Pourquoi les banques centrales choisiront la récession plutôt que l’inflation

Les banques centrales ne peuvent accepter une inflation soutenue, car cela signifie qu’elles auraient échoué dans leur mandat.

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Pourquoi les banques centrales choisiront la récession plutôt que l’inflation

Publié le 23 décembre 2022
- A +

Par Daniel Lacalle.

 

Si de nombreux acteurs du marché s’inquiètent des hausses de taux, ils semblent ignorer le risque le plus important : la possibilité d’une fuite massive de liquidités en 2023.

Bien que le mois de décembre soit arrivé, les bilans des banques centrales ont à peine, voire pas du tout, diminué. Plutôt que des ventes réelles, une monnaie plus faible et le prix des obligations accumulées expliquent la majorité de la baisse des bilans des grandes banques centrales.

Dans le contexte de déficits publics qui ne diminuent guère et, dans certains cas, augmentent, les investisseurs doivent prendre en compte le danger d’une réduction significative des bilans des banques centrales. Tant le resserrement quantitatif des banques centrales que le refinancement des déficits publics, bien qu’à des coûts plus élevés, draineront les liquidités des marchés. Cela entraîne inévitablement une contraction du spectre global des liquidités bien plus importante que le montant global.

Les sorties de liquidités ont un effet de division de la même manière que les injections de liquidités ont un effet multiplicateur évident dans le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Le bilan d’une banque centrale augmenté d’une unité monétaire à l’actif se multiplie au moins cinq fois dans le mécanisme de transmission. Faites les calculs maintenant en sortant, mais n’oubliez pas que les dépenses publiques seront financées.

Notre tendance est de considérer la liquidité comme acquise. En raison de la mentalité FOMO (fear of missing out), les investisseurs ont augmenté leur risque et ajouté des actifs non liquides au fil des années d’expansion monétaire. En période d’excès monétaire, l’expansion multiple et la hausse des valorisations sont la norme.

Puisque nous pouvions toujours compter sur une augmentation des liquidités lorsque les prix des actifs se sont corrigés au cours des deux dernières décennies la meilleure ligne de conduite était d' »acheter le creux » et de doubler la mise. En effet, les banques centrales continueraient d’accroître leurs bilans et d’ajouter des liquidités, ce qui nous épargnerait pratiquement toute mauvaise décision d’investissement, et l’inflation resterait faible.

Vingt ans d’un pari dangereux : l’expansion monétaire sans inflation.

Comment gérer une situation où les banques centrales doivent réduire leurs bilans d’au moins 5000 milliards de dollars ?

Ne croyez pas que j’exagère ; la bulle de 20 000 milliards de dollars générée depuis 2008 ne peut être résolue avec 5000 milliards de dollars. Un resserrement de 5000 milliards de dollars américains est léger, voire même dovish. Pour revenir aux niveaux d’avant 2020, la Fed devrait diminuer son bilan d’autant à elle seule.

N’oubliez pas que les banques centrales des économies développées doivent resserrer leur politique monétaire de 5000 milliards de dollars, ce qui s’ajoute à plus de 2500 milliards de dollars de financement du déficit public dans ces mêmes pays.

Les effets de la contraction sont difficiles à prévoir car depuis au moins deux générations, les traders n’ont connu que des politiques expansionnistes, mais ils sont sans aucun doute désagréables. La liquidité s’amenuise déjà dans les secteurs les plus risqués de l’économie, du haut rendement aux crypto-actifs. En 2023, lorsque le resserrement commencera vraiment, elle aura probablement atteint les actifs supposés plus sûrs.

Dans une récente interview, le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, a déclaré que la BCE commencera à réduire son bilan en 2023 et il a ajouté qu’une récession pourrait être insuffisante pour ramener l’inflation sur l’objectif. Cela suggère que l’outil antifragmentation actuellement utilisé pour masquer le risque des obligations de la périphérie pourrait commencer à perdre son impact placebo sur les actifs souverains. En outre, le coût des fonds propres et le coût moyen pondéré du capital augmentent dès que les spreads des obligations souveraines commencent à augmenter.

Le capital ne peut être que fabriqué ou détruit ; il ne reste jamais constant. Et si les banques centrales veulent lutter efficacement contre l’inflation, la destruction du capital est inévitable.

L’affirmation haussière la plus répandue est que, parce que les banques centrales n’oseront pas laisser le marché s’effondrer car elle ont tiré les leçons de 2008. Bien que cette analyse soit correcte, elle ne suffit pas à justifier les multiples du marché. Le fait que les gouvernements continuent à se financer, ce qu’ils feront, est finalement ce qui compte pour les banques centrales. L’effet d’éviction des dépenses publiques sur l’accès au crédit du secteur privé n’a jamais été une préoccupation majeure pour une banque centrale. N’oubliez pas que je n’estime qu’un débouclage de 5000 milliards de dollars, ce qui est assez généreux compte tenu de l’excédent produit entre 2008 et 2021 et de l’ampleur de l’augmentation du bilan en 2020-21.

