K-Pop : l’enrôlement de BTS par la Corée du Sud est une violation des droits de l’Homme

Il peut sembler hyperbolique de qualifier le service militaire obligatoire d’acte d’asservissement, mais c’est exactement ce qu’il est.

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K-Pop : l’enrôlement de BTS par la Corée du Sud est une violation des droits de l’Homme

Publié le 12 novembre 2022
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Le groupe de K-pop sud-coréen BTS a récemment fait la Une des journaux après avoir annoncé qu’il allait faire une pause afin de se conformer à la loi de son pays sur la conscription. Cette décision intervient après des années de débat sur la question de savoir s’il devait bénéficier d’une exemption légale compte tenu de son prestige international.

Big Hit Music – la société de gestion du groupe – a déclaré dans un communiqué du 17 octobre :

« Les membres du groupe sont impatients de se réunir à nouveau en tant que groupe aux alentours de 2025 après leur engagement militaire. »

Cette annonce est intervenue dix jours après que Lee Ki Sik, commissaire sud-coréen de l’administration militaire, a déclaré aux législateurs qu’il serait « souhaitable » que les membres de BTS soient appelés sous les drapeaux, arguant qu’il serait injuste de leur accorder une exemption alors que d’autres n’ont pas le choix.

« Selon la loi sud-coréenne, tous les hommes valides sont tenus d’effectuer un service militaire de 18 à 21 mois », explique l’Associated Press. Il y a bien eu quelques exemptions par le passé mais elles étaient surtout réservées aux athlètes de haut niveau, aux musiciens classiques et aux danseurs.

L’Associated Press poursuit :

« Sans une révision de la loi, le gouvernement peut prendre des mesures pour accorder des exemptions spéciales. Mais les exemptions passées pour les personnes ayant obtenu de bons résultats dans des compétitions non désignées ont déclenché un sérieux débat sur l’équité du système. »

En 2020, la Corée du Sud a révisé sa loi sur le service militaire afin que les BTS puissent repousser leur service militaire jusqu’à l’âge de 30 ans. Mais leur membre le plus âgé aura 30 ans en décembre et d’autres approchent également de cet âge. Retarder l’enrôlement n’est donc plus une option.

 

Une décision débilitante

Bien que les États aient souvent pris de mauvaises décisions au cours de l’histoire, certaines d’entre elles ont été particulièrement ruineuses ; la décision d’enrôler les membres de BTS en fait partie.

En contraignant le groupe à se séparer pour une saison, le gouvernement sud-coréen ne prive pas seulement ces jeunes hommes de leur liberté. Il prive également des millions de fans de leur musique et par extension il paralyse une partie importante de l’économie sud-coréenne.

Comme l’a récemment rapporté Business Insider, le pays risque de perdre des milliards de dollars en tourisme, en marchandises et en cosmétiques à cause de cette décision.

Selon l’Associated Press :

« BTS contribue à l’économie de la Corée du Sud à hauteur de plus de 3,6 milliards de dollars chaque année. En 2017, un touriste sur 13 venu en Corée du Sud l’a fait grâce à BTS, et en 2018, 7 % des visiteurs étrangers, soit environ 800 000 touristes, sont venus grâce au groupe. »

Bien sûr, il est impossible de dire exactement quel niveau d’activité économique le groupe aurait généré dans les années à venir s’il avait bénéficié d’une exemption, mais on peut parier qu’il se situe quelque part entre beaucoup et énormément.

En bref, le gouvernement sud-coréen se tire une balle dans le pied en agissant de la sorte. Bien sûr, on peut argumenter sur l’aspect équitable mais il arrive un moment où les considérations économiques doivent être prioritaires.

 

L’éléphant dans la pièce

Cela dit, un point plus fondamental devrait primer sur les considérations d’équité et d’économie : c’est celui des droits de l’Homme.

Pour dire les choses crûment, la conscription n’est pas simplement cruelle, irrespectueuse ou économiquement nuisible. Elle est un acte d’asservissement. C’est placer quelqu’un dans une position de servitude involontaire. De tels programmes n’ont pas leur place dans une société libre.

