Crimes et châtiment : vers la destruction des cryptos ?

On a présenté les cryptos comme d’authentiques monnaies, comme refuge contre l’inflation et comme alternative aux monnaies classiques vouées à disparaître.

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Crimes et châtiment : vers la destruction des cryptos ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 novembre 2022
- A +

Les trois moteurs de la saga des cryptomonnaies auront été des escrocs lunaires — souvent programmeurs — des idiots utiles et bien sûr ceux sans lesquels rien de tout ceci n’aurait été possible : des millions de victimes.

 

Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ?

La cryptomonnaie est une unité produite par un algorithme informatique qui, par des contraintes mathématiques et techniques, ne les produit qu’en nombre limité. Cette unité purement informatique et technique est baptisée « monnaie » par celui qui l’a produite. En vertu de quoi cette unité, transmutée en « monnaie », est proposée à la vente contre des monnaies classiques. Donne-moi 10 dollars et je te remettrai une unité (coin, token) de ma précieuse « monnaie » crypto.

Quand on revient aux fondamentaux, on reste saisi par la simplicité du procédé. Après sa chute, Bernard Madoff n’a cessé de rappeler que les 80 milliards de son escroquerie reposaient sur un simple jeu d’écritures effectué par une seule assistante : prétendre avoir acheté le matin des actions qu’on revendait le soir ou le lendemain avec bénéfice. Sauf que rien n’avait été acheté et rien vendu non plus. Par son ampleur et sa durée, l’une des plus grandes escroqueries de tous les temps.

Comment expliquer que tant de gens aient investi des fortunes, parfois leur maison et l’avenir de leurs enfants, sur un simple jeu d’écriture informatique ? Parce qu’on leur a présenté les cryptos comme d’authentiques monnaies, comme refuge contre l’inflation et comme alternative aux monnaies classiques vouées à disparaître.

Rien de tout ceci n’était fondé.

 

Aucune crypto n’a jamais satisfait la fonction de monnaie réelle

Descendez dans la rue avec des bitcoins, vous n’achèterez ni pain, ni viande, ni maison. Les cryptos n’ont jamais rempli l’office le plus élémentaire d’une monnaie. Premier mirage.

Si les cryptos étaient un refuge contre l’inflation, elles auraient dû gagner en valeur quand l’inflation est arrivée. C’est le contraire qui s’est produit : l’ensemble du système crypto s’est affaissé à mesure que progressait l’inflation. Dans des proportions du reste nettement plus graves — de l’ordre de moins 70 % — que la plupart des autres catégories d’actifs.

Enfin, le dollar ne s’est jamais aussi bien porté tandis que les cryptos mordent la poussière. Aucune des promesses cryptos initiales n’a été tenue. Aucune.

Pire : c’est tout un écosystème financier crypto qui est venu se greffer aux cryptomonnaies, avec banques cryptos et places financières cryptos.

 

Le maillon faible, ce sont les banques

Le défi de toute banque est de conserver des assets en nombre suffisant pour satisfaire les retraits de ses clients. Ces assets peuvent être du cash, des biens, des placements, de préférence liquéfiables en cas de besoin. Or, les assets des banques cryptos sont massivement composés d’autres cryptos.

Cette interdépendance solidarise de fait l’ensemble des acteurs et banques de l’écosystème crypto. C’est le concept de linkage, consubstantiel à tout bank run systémique (on songe à The Panic of 1907, le bank run remarquablement décrit par Bruner et Carr dans leur ouvrage éponyme).

En vertu de ce qui précède, une baisse drastique de la crypto de référence, le bitcoin, entraîne mécaniquement une diminution substantielle de la valeur des assets des banques-cryptos et leur liquidité. Qu’une banque-crypto plus exposée que les autres — en juin dernier, TERRA, puis CELSIUS, aujourd’hui Alameda/FTX — soit confrontée à des demandes de conversion massive en dollars, elle devra suspendre ses opérations, aggravant la panique. Car les déposants d’une banque-crypto qui choit perdent tout (ou presque).

FTX et Alameda sont deux entreprises créées par le bien-nommé M. Bankman (-Fried), tout un destin. FTX et Alameda ont entretenu des relations incestueuses dès le début. FTX, bourse d’échanges, a créé le token (une cryptomonnaie) FTT. FTX et Alameda se sont partagé la majeure partie de l’offre totale du token FTT — on n’est jamais si bien servi que par soi-même — qui n’a pas vraiment été mise en circulation. En raison de la crédibilité dont bénéficiait M. Bankman et ses camarades, la valeur du FTT en dollar explosa bientôt. L’ascension fulgurante de la crypto FTT a entraîné une explosion de la valeur du bilan d’Alameda. Cette valeur élevée des positions de FTT au bilan a été utilisée par Alameda comme garantie pour solliciter des prêts.

Quand les fonds empruntés par Alameda étaient utilisés pour des investissements illiquides, FTT devenait par lui-même un point faible central d’Alameda. L’effondrement de TERRA et CELSIUS entraînait en juin dernier une première crise de liquidités pour Alameda, de nombreux créanciers ayant réclamé le remboursement de leurs prêts à Alameda. La majeure partie des fonds propres nets de l’activité d’Alameda était constituée du jeton de FTT, contrôlé de manière centralisée par FTX/Alameda.

