Le calcul du pouvoir d’achat par l’Insee a-t-il un sens ?

Les statistiques publiques occultent donc la dégringolade du niveau de vie des Français, sujet autrement plus important que la « montée des inégalités » toute relative dans notre pays.

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Le calcul du pouvoir d’achat par l’Insee a-t-il un sens ?

Publié le 26 mai 2022
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Le pouvoir d’achat, qui a été au cœur de la campagne présidentielle, est-il un indicateur statistique fiable ? Deux auteurs, l’un plutôt inspiré par Marx et l’autre par Bastiat, se rejoignent pour critiquer la manière dont l’Insee calcule le niveau de vie des Français. Dans son essai sur la Lutte des classes en France au XXIe siècle Emmanuel Todd reprend la critique adressée par l’économiste libéral Philippe Herlin au mode de calcul du pouvoir d’achat des Français formulé par le célèbre institut étatique1.

 

L’effet qualité

Le calcul du pouvoir d’achat se fait en fonction de l’inflation, ou indice des prix, et sur des critères produits par l’Insee lui-même. Todd écrit que Philippe Herlin évoque longuement « l’effet qualité » qui tend à minorer l’augmentation des prix :

Lorsque le prix d’un produit augmente, pour peu que ce produit présente quelques améliorations, la hausse est… effacée. Herlin prend l’exemple du nouvel iPad d’Apple [qui] coûte le même prix que l’ancien mais -attention- comme il est plus puissant, que le modèle précédent, l’Insee considère que vous en avez pour votre argent et inscrit dans sa base un prix en baisse, inférieur au prix affiché […] Sur le long terme, poursuit Herlin, « l’effet qualité donne des résultats aberrants » : ainsi « un ordinateur qui valait environ 6500 francs (1000 euros pour simplifier) en 1996 ne vaudrait plus aujourd’hui que 50 euros ! » Il est bien entendu impossible, dans la vie réelle, de se procurer un ordinateur neuf (et même d’occasion) à un prix pareil. »

Todd observe également que les savants calculs de l’Insee aboutissent à la non prise en compte du coût du logement dans son calcul d’indice des prix : « … dans son calcul de l’indice des prix, le coût des loyers vaut pour 6 % du budget total des ménages et le coût des remboursements bancaires (que l’immense majorité des gens est obligée de contracter pour s’acheter un logement) pour 0 % ! »

En d’autres termes, la part de revenu consacrée au logement n’existe pas au regard du pouvoir d’achat circonscrit par l’Insee. Or, rappelons ici que sur 20 ans, le prix de l’immobilier a explosé, augmentant de 153 % entre 1999 et 2018 selon l’indice des notaires… et de l’Insee. En 2018, les Français y consacraient 24,3 % de leur budget impactant directement leur capacité d’épargne.

 

Dégringolade réelle du pouvoir d’achat

Seulement, toujours selon l’Insee, acheter un bien immobilier relève du placement et non de la consommation courante. Même si un tiers du budget des ménages y est consacré, il n’apparaît donc pas dans le calcul du pouvoir d’achat. Toujours à la suite de Philippe Herlin, Emmanuel Todd en conclut que la suppression de l’effet qualité et l’ajout du coût du logement ferait gagner à l’inflation au moins 1 à 2 % par an, et donc ferait reculer substantiellement le pouvoir d’achat. Et ça, ça n’apparaît donc pas dans le fameux pouvoir d’achat.

Les statistiques publiques occultent donc la dégringolade du niveau de vie des Français, sujet autrement plus important que la « montée des inégalités » toute relative dans notre pays. Et ce sont ces statistiques économiques que nos édiles technocratiques fétichisent. Mais peut-on vraiment réformer le pays quand les indicateurs ne renvoient à aucune réalité ?

  1. Philippe Herlin, Pouvoir d’achat, Le grand mensonge, Paris, Eyrolles, 2018.
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  • « Seulement, toujours selon l’Insee, acheter un bien immobilier relève du placement et non de la consommation courante »
    Comme pour la réforme des retraites, le biais de la statistique, c’est de tout mettre dans le même sac et d’en sortir une moyenne. Un « placement » dans l’immobilier peut se révéler désastreux si le « marché » que l’on vise ( la location par exemple) s’effondre du fait de l’application de normes et obligations diverses au coût élevé. Selon la région, la valeur du bien peut progresser ou régresser selon les lois naturelles du marché ou artificielles de la politique du logement. Ce qui relève de la consommation, c’est que l’acquisition d’un bien immobilier se faisant souvent grâce à l’emprunt, les intérêts de cet emprunt sont bien un coût qui grève le pouvoir d’achat de l’emprunteur sans augmenter la valeur réelle du bien.