L’un des aspects positifs de l’histoire du groupe BTS est qu’il met en lumière l’omniprésence du service militaire obligatoire dans le monde. Actuellement, le service militaire d’une durée de 1 à 3 ans est obligatoire dans 49 pays et de nombreux autres pays (comme les États-Unis) ont des systèmes de service sélectif qui leur permettent d’obliger les civils à servir dans l’armée nationale s’ils le jugent nécessaire.

Il est profondément troublant que les membres de BTS soient contraints de s’éloigner de leur musique pour travailler dans l’armée de leur pays. Mais n’oublions pas les millions de conscrits qui n’ont jamais eu l’espoir d’obtenir une exemption. Ils ne créent peut-être pas autant de valeur économique que BTS, mais leur liberté est tout aussi importante.

 

La conscription est-elle vraiment équivalente à l’esclavage ?

Certains diront qu’il n’est pas vraiment juste de comparer la conscription à l’esclavage. Après tout, le système est institué par un État et non par un acteur privé.

Il existe également d’autres différences. Alors que le but de l’esclavage est simplement le profit du propriétaire des esclaves, le but de la conscription est de défendre la nation, un objectif qui profite clairement aux conscrits eux-mêmes. Les moyens sont également quelque peu différents. Dans le cas de l’esclavage, vous êtes généralement soumis à vie à un maître alors que la conscription ne vous contraint que pour quelques années. De plus, l’État a souvent au moins une certaine responsabilité envers les personnes conscrites alors que les esclaves n’ont pratiquement aucun droit de regard sur le système dans lequel ils vivent.

Ces différences sont significatives et méritent d’être reconnues. Mais la question demeure : suis-je moins esclave parce que je bénéficie des actions de mon maître ou parce que je ne le suis que pour quelques années, ou parce que je suis autorisé à exprimer mon opinion sur le programme par un vote ?

Dans For a New Liberty, l’économiste et philosophe politique Murray Rothbard affirme que ces différences ne changent pas l’essence de l’institution. Faisant référence au contexte américain, Rothbard écrit :

« Il ne peut y avoir de cas plus flagrant de servitude involontaire que l’ensemble de notre système de conscription. Chaque jeune est obligé de s’inscrire au système de service sélectif lorsqu’il a dix-huit ans. Il est obligé de porter sa carte de conscription sur lui en permanence et au moment où l’État fédéral le juge bon, il est saisi par les autorités et enrôlé dans les forces armées. Là, son corps et sa volonté ne lui appartiennent plus, il est soumis aux diktats du gouvernement et peut être forcé à tuer et à mettre sa propre vie en danger si les autorités le décident. Qu’est-ce que la servitude involontaire si ce n’est le service militaire ? »

Le passage primordial ici est celui où Rothbard écrit « son corps et sa volonté ne lui appartiennent plus ». Le concept énoncé par Rothbard est connu sous le terme de propriété de soi : lorsque vous êtes libre, votre corps est votre propriété, vous vous possédez vous-même.

Ce concept est peut-être peu familier à certains mais il est essentiel pour comprendre ce que signifie la vraie liberté. Si vous êtes un esclave, vous êtes littéralement la propriété de quelqu’un d’autre, ce qui signifie que cette personne peut décider ce que vous faites de votre corps. Mais si vous êtes propriétaire de vous-même, vous êtes libre, car c’est vous le maître de votre corps.

Le droit à la propriété de soi affirme le droit absolu de chaque Homme, en vertu de son statut d’être humain, de « posséder son propre corps », explique Rothbard, « c’est-à-dire de contrôler ce corps sans interférence coercitive ».

Les implications de cette affirmation sont stupéfiantes. Cela signifie que lorsque les États agissent comme s’ils avaient le droit de contrôler nos corps, ils revendiquent de facto la propriété… sur nous ! Et cela ne s’applique pas seulement à la conscription. Chaque fois que l’État prend une décision concernant votre corps – qu’il s’agisse de vous obliger à vous présenter à votre devoir de juré ou de vous interdire d’utiliser certains produits pharmaceutiques – il agit comme le propriétaire d’esclaves. Il usurpe la souveraineté de celui à qui il appartient de droit : l’individu.

