Blessures et performances : quand la science se penche sur le football américain

Le 13 février a eu lieu la 57e édition du Super Bowl.

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Blessures et performances : quand la science se penche sur le football américain

Publié le 20 février 2023
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Par Pierre-Marie Leprêtre et Valentin Prioul.

 

Le 13 février a eu lieu la 57e édition du Super Bowl. Les audiences de cet événement sportif font du football américain l’un des spectacles audiovisuels les plus médiatisés aux États-Unis et dans le monde. L’engouement du public pour le football américain dépasse largement les frontières des pays nord-américains, tant au niveau du nombre de spectateurs et téléspectateurs du championnat de la ligue professionnelle (NFL) que de pratiquants.

Créée officiellement en 1998, la fédération internationale de football américain (IFAF) dénombre en effet pas moins de 74 pays membres retrouvés sur les cinq continents. L’IFAF regroupe trois disciplines ouvertes aux pratiquants de tous sexes, hommes, femmes et enfants : le cheerleading, mêlant chorégraphies et chants, le football américain et le flag football, une sorte de football américain sans contact. Du fait de son caractère universel, le football américain a été reconnu discipline olympique par le comité international olympique (CIO) en 2013. L’IFAF et la NFL ont d’ailleurs proposé la candidature du flag football pour représenter le football américain aux Jeux olympiques d’été 2028 de Los Angeles.

Si, en France et en Europe, la pratique du football américain est plus confidentielle que celles du football « à l’européenne » encore appelé soccer, ou du rugby, le nombre de pratiquants en club ne cesse d’augmenter. En 2021 la Fédération française de football américain recensait plus de 21 000 licenciés accueillis dans 225 clubs et associations affiliés. Sur le plan sportif, l’équipe de France de football américain a remporté les World Games 2017 et les championnats d’Europe 2018, palmarès qualifiant directement notre équipe nationale pour la sixième édition de la Coupe du monde qui se déroulera cette année en Australie.

L’amélioration croissante du niveau des jeunes joueurs français et européens attire de plus en plus de sélectionneurs américains et canadiens. Ces derniers parcourent l’Europe pour recruter de jeunes sportifs dont certains auront la chance d’intégrer la NFL lors du « draft », la période annuelle de sélection des futurs champions des équipes professionnelles nord-américaines.

Contrairement aux États-Unis et au Canada, le football américain est un sport amateur en France. Pour favoriser le développement sportif des jeunes joueurs les plus prometteurs tout en leur assurant une scolarité normale, la fédération française de football américain a décidé de fusionner ses deux structures nationales de formation en un unique pôle d’excellence sportive rattaché à la cité scolaire du rectorat d’Amiens dans la région des Hauts-de-France.

 

Une première thèse en France

La mise en place d’un suivi scientifique de l’entraînement des jeunes sportifs usagers du pôle France de football américain, structure dirigée par Steeve Guersent, est le support des travaux d’un doctorat en sciences des activités physiques et sportives. La thèse a démarré en avril 2021. C’est la première, en France, sur ce sport.

Les travaux de notre thèse s’articulent autour de deux axes principaux : l’optimisation des méthodes de développement des qualités physiques et la prévention de la blessure.

Ces deux axes ont été choisis à la suite d’une analyse que nous avons voulu la plus exhaustive possible de la littérature scientifique et professionnelle. Les données scientifiques rapportent que la blessure impacte négativement les résultats sportifs, bien sûr mais également scolaires. Le fait d’être éloigné des terrains et donc de quitter le groupe d’entraînement augmente l’anxiété, la peur de ne pas revenir au niveau escompté pour avoir sa place dans l’équipe et sur le terrain. Le joueur entre dans une spirale négative est à tendance alors à modifier ses liens avec les autres et les institutions.

Nous avons choisi d’utiliser un protocole de prévention de la blessure proposé précédemment par Van Mechelen et ses collaborateurs. Cette méthode se déroule en 4 étapes. Les deux premières consistent à évaluer et identifier le risque de blessures. Pour mener à bien ces deux étapes, nous avons recensé toutes les études dans la littérature s’intéressant à la blessure en football américain et aux styles de jeu. Ce sport est très étudié sur les aspects blessures avec contact et surtout choc avec le casque, mais à peine une dizaine d’études seulement s’intéresse aux styles de jeu.

