Brésil : le trumpisme révolutionnaire, deuxième édition ?

Le populisme de droite n’a pas reconnu comme légitime le résultat de l’élection présidentielle. Des milliers de citoyens radicalisés se sont mobilisés pour tenter d’entraver le retour de l’extrême gauche au pouvoir.

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20/02/2019 Gravação do Pronunciamento do Presidente da República Jair Bolsonaro by Palácio do Planalto - CC BY-NC-SA 2.0

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Brésil : le trumpisme révolutionnaire, deuxième édition ?

Publié le 9 janvier 2023
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Des milliers de partisans de l’ancien président Jair Bolsonaro ont pris d’assaut le palais présidentiel, le congrès et la Cour suprême ce dimanche à Brazilia, appelant à une intervention militaire pour destituer le président nouvellement élu Luiz Inácio Lula da Silva. Malgré les dégâts occasionnés, le gouvernement semble avoir repris le contrôle des bâtiments sans trop de difficultés.

 

Un goût de trumpisme au Brésil

Même si l’ancien président a fermement condamné l’intrusion des manifestants dans les bâtiments officiels, il est difficile de ne pas rapprocher cet évènement de « l’assaut » du 6 janvier 2021 contre le capitole par les partisans de Donald Trump. Dans les deux cas, le populisme de droite n’a pas reconnu comme légitime le résultat de l’élection présidentielle et dans les deux cas ce sont des milliers de citoyens radicalisés qui se sont mobilisés pour tenter d’entraver le retour de la gauche au pouvoir. Jair Bolsonaro, qui n’a jamais caché son admiration pour Donald Trump, a été souvent décrit par les médias comme sa version sud-américaine.

La colère du camp conservateur brésilien ne s’explique pas seulement par le résultat de l’élection présidentielle qui a placé le gauchiste Lula en tête avec une très courte majorité de 50,8 % des voix. À plusieurs reprises, Jair Bolsonaro a exprimé ses doutes sur la sincérité du scrutin, sans toutefois en refuser le résultat, contrairement à Donald Trump. Plus encore, ce sont les institutions judiciaires, en particulier la Cour suprême fédérale, qui ont été accusées de vouloir confisquer le débat public au profit du camp d’un Lula « blanchi » de ses accusations de corruption pour des raisons de procédure.

 

Des institutions judiciaires au cœur de la polémique

Le président de la cour électorale supérieure brésilienne, le juriste Alexandre de Moraes, est une figure controversée à droite, qui n’a jamais caché son aversion pour la liberté d’expression au nom de la lutte contre la désinformation. Comme le rappelait le New York Times en septembre, l’autoritarisme de Moraes dans le domaine est patent :

« M. Moraes a emprisonné cinq personnes sans procès pour avoir publié sur les médias sociaux des messages qui, selon lui, portaient atteinte aux institutions brésiliennes. Il a également ordonné aux réseaux sociaux de supprimer des milliers de messages et de vidéos, avec peu de possibilités d’appel. Cette année, dix des onze juges de la Cour ont condamné un membre du Congrès à près de neuf ans de prison pour avoir proféré ce qu’ils considèrent comme des menaces à leur encontre lors d’une émission en direct. »

Partout en Occident, la polarisation culturelle et morale qui travaille toute la société brésilienne se traduit par deux camps unis par le même mépris des formes de la démocratie représentative. D’un côté, le populisme d’extrême droite alimente la défiance jusqu’à la violence physique à l’endroit des institutions, refusant le principe même de l’alternance politique, de l’autre, en cherchant à capter les institutions à leur profit exclusif, les progressistes ne font qu’entretenir la frustration populaire qui alimente l’esprit de sédition.

Il faut rappeler à la droite populiste que le trumpisme révolutionnaire n’a pas marché et qu’il a érodé l’image de la démocratie libérale partout dans le monde. Loin d’avoir résolu la crise institutionnelle américaine, l’assaut des partisans de Donald Trump il y a deux ans a conduit à une mobilisation accrue du camp démocrate autour de Joe Biden et de son administration, auréolée du titre de “sauveur des institutions”. Le même mécanisme politique risque fort de bénéficier au président socialiste Lula, discréditant la politique timidement libérale de son concurrent pour des décennies.

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  • “Il faut rappeler à la droite populiste que le trumpisme révolutionnaire n’a pas marché, et qu’il a érodé l’image de la démocratie libérale partout dans le monde.” Absolument. Et toutes les tyrannies ont chaleureusement applaudi l’événement.

    -1
  • Pas de midi à 14h00. Ou de culture de l’excuse. Les seuls fautifs sont les envahisseurs.
    Les partisans de Bolso ont montré leur visage. Il n’a rien de libéral.

  • “Le populisme de droite n’a pas reconnu comme légitime le résultat de l’élection présidentielle.”

    Logique de manquer de légitimité quand on parle d’un leader socialiste dont la condamnation a été cassée par une cour suprême dont les membres ont été nommés à 80% par son parti et n’a pas eu 51% des voix…
    Il a remporté formellement l’élection présidentielle mais question légitimité, c’est pas ça.

  • Dans le cas des Américains et des Brésiliens qui investissent leur parlement parce qu’ils ne sont pas d’accord avec des élections, on va parler de fascistes, ils le sont peut-être mais aucun signe visible ou discours ne le montre. Si ce sont des Ukrainiens qui font pareil en 2014 parce qu’ils ne sont pas non plus d’accord avec leur gouvernement, on va parler de légitime et admirable aspiration du peuple vers la démocratie, alors que ceux qui encadrent et sont moteur dans le soulèvement affichent sans ambiguïté leur inspiration nazillonne, par leurs insignes, leurs uniformes, leur idéologie et leur discours…
    Amusant, non ?

  • “l’ancien président a fermement condamné l’intrusion des manifestants dans les bâtiments officiels” – six heures après, quand la police avait repris le contrôle.

  • Bonjour.
    Et nous avons toque noire et culotte noire les populistes d’extrême droite et tout de blanc vêtu les progressistes… ou comment désigner les gentils et les méchants.
    Article un peu simpliste qui trahit la méconnaissance du Brésil et des Brésiliens par son auteur.
    C’est ma corruption institutionnalisée et la violence non combattue par le PT qui avait porté Jair Bolsonaro au pouvoir.
    Corrupção qui as permis à Lula d’échapper à la prison donc colère du peuple brésilien qui ne veut pas revivre cette période.

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