La protection des droits de l’Homme doit donc impliquer une protection non seulement contre les acteurs privés mais aussi contre les États. La véritable liberté – la véritable propriété de soi – n’existera jamais tant que les États ne renonceront pas à leurs prétentions sur nos corps.

À la lumière de ce qui précède, la solution appropriée à l’affaire BTS est claire comme de l’eau de roche. La Corée du Sud ne devrait pas se contenter d’accorder une exemption au groupe, elle devrait supprimer complètement le service militaire obligatoire. C’est la seule façon de faire respecter l’équité, de préserver l’économie sud-coréenne et de protéger le droit des individus à utiliser leur corps comme ils l’entendent.

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  • Pour assurer la défense, il faut que des personnes fassent le travail. C’est un domaine régalien, et donc la plupart des libéraux s’accorderont que ce travail doit être fait.
    Le choix fait par de nombreux gouvernements pour réaliser ce travail est la conscription. C’est l’équivalent moyen âgeux de la corvée pour payer les taxes. Ou dit autrement, de faire appel au travail forcé de tous plutôt qu’au travail salarié car plus égalitaire.
    Si ce travail doit être fait, il devrait être fait en utilisant la méthode la moins coercitive de toute, celle laissant le plus de liberté de choix. Or on connait une telle méthode: le prix. Il suffit de payer les soldats, et les autres payent des taxes.
    Mais comme dit l’article, il y a un autre objectif de la conscription: le contrôle des corps. C’est contre cela qu’il faut lutter, et il faut bien distinguer cet objectif de celui de la défense nationale.

  • L’esclavage, voilà un mot qui s’applique plutôt bien à la France !
    – Par le racket de sa population tondue par près de 50% de la valeur de son travail, la France est certainement esclavagiste pour ses citoyens.
    – Par son RSA et autre subventions à ne pas travailler aussi : comment appelle-t-on celui qui ne fait rien et qui reçoit de l’argent du travail des autres (des immigrés par exemples qui occupent un job qu’il pourrait faire)? Ça s’appelle un esclavagiste et l’État encourage cela très fortement en faisant venir des esclaves africains pour occuper les Jobs que les RSAistes ne veulent pas faire.
    Quant à la conscription, lorsqu’elle existait en France, les « fils de » allaient passer leur service militaire dans les ambassades. En France, c’est comme en Russie on n’est pas prêt de voir un « fils de » aller au front en cas de guerre. Il ira à l’État major. Ce n’est pas un hasard si en 1939, il y a eu la débâcle face à l’armée allemande. Alors que l’armée française était considérée comme la 1iere armée d’Europe.

  • Le service militaire, quand il existait en France, était loin d’être un camp de vacances, mais encore plus loin de l’esclavage. Après tout, c’était aussi une manière de repayer les dépenses que l’Etat avait consenti pour le jeune avant son entrée dans la vie active. Pour la défense du pays, il est clair qu’il ne faut pas regretter, en France, sa disparition. Pour la formation des jeunes, c’est beaucoup moins évident.
    Et en ce qui concerne la Corée du Sud, on pourrait sans doute dire la même chose : les jeunes ont l’air d’avoir bien besoin d’un coup de mixer social et de rappel aux réalités terre à terre. Pour leur défense du pays contre leur voisin du Nord, je ne me hasarderais pas à donner depuis la France des conseils. Pas plus qu’aux Ukrainiens, tout aussi « esclaves » si je comprends bien, mais eux dans un cadre parfaitement recommandable aux yeux des donneurs de leçons…

    • « repayer les dépenses que l’Etat avait consenti »
      Ce n’est pas l’Etat qui paye, mais les contribuables. « Repayer » dites-vous… c’est bien ça : payer et EN PLUS être asservi : donc une double peine.

      « Pour la formation des jeunes, c’est beaucoup moins évident. »
      L’asservissement n’est pas de la formation.

