensements des populations l’historien Arthur Waley évalue à 30 millions le nombre de Chinois décédés du fait des troubles, la population totale passant de 53 à 16 millions d’habitants. 2
Par ailleurs, pour tenter de comprendre la posture exceptionnelle de la Chine contemporaine « Parti unique dirigeant une économie de marché », regardons du côté du confucianisme et de l’influence philosophique qu’il a produit, en concurrence avec le taoïsme et le bouddhisme. Sur le néoconfucianisme de l’époque moderne chinoise, trouvant trop sèche la seule rationalité, une grande partie des élites font souvent référence à Bergson. Celui-ci opposait l’intellect et l’intuition. Le premier délibère et calcule tandis que la seconde saisit mieux la fluidité, la mouvance temporelle, la complexité de la vie de la conscience.3
On trouve aussi cette formule souvent reprise par des intellectuels chinois : « Ni monothéisme, ni athéisme ».
Bien des analystes occidentaux ayant misé sur le fait qu’en s’enrichissant les citoyens de la République populaire chinoise allaient s’occidentaliser ont fait fausse route :
« La démocratie occidentale, c’est comme aller au restaurant et choisir un chef français, italien, allemand, qui décidera pour vous du menu. Dans la démocratie chinoise, nous avons toujours le même chef – le PCC – mais nous avons de plus en plus le droit de choisir les plats qu’il faut concocter. »4
L’Europe face au modèle chinois
Certes, l’ambition du pouvoir national total des dirigeants chinois ne doit pas amener les Européens et l’Union européenne à renoncer à des fondamentaux qui ont fait notre prospérité et notre fierté, dont les fondements de l’État de droit, le libéralisme économique et la mobilité inhérente, le pluralisme politique etc. Il faut simplement être lucide : depuis la fin des années 1980, l’Amérique et l’Europe sont confrontées à une redoutable alternative : le modèle chinois.
Dans cette civilisation extrêmement policée, souvent brutale et autoritaire, la révolution n’existe pas ; il suffit de changer de règne. Cette société fortement hiérarchisée repose sur une conviction : si l’empereur faillit à son devoir – et ils faillissent tous – il suffit de le remplacer, et une dynastie succède à une autre dynastie.
Le peuple est le plus précieux. Viennent ensuite les autels de la patrie ; le souverain passe en dernier – Confucius
Avis à Xi Jinping (1953).
La citation exacte est “Peu importe que le chat soit noir ou blanc, tant qu’il attrape des souris, c’est un bon chat”. J’y vois une subtile nuance.
En Chine, pas d’aide sociale, pas d’assistanat. Celui qui ne travaille pas, crève de faim et dort dehors. On y voit des vieux de plus de 70 ans nettoyer à main nue des allées pavées. En parallèle, celui qui s’investit et veut s’en sortir, s’en sort. L’État ne lui met pas de bâton dans les roues. Bien sur il y a le parti et ses oligarques, mais tant qu’on ne les attaque pas, on n’a pas de problème : la richesse individuelle est l’objectif de chacun.
En France, c’est l’assistanat qui fait rêver : tous cherchent comment faire pour en profiter au lieu de se démener à s’enrichir : mieux vaut être pauvre et assisté que riche. Quant à notre état, il est très proche de celui des chinois : celui qui critique trop ouvertement la gauche se retrouve vite marginalisé par les médias ou subit l’accusation de fasciste sans même que ses idées ne soient écoutées et débattues. Hé oui, notre liberté d’opinion n’a rien à envier à celle des chinois.
Dernière remarque. Les JO vont permettre à notre état démocratique de mettre des caméras à tous les coins de rue. Ça ne vous rappelle pas un immense pays d’Asie dirigé par un certain Xi quelque chose ?
C’est dur d’être devenus des pays du tiers monde. L’occident n’a rien , aucunes des ressources essentielles du xxieme siècle… Quelque soit le système politique nous sommes foutus… A part abandonner nos anciennes et obsolètes doctrines économiques fondées sur le vol. La force n’est plus de notre côté.
Le modèle chinois, c’est la bonne vielle dictature. On peut peut être choisir son plat, mais seulement parmi ceux autorisés.
Le modèle de la croissance économique chinoise? Un rattrapage économique. 5% par an de croissance? Je ne suis pas étonné, la France a fait mieux l’année dernière, 6%. Et ce grâce à notre empereur avisé Bruno Lemaire.
Ce qu’a fait le PCC: ne pas empêcher la croissance économique. Mais c’est en train de changer avec Xi. Le moteur de la croissance (autre qu’un rattrapage économique), c’est le progrès de la connaissance. Et cela c’est lié à la liberté d’invention, l’ouverture au changement, et c’est profondément contraire à l’esprit du PCC.
Tout mauvais en maths qu’il soit, notre avisé Lemaire sait parfaitement que pour faire 6% de croissance, il suffit d’augmenter la dépense publique de 6 points de PIB, et que les badauds s’ébahiront devant notre supériorité nationale.