    • Et on n’aborde pas les frais de mutation, les frais d’agence, les frais d’emprunts et assurances emprunteur, puis les taxes foncières. Si on ajoute tout cela (pour un emprunt intégral), ces frais doivent représenter environ le loyer de ce même logement.
      Compter 6% pour le logement est une insulte aux français, mais comme peu le savent…

      • Exactement, mais comme le risque naturel lié à tout investissement comme l’immobilier se double ou se triple de l’instabilité fiscale permanente en France, bien inconscients sont ceux qui espèrent faire une bonne affaire dans ce domaine, comme dans n’importe quelle création d’entreprise en France, d’ailleurs!
        Quand, en 1996, j’ai décidé avec un ami associé de créer une société commerciale, j’ai souhaité l’installer sinon dans un paradis, fiscal, mais au moins hors de France et même d’Europe, tant les conditions me paraissaient déjà à l’époque incompatibles avec un développement fructueux de nos affaires. Mon associé ayant préféré une implantation en France, nous avons jeté l’éponge en 2016 après 20 années d’activité tant l’évolution de la situation en France devenait préjudiciable à nos affaires!
        La situation actuelle, fortement dégradée financièrement, n’augure rien de bon pour le pouvoir d’achat des français et devrait les inciter à prendre d’urgence des dispositions de sauvegarde de leur patrimoine (pour ceux qui ont malgré tout réussi à s’en constituer un) ou de leur activité professionnelle s’ils en ont encore une!!

  • Le concept même de « pouvoir d’achat » est un non sens car le panier de chacun est différent. Ce qui serait plus utile serait déterminer la variation de coûts d’un certain nombre de paniers (alimentation essentielle, logement, déplacement travail, loisirs, …) et le poids relatifs de chacun de ces paniers en fonction des revenus. A partir de là on pourrait tirer un certain nombre de pouvoirs d’achats pour examiner comment s’en tirent les différentes catégories de revenus. Par exemple, celui qui ne peut se payer que l’essentiel se moque éperdument de la variation de prix des loisirs

    • Un autre point intéressant est la qualité. Parfois, le produit pas cher disparait, il n’y a plus que le produit de qualité supérieure. Cela entraine une explosion du cout du produit, car l’augmentation de la qualité n’était pas voulue par l’acheteur (par certains acheteurs plus aisés il l’était). L’inflation sur le produit premier prix est alors augmentée.

  • Merci Monsieur Mas . On pourrait dire la même chose des chiffres du chômage . Que dire également du niveau scolaire qui avant PISA ne baissait pas …

  • Merci pour cet article , l’INSEE est bien une machine à statistiques souvent déconnectée des réalitées .
    De plus si les produits informatique baisse c’est grâce à une production de masse faite dans des pays à faible coût de main-d’oeuvre , et vous ne changer pas d’ordinateur tous les jours . Par contre vous subisser au quotidient la hausse de l’ernergie et pour l’immobilié des impôts fonciers .

    • @Zypos je crois que l’on peut dire carrément : une machine à propagande connectée aux intérêts de la kleptocratura qui nous cornaque .

      • L INSEE est un organisme publique qui produit des études de tres grande qualité avec beaucoup de professionnalisme.
        Le populisme ambiant s autorise des affirmations péremptoires sans aucun argument factuel.
        C est du pur café du commerce 😄😄😄

  • Le calcul du pouvoir d’achat de l’Insee est faussé … on le sait depuis longtemps. Pour autant, il n’existe aucun calcul valable pour évaluer au plus près le pouvoir dachat.
    Enfin, la notion de pouvoir d’achat est très relative car elle appartient aussi au « ressenti » : pourquoi s’acheter un Iphone hors de prix quand un Wiko 10 fois moins cher fait quasiment le même boulot ? surtout quand on voit l’usage que la majorité des gens en fait. Même chose pour ces ados qui se concurrencent entre eux à ne vouloir s’habiller qu’avec « des marques » : qui paient ? les parents incapables de dire non et qui ensuite vont se plaindre du « coût de la vie ». Voilà quelques exemples parmi tant d’autres : consommer pour consommer n’a jamais eu le moindre de sens, c’est pathologique de nos sociétés gaspilleuses et inconscientes.
    Mais pourquoi comparer le coût de la vie et la montée des inégalités ? Voilà bien un mélange des genres que l’auteur de l’article n’explique pas en se contentant de « balancer » son commentaire gratuit. Dommage.

  • Les commentaires sont fermés.

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