Il paraît également acquis que M. Bankman a fait remonter les fonds de ses clients de FTX vers Alameda, pour s’y mieux servir lui-même. Enfin, dans les derniers jours précédant la faillite, il semble que M. Bankman se soit encore régalé du cash disponible, notamment sous la forme de prêts personnels — aux dépens bien sûr de ses clients et créanciers. Tout ceci sera établi par la justice américaine, le moment venu.

Du fait du linkage extrêmement étroit et serré des banques cryptos, la crise crypto actuelle n’est pas terminée. Soit un acteur majeur s’imposera pour ramener le calme — on ne voit pas d’autre option à l’heure actuelle que Binance — soit Binance choira à son tour et du pompeux et arrogant écosystème crypto dans son format actuel. Il ne restera bientôt plus que dettes et illusions perdues.

Le domino suivant pourrait être l’entreprise Tether, avec son stablecoin USDT. L’USDT est une cryptomonnaie rivée au dollar. Tether est censée n’avoir créé des USDT que dans la stricte mesure des paiements qui lui étaient faits en dollars. Sur le modèle un USDT = un dollar. De forts soupçons existent actuellement selon lesquels cette règle n’aurait pas été respectée. Dit autrement, Tether aurait créé des USDT sans contrepartie en dollar. Pour ensuite les convertir en assets eux-mêmes convertibles en dollars ; elle est pas belle, la vie, quand on imprime soi-même sa monnaie ? Par ailleurs, Alameda la précitée qui vient d’entrer en faillite était l’un des deux principaux interlocuteurs de Tether dans l’écosystème crypto.

Stablecoin : monnaie stable. Encore une double promesse — monnaie et stable — dont il n’est pas acquis que le mundus senescit de la crypto pourra la tenir.

 

Pour aller plus loin, cette vidéo

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  • Il me semblait que Contrepoints essayait de proposer des articles de qualité, ou en tous cas de faire mieux que les médias mainstream.
    La méconnaissance évidente du sujet de la Blockchain est terrifiante.
    Ne même pas évoquer la décentralisation, la conversion d’énergie en information (et donc en valeur), comparer le Bitcoin et un token tel que FTT, ne pas parler de la nécessité de posséder ses clés (not your keys not your crypto) montre à quel point cette analyse ne dépasse pas le niveau mainstream. Alors oui, il y a des escrocs partout, et pas seulement dans le monde de la Blockchain, mais non, ce monde est loin d’être terminé, c’est même probablement notre avenir.
    De plus cher auteur, si vous souhaitez faire du buzz avec un sujet tel que SBF, prenez soin de pousser votre analyse sur les intrications politiques avérées, les liens probables avec la crise de Luna etc…
    Voici un petit survol des pistes à explorer pour essayer de comprendre les implications et enjeux de cet événement :
    https://youtu.be/yH0Kp1a9qho

    • Merci Ourspolaire pour ta réaction critique. Je ne pronostique pas la destruction des cryptos; la question est ouverte et non rhétorique. L’avenir nous dira si les cryptos présentent une utilité (au sens pragmatique, non idéologique) qui n’est pas satisfaite par les monnaies classiques. Bonne journée. NB L’avenir de la technologie blockchain en tant que telle est un sujet bien plus large que les seules cryptos.

    • On est bien d’accord, sans jeter la pierre à l’auteur, je ne vois là qu’une présentation diluée et imparfaite de cette thématique.

  • Les cryptos verront vraiment le jour en tant qu’alternative quand (si) une révolution plus profonde du numérique s’opérait : Communautés Etatiques purement numériques : identité , assurances , passeports , banques , monnaie et … armée . Ceux qui pourront (pourraient) le faire sont les sociétés type GAFAM, certaines ont des budgets qui le permettent . Ils fourniraient ainsi une identité hors sol à leurs membres , qui se joueraient ainsi des frontières et du tangible , se serait (sera) des personnes totalement libres de bouger (ou pas)dans le monde , ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui : assu maladies etatiques , retraites étatiques etc, nous vivons encore le servage . Cela changerait entièrement la donne sur l’immigration. Cela fait 20 ans que j’attends. C’est long .
    Ce que nous avons vu aujourd’hui avec les cryptos était une beta , c’était interessant . Le problème étant que ceux qui y sont allés à la fin sont les jeunes ou moins jeunes gogos qui y ont vu une martingale magique . Perso je ne specule pas sur les monnaies , qu’elles soient fiat ou pas et les financiers m ont toujours dit qu’y aller était affaire de spécialistes . Alors j’ai sans doute perdu des occases mais je me console en me disant que l’argent c’est avant tout un stock de travail , alors gagner quand on joue, ce n’est jamais tres glorieux .

  • Je ne comprends pas cet article à charge sur les cryptos.
    D’un côté, un escroc (Bankman), impliquerait que toute l’industrie crypto soit une escroquerie,
    de l’autre côté, un autre escroc (Madoff) n’aurait aucune conséquence sur l’industrie financière classique?

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