L’avenir du travail après la pandémie

Détravail, Grande Démission, exode urbain… Nombreux sont les citoyens qui remettent en question leur rapport au travail depuis le début de la crise sanitaire. Démotivation passagère ou changement durable des mentalités ?

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Travailleur by SFEPbancourt(CC BY-NC 2.0)

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L’avenir du travail après la pandémie

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 1 mars 2022
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Avec la révolution numérique, le monde du travail est entré dans une ère nouvelle à laquelle la pandémie a donné un brusque coup d’accélérateur. Depuis quelques années, ce qu’on appelle la valeur travail a du plomb dans l’aile. Elle est génératrice de frustrations, parfois de souffrance que, faute de pouvoir résoudre, on catalogue avec des mots, anglophones de préférence : burn out, bore out, brown out.

Le stress au travail

Certes, la crise sanitaire n’a pas arrangé les choses mais il semble que le phénomène soit davantage structurel que conjoncturel. Déjà il y a une douzaine d’années, diverses études françaises et étrangères estimaient que le coût du stress au travail représentait 2 à 5 points de PIB ; soit à l’époque entre 40 et 100 milliards d’euros.

Aux États-Unis, la vague de la Grande Démission (Great Resignation) déferle depuis le début de la crise sanitaire : quelque 48 millions d’Américains, excédés par leurs conditions de travail et leur salaire misérable, par une ambiance qu’ils jugent délétère, par une absence de reconnaissance ou des horaires trop prenants, ont claqué la porte de leur employeur pour trouver mieux, retournant ainsi le rapport de force à leur avantage.

En France, l’exode urbain qui frémissait ces dernières années s’intensifie depuis les confinements : les actifs n’ont plus envie de s’entasser dans les transports en commun, d’habiter des villes bondées, sales, polluées, anxiogènes, onéreuses, de passer leur vie dans un bureau à accomplir une tâche dont ils ne voient plus le sens. La technologie permet désormais à une partie d’entre eux de travailler à distance.

La réussite est-elle encore un but en soi ?

Pas pour tous. Des jeunes diplômés prônent même le détravail : bosser moins, quitte à gagner moins, mais avoir une meilleure qualité de vie. Plus question de sacrifier tout son temps aux heures sup. Depuis la pandémie, la consommation effrénée apparaît superfétatoire à certains, les priorités ont changé. C’est tout un paradigme qui ne convient – et ne convainc – plus.

La covid a aussi mis en lumière les injustices flagrantes du monde du travail, qui rémunère au lance-pierres des professions pénibles et indispensables, alors qu’il suffit aujourd’hui d’être influenceur pour gagner beaucoup plus d’argent à ne rien faire. Qui sera disposé demain à effectuer des tâches ingrates ? Pire : dans une société où le civisme est en perte de vitesse, où les institutions vacillent déjà, qui sera prêt à exercer un métier à risque, flic, gendarme, pompier, pour trois francs six sous ?

La pandémie va précipiter l’essor de l’automatisation. Les entreprises s’empresseront, quand elles le pourront, de remplacer leur main-d’œuvre par des robots qui ne tombent jamais malades, n’ont pas besoin de congés et ne réclament jamais d’augmentations de salaire. Des dizaines de millions d’emplois seront ainsi voués à disparaître, à commencer par les moins qualifiés, dont la bonne vieille logique schumpetérienne nous assure qu’ils seront tous largement remplacés par l’émergence de nouvelles professions. Sauf que rien ne nous le garantit. Les destructions pourraient, cette fois, être bien plus rapides que les créations. Le regretté Stephen Hawkins prophétisait en 2016 que les classes moyennes seraient particulièrement pénalisées et qu’ainsi les inégalités se creuseraient. Quid des millions de chômeurs concernés ? Tous n’ont pas vocation à devenir informaticiens ou ingénieurs. Tous n’ont pas envie de rester scotchés à un écran d’ordinateur.

Une baisse du chômage s’appuyant sur des chiffres trompeurs

La baisse du chômage annoncée comme record s’appuie sur des chiffres trompeurs, ne comptabilisant pas les nombreux inscrits à Pôle Emploi qui sont en formation, en stage ou en arrêt maladie. Elle découle également de radiations elles aussi record (+ 44,9 % sur un an), des emplois aidés, contrats d’apprentissage et d’intérim. Même si les CDI sont en augmentation, environ deux tiers des embauches en 2021 ont été en CDD de moins d’un mois. Enfin, à défaut de trouver un poste, certains deviennent travailleurs indépendants : les microentreprises ont représenté les deux tiers du million d’entreprises créées l’an passé.

Doit-on redouter une précarisation du travail voire la fin du salariat ? Nous dirigeons nous vers une société où l’emploi se concentrera dans les secteurs de la haute technologie, du service à la personne, du divertissement et du fameux développement durable ? Qui aura le pouvoir d’achat suffisant pour consommer si le travail se raréfie ? L’immigration économique sera-t-elle encore pertinente dans une telle configuration ? Les citoyens préféreront-ils massivement abandonner la vie citadine au profit d’une existence campagnarde moins coûteuse et moins oppressante ? Comment maintenir la croissance si notre propension au consumérisme s’essouffle ?