 

Des styles de jeu différents en Europe et aux États-Unis

Nous confrontons les données de la littérature à celles issues du suivi médical assuré par deux médecins, l’une spécialisée en traumatologie du sport, le docteur Laure Le Monnier du centre hospitalo-universitaire Amiens-Picardie, l’autre spécialisé en physiologie du sport, le docteur Florent Krim du centre hospitalier de Corbie dans le département de la Somme.

La quantité peu abondante d’informations dans la littérature internationale nous a également conduits à réaliser une analyse de l’activité à partir des supports vidéo de matchs de championnats européens dans lesquels les équipes de France jeunes étaient engagées.

Nous avons pu constater que les conditions de pratique sont très différentes de celles sur le continent nord-américain. Les conditions matérielles ne sont pas les mêmes et les facilités de poursuite d’études sont plus abondantes aux États-Unis qu’en France.

Nous avons également mis en exergue que les principales sources de blessures sans contact n’étaient en rien similaires à celles recensées dans la littérature anglo-saxonne. Pour le foot américain « classique » les Américains sont davantage touchés par des blessures sur la tête, le haut du corps et les genoux, alors qu’en France, les joueurs le sont davantage par des blessures de type périostite tibiale à cause de l’état des terrains, semble-t-il.

Ces observations légitiment la poursuite de nos investigations par la mise en pratique des deux dernières étapes du modèle de prévention de la blessure de Van Mechelen, à savoir la mise en place d’actions de prévention sur le terrain (travail d’équilibre et de posture, sur les déséquilibres musculaires non liés à la pratique sportive) et leurs évaluations, mais également à nous interroger sur les méthodes à utiliser pour développer les qualités physiques nécessaires aux jeunes joueurs de football américain pour être performant dans les championnats nationaux, européens et mondiaux.

L’analyse vidéo de l’activité ayant mis en avant l’importance des qualités physiques de force et de vitesse, nous nous sommes rapprochés du docteur en sciences Jean Slawinski, chercheur en biomécanique et physiologie de l’exercice à l’INSEP. La collaboration que nous montons avec ce spécialiste de l’exploration de la force musculaire et de la vitesse devrait nous permettre de mieux identifier le risque de blessure lié aux caractéristiques des joueurs et de proposer des méthodes individualisées de développement des qualités physiques.

L’application des étapes du modèle de prévention de la blessure de Van Mechelen nous a permis d’une part d’identifier les sources principales de blessures et de mettre en place des actions de prévention de la blessure ; d’autre part, de mettre la science au service de la performance.

La mise en place de cette démarche auprès des jeunes joueurs en formation semble être une bonne illustration de la manière dont la science peut se mettre au service de la performance sportive. Les collaborations locale et nationale en cours devraient permettre d’optimiser et d’orienter les actions des entraîneurs vers les méthodes d’entraînement les plus adaptées au développement des qualités physiques des joueurs tout en diminuant le risque de blessure à l’entraînement. De premiers résultats pourront être connus en fin d’année 2023.The Conversation

 

 

Pierre-Marie Leprêtre, Maitre de conférences en sciences du sport, Université de Picardie Jules Verne (UPJV) et Valentin Prioul, Doctorant en sciences du sport, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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  • J’ ai été un grand amateur de sport, moins maintenant, rugby, foot, hand, tennis, ski. Même en ayant vécu aux USA presque 2 ans, je n’ ai jamais accroché avec le foot américain, sport trop haché, trop d’ interruptions, trop de joueurs qui rentrent et sortent.

  • Question :
    Les blessures n’auraient-elles pas un rapport avec le fait que la France pratique les règles du football universitaire NCAA et non celles de la NFL ?
    Quand je jouais, nous jouions en catégorie Junior et Senior avec les règles NCAA. Personnellement, lors de ma deuxième saison, j’ai été blessé lors d’un match parce qu’un joueur adverse, novice, m’avait saisi de manière non réglementaire (saisir le maillot est interdit). Certes, nous n’étions pas en équipes nationales.

    L’équipe la plus efficace était celle des Argonautes d’Aix-en-Provence.

    Je me suis blessé de nouveau quand j’ai voulu m’y remettre, en flag vétéran, mais une entorse de la cheville après avoir mis le pied dans un trou, m’a fait rater l’occasion et la saison.

    L’équipe dans laquelle je jouais a maintenant un bus à ses couleurs, des cheer leaders, assez de joueurs pour faire toutes les équipes spéciales.

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