      • OK, pour repayer les dépenses que les contribuables avaient consenti. Asservissement, oui, ça peut vouloir dire « dette », toute dette est un asservissement. De là à s’indigner, il y a un pas que moi je ne franchirai pas. Ce sont les modalités qui peuvent transformer le paiement, en nature et en cash, en peine, mais ça n’en est pas le principe. Je ne sais pas quelle formation vous avez suivie, mais le service militaire a fait partie de la mienne, et ni moi ni aucun de mes camarades n’a considéré ça comme un asservissement. C’était un éveil à la réalité du monde. L’occasion d’apprendre que dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu’on veut et qu’on subit des contraintes : chaque chose a un prix, mais par des efforts justement dirigés, on parvient à s’en tirer.
        J’irai même plus loin. La génération des politiciens passés en France par le service militaire est en train de disparaître. Eh bien, je n’ai pas vu la moindre amélioration chez ceux qui arrivent, auxquels cet « asservissement » a été épargné !

    • « repayer les dépenses que l’Etat avait consenti ». Est ce que les jeunes ont consenti? Est ce que celui qui a fait de longues études doit faire un service plus long? Et l’analphabète pas de service donc?
      Voyons, soyons sérieux. En pratique, les conscrits sont ceux ayant fait le moins d’étude. Ce n’est pas un juste retour des choses, mais au contraire un asservissement supplémentaire sur les moins intelligents/favorisés. Il n’y a aucune justice là dedans. C’est juste que l’état veux toujours profiter des plus faibles car c’est plus facile. Pourquoi les payer, si on peut les y obliger?
      Enfin la question de l’esclavage. Ce n’est pas de l’esclavage? Pensons aux esclaves de Mauritanie, qui, après des siècles d’acculturation ne comprennent même pas qu’ils sont esclaves.

  • C’est le 1 Avril? Non parce que là, c’est un gag.
    Cette article ignore soigneusement la question du pourquoi du service militaire. Est-ce pour emmerder le monde? Dans le cas de la Corée du Sud, j’ai un petit doute quand même. Ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils ont un état voyou à leur frontières? Ne serait-ce pas plutôt que la Corée du Nord peut lâcher un million d’hommes sur la Corée du Sud avec potentiellement le support de la Chine derrière?
    Seoul, la capitale de la Corée du Sud, est à 40 km de la DMZ et donc à porté de centaines de pièces d’artilleries de la Corée du Nord. Ce service militaire que l’auteur semble comparer à de l’esclavage est une nécessité vitale qui permet de disposer d’une réserve abondante et entraînée (oui, 18 à 21 mois est plus que suffisant pour avoir une formation solide). Je suis sûr que les coréens du sud n’échangeraient pas cet esclavage là contre celui qui ne manquera pas de la frapper si ils sont conquis par la Corée du Nord.

  • Bien que je ne me voyais pas le faire à l’époque – j’étais parmi les derniers appelés et pensais passer au travers- je considère aujourd’hui que le service militaire est un devoir de citoyen car un citoyen a le devoir de protéger le lieu où se trouvent ses Droits, donc son pays et ceux qui le composent soit la Nation.
    De plus, je considère aussi que quiconque n’a pas fait son service national ne devrait pas avoir de droit de vote ni de se présenter à une quelconque élection que ce soit pour être adjoint de mairie ou même Président de la République et que ceux qui ne veulent pas défendre la Nation auront bien du mal à protéger leurs Droits ou ceux d’autrui. Le service devrait être volontaire, à partir de 18 ans et jusqu’à 35 ans mettons (ou plus ?).
    Lors de mes classes, fort courtes vu qu’elles n’ont duré que 4 semaines, j’ai appris à marcher au pas, à chanter un peu moins fort et moins faux, à nettoyer des toilettes utilisées par plusieurs dizaines de personnes. Pour ce qui est du volet « défendre la Nation/pays », j’ai pas vu grand chose : 20 cartouches de 9mm réelles tirées avec un PM MAT49, 2 ou 3 tactiques théoriques, des manœuvres en forêt sur 4 jours, et puis rien d’autre. Pas de C-à-C/self-défense/boxe quelconque, rien.
    Les Athéniens antiues étaient des hoplites ; les Suissese sont aussi et eux sont formés à la défense nationale de 18 à 35 ans tous les ans.

  • Je veux bien discuter de la conscription obligatoire. et ça suffit.. des tas de choses me choquent dans cet article..

  • Les commentaires sont fermés.

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