Les banques centrales sont également conscientes du pire scénario, à savoir une inflation élevée et une récession qui pourraient avoir un impact prolongé sur les citoyens, avec un mécontentement croissant et un appauvrissement généralisé. Elles savent qu’elles ne peuvent pas maintenir l’inflation à un niveau élevé uniquement pour satisfaire les attentes du marché en matière de hausse des valorisations. Les mêmes banques centrales qui affirment que l’effet de richesse se multiplie positivement sont conscientes des conséquences désastreuses de l’ignorance de l’inflation. Retour aux années 1970.

L’excuse énergétique dans les estimations de l’inflation va probablement s’évaporer et ce sera le test clé pour les banques centrales. L’excuse de la chaîne d’approvisionnement a disparu, l’excuse temporaire a été éculée et l’excuse de l’énergie a perdu une partie de sa crédibilité depuis juin.

La réalité peu attrayante de l’augmentation de l’inflation sous-jacente et super sous-jacente a été mise en évidence par la récente chute des matières premières.

Les banques centrales ne peuvent accepter une inflation soutenue car cela signifie qu’elles auraient échoué dans leur mandat. Peu de gens peuvent prévoir avec précision comment le resserrement quantitatif affectera les prix des actifs et la disponibilité du crédit, même s’il est nécessaire. Ce que nous savons c’est qu’avec une diminution minimale des bilans des banques centrales, le resserrement quantitatif devrait comprimer les multiples et les valorisations des actifs risqués plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Étant donné que la destruction du capital semble ne faire que commencer, l’effet de division est probablement plus important que prévu. Et l’économie réelle est toujours affectée par la destruction de capital.

Traduction Contrepoints.

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    The Real Franky Bee
    23 décembre 2022 at 10 h 33 min

    Il faut avoir en tête que la grande puissance rivale (i.e. la Chine) a déjà largement entamé son ajustement économique visant à résorber les déséquilibres problématique comme l’hyper-spéculation immobilière ou la bulle des actions technologiques. Cela passait par des politiques budgétaire et monétaire plus restrictives tout en veillant à ne pas laisser s’effondrer le système.

    Évidemment les médias occidentaux se sont jetés sur l’occasion pour se gosser de la mauvaise passe que traversait l’économie chinoise, avec par-dessus l’effet négatif des politiques zéro Covid de Pékin qui aggravait encore un peu plus la situation.

    Mais soyons lucides : à long terme c’est malheureusement l’administration Xi qui a raison, car cet ajustement va devoir se faire partout ailleurs.

    Et il me semble bien que certains banquiers centraux occidentaux aient fini par capituler devant cette évidence, à savoir qu’on ne peut pas bâtir le futur sur un système qui ne fonctionne qu’avec la planche à billets. Et l’explosion de l’inflation post-Covid aura peut-être servi de piqûre de rappel.

    En résumé, l’heure est au grand ajustement économique dans le monde. Si la Chine a déjà un coup d’avance, les États-Unis n’ont pas pour autant une position si mauvaise pour manœuvrer, avec un dollar qui reste fort, une moindre dépendance énergétique et des excédents de liquidités au sein des banques américaines. Par contre pour l’Europe c’est clairement une autre histoire, et la guerre en Ukraine risque bien de précipiter le continent dans une crise plus que dure (c’était le but de l’intervention russe, mais pas sûr que cela déplaise à Washington).

    L’Europe étant un patchwork hétérogène, certains pays ont bien plus à perdre que d’autres. Et pour moi, la France est dans une situation catastrophique car son économie est en réalité état de mort cérébrale, chaque micro-crisr nécessitant davantage de chèques de la part d’un État absolument inconscient. Mais bon, Bruno Le Maire est a priori le ministre « le plus populaire » du gouvernement !

    Au jeu des chaises musicales, il y a toujours un perdant. À vous de deviner lequel.

  • Une bonne récession et la France se retrouve sous la coupe du FMI. Notre gouvernement est aux abois. Soit il y a inflation et il est obligé d’augmenter le SMIC et les minima sociaux (obligatoire de part la loi) et n’en a pas les moyens, soit il y a récession et les impôts ne rentrent plus et il ne peut plus payer les intérêts de la dette (ce qui est déjà le cas quand on voit l’état de l’école, de l’hôpital, de l’armée, de l’électricité…).
    La France, un pays sous développé.

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