Rares sont les politiciens qui abordent ces thèmes pourtant cruciaux. Et quand ils le font, ils se parent souvent d’une démagogie clientéliste. L’un abordera la robotisation et le revenu universel, un autre proposera des mesures intéressantes incitant à repeupler les villages désertés ou à maintenir les services publics, un troisième promettra des incitations fiscales à l’embauche, des hausses des salaires par des baisses de charges. Aucun ne s’aventure à une approche holistique du sujet : quel avenir sociétal, économique, humain, politique, pour le monde du travail ?

Au-delà de l’indéniable problème du pouvoir d’achat auquel sont confrontés les citoyens – et qui ne cesse de s’aggraver avec notamment l’explosion des prix de l’énergie – se profile le désir prédominant de renouer avec un cadre de vie moins sclérosant, ce dont les candidats à la présidentielle seraient bien avisés de tenir compte.

 

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  • Avatar
    jacques lemiere
    1 mars 2022 at 7 h 58 min

    le niveau des dépenses obligatoires… rend le travail particulièrement pénible…

    c’est aller faire ses courses accompagné d’un député qui choisit quoi mettre dans votre caddy à plus de 50% ..et qui vous engueule pour les 50% que vous choisissez.

  • Article bien pessimiste.. Le travail est par essence pénible (sauf rare exceptions). L’enfant roi est en effet surpris que le monde du travail est dur, mais il faut bien y passer, à moins de vivre au dépend des autres.

    • Avatar
      Eloise Lenesley
      1 mars 2022 at 11 h 04 min

      Pessimiste, non, il s’agit juste de s’interroger et d’ouvrir le débat.

      • Dans une société libérale, il y a toujours du travail, les besoins sont illimités, le marché répond aux besoins (ou pas) et les acteurs s’adaptent automatiquement, bien forcés. nécessité fait loi. Il n’y a pas à ouvrir un débat, juste à se retrousser les manches (bosser).
        Dans un état providence, c’est le gouvernement qui décide suivant l’intérêt de ses clientèles. L’état providence est foncièrement dysfonctionnel.
        Cordialement.

        • Avatar
          Eloise Lenesley
          1 mars 2022 at 12 h 31 min

          La réalité actuelle est moins manichéenne. Certains éprouvent justement moins le besoin de consommer, d’autres ne trouvent plus de sens à leur tâche ou ne supportent plus leurs conditions de travail. Ces phénomènes existent et ne peuvent être niés, ils méritent d’être débattus et anticipés.

          • @Eloïse « moins besoin de consommer » : ça se discute , je dirais consommer différemment . On voit ainsi ces vingt trentenaires hors travail ne plus acheter de vêtements, de voiture qd ils sont citadins, de logements , de meubles mais en revanche ils ont tous les derniers outils techno et voyagent dès qu’ils le peuvent , logeant en couchsurfing ou woofing , ce sont aussi de gros consommateurs de sport . « ne trouvent plus de sens à leur tâche » : oui c’est sûr , le RSA , les allocs et les parents subvenant à leurs besoins vitaux jusqu’à des âges avancés , ils n’ont plus idée que travail est corrélé à survie ,le long endoctrinement scolaire et sociétal leur ayant seriné que travail devait nécessairement rimer avec épanouissement .. plus dure sera la chute.

        • On verra si la population peut s’adapter à des emplois de plus en plus techniques. L’homme moyen ne devient pas plus intelligent et certains ont besoin d’emplois jugés peu qualifiés. Avec l’automatisation, ces emplois ne seront nécessairement pas disponibles.

      • Un débat qui concerne des gens bien nourris et bien chauffés. Souvent avec l’argent des autres via le fonctionnariat, les subventions, les contrats publics, les allocations, les « tarifs solidaires »…

  • Ce détravail je peux le constater chez beaucoup de personnes autour de la trentaine de mon entourage . Cela se manifeste par : abandon de carriérisme pour ceux fortement diplômés et employés , beaucoup de reconversions (trentenaires sur diplômés qui repartent faire des études ) , renonciation pure et simple au travail (cas d’un ingénieur) . Souvent ces personnes (que je peine à appeler « jeunes » , à leur âge je bossais depuis 7 ans et avais deux enfants ) n’ont pas de conjoint , et s’ils en ont un ne veulent pas d’enfant . Ils se projettent dans des valeurs que l’on leur a imprimées dans le cerveau : écologie, lgbtq , . Ils sont mûrs pour adopter toutes les idéologies que l’on voudra leur présenter .

  • Ce qui doit nous rassurer, la disparitions des emplois de fonctionnaires… Les autres, non, il n’y a même pas assez de travailleurs mais une fois libérés nos fonctionnaires pourront enfin s’éclater au travail come les autres.

  • L’avenir du travail c’est l’économie parallèle, puisque de plus en plus de gens se retrouvent ostracisés par la secte covidiste de Davos dont font partie tous les dirigeants les plus extrémistes du monde, qui n’hésitent pas à torturer des enfants pour rassurer leur électorat grabataire du cerveau.

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