Développer l’Afrique par les infrastructures

Le développement des infrastructures en Afrique est un bon signe mais certains problèmes doivent être réglés.

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Bangui - Centrafrique - Crédit photo : Africa Force via Flickr (CC BY 2.0

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Développer l’Afrique par les infrastructures

Publié le 10 février 2022
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L’Afrique rêve d’unité, bien qu’elle soit profondément divisée en plus de 50 pays complètement différents.

L’Union africaine, organisme qui cherche à jouer enfin un rôle important (on ne l’a pas entendue au Sahel ou ailleurs) rêve de lancer un grand plan continental d’infrastructures, et pour cela a confié sa présidence à Macky Sall, actuel président du Sénégal.

Le Sénégal est un pays singulier en Afrique. Il est un des rares à ne pas avoir connu d’épisodes violents, à se développer honorablement et à être resté largement démocratique, même si certains se plaignent d’une dérive un peu plus autoritaire.

Son président, Macky Sall, s’est fait remarquer par le développement des infrastructures sénégalaises.

Je lui souhaite un succès analogue pour l’ensemble du continent, mais à mon avis, les infrastructures ne suffiront pas à développer l’Afrique, car le plus important est ailleurs.

L’économie sénégalaise

À part une période dite socialiste à l’indépendance, qui a vu quelques nationalisations, aucune révolution n’a cassé le fonctionnement du pays.

La scolarisation a progressé honorablement, sans être encore complète (78 % de scolarisation nette dans le primaire, avec une concurrence des écoles coraniques au programme très limité).

Le secteur privé souvent catholique, est dynamique de la maternelle à l’enseignement supérieur.

La croissance du PIB de 2014 à 2019 a été de 6,15 % en moyenne annuelle (données de la Banque Mondiale) ce qui a mené à 1500 dollars par habitant début 2021, niveau exceptionnel en Afrique hors pays pétroliers.

Le Sénégal est ainsi une des trois économies les plus dynamiques du continent, avec la Côte d’Ivoire et le Kenya.

Le président Macky Sall a été élu en 2012, et avait déjà une longue carrière gouvernementale derrière lui. Il a été réélu en 2019.

 

Les infrastructures lancées par le président Macky Sall

Il s’agit d’abord de 1500 km de bonnes routes dont je peux témoigner, pour les avoir empruntées.

Il faut y ajouter l’aérodrome international Blaise Diagne, les travaux de modernisation et d’agrandissement du port de Dakar et de ses satellites.

Il y a également le TER de Dakar à Diamniadio, qui sera prolongé jusqu’à l’aéroport. Ce TER est un objet de fierté avec une vitesse de 160 km/h, il est plus rapide que le TGV du Nigéria et en deuxième position après celui du Maroc.

Trente chantiers importants étaient en cours le 31 décembre 2000, dont l’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack.

Le montage technique et financier de l’autoroute du Nord Dakar-Tivaouane-Saint-Louis, et du chemin de fer Dakar-Tambacounda sont également en cours.

Et 2500 km de routes sont prévus les trois prochaines années. L’ensemble de ces travaux devrait générer plus de 50 000 emplois.

Les infrastructures sénégalaises ne se limitent pas aux travaux publics puisque le pays devrait accueillir à l’institut Pasteur de Dakar une usine de fabrication de vaccins contre le Covid-19 mais aussi d’autres maladies pour fournir l’ensemble du continent africain.

Cela avec le soutien de « L’équipe Europe », entité comprenant notamment la commission européenne, l’Allemagne et France. Elle devrait entrer en production en fin d’année 2022.

L’Union africaine compte sur l’expérience de Macky Sall

L’Union africaine estime que le développement socio-économique du continent africain repose sur les infrastructures.

Effectivement, les récits d’entrepreneurs africains ou étrangers regorgent d’exemples delenteurs, voire d’impossibilité dans les transports : la production ne peut être évacuée et vendue, les approvisionnements n’arrivent que tardivement ou pas du tout.

Non seulement des infrastructures de qualité peuvent désenclaver de nombreux territoires, mais elles facilitent l’accès des populations aux services publics comme les hôpitaux et les écoles, et augmentent le niveau de vie concret avec l’électrification et d’autres équipements.

D’où la décision de l’Union africaine de réfléchir sur le développement des infrastructures à l’échelle du continent. Elle estime qu’elle pourrait faciliter leur financement en parlant aux bailleurs de fonds et aux partenaires internationaux au nom de l’ensemble du continent.

D’où l’idée d’en charger Macky Sall, fort de son expérience sénégalaise et nouveau président de l’Union. Il devra manœuvrer pour éviter la dépendance envers la Chine dans laquelle sont tombés d’autres pays africains, en veillant à diversifier les partenaires.

C’est un point clé illustré par un de mes souvenirs : j’ai emprunté une excellente route chinoise à Madagascar, allant de la capitale, Tananarive, au principal port, Tamatave.

Elle n’est pourtant pas appréciée par la population, chez qui la grogne monte contre les Chinois : « c’est pour envoyer chez eux NOS matières premières »… ce qui n’empêche pas la Chine d’être en bons termes avec les gouvernants malgaches et à être devenue le premier fournisseur de Madagascar, devant la France.

L’économie malgache étant en piteux état, cet exemple montre que si les infrastructures sont utiles, ce n’est pas la clé du développement.

 

Encore faut-il pouvoir utiliser ces infrastructures

En effet, ce qui est bon pour le Sénégal, peut-il être extrapolé à l’Union africaine ?

N’oublions pas que le Sénégal est un pays où règne l’ordre public, et où le programme d’infrastructure se déploie à l’intérieur de ses frontières (à part l’enjambement de la Gambie qui ne pose pas de problème, cette dernière bénéficiant aussi des travaux).

Carte Sénégal - Gambie
Carte Sénégal – Gambie (source Wikipedia)

Par contre, dans l’Union africaine, le passage des frontières terrestres ou maritimes est coûteux, directement par les droits de douane et indirectement par la corruption. Et c’est ensuite une source de lenteur pour des raisons bureaucratiques et, toujours, de corruption. Et du douanier de base au président, on les imagine mal renoncer à ces pratiques.

Par ailleurs, à l’échelle du continent, il n’y a pas, comme au Sénégal, d’autorité suprême pouvant imposer tel tracé ou telle localisation.

Il est donc à craindre que des rivalités entre États, ou à l’intérieur des plus importants, ne ralentissent considérablement les décisions.

On vient de le voir en Éthiopie, où le différend entre les gouvernants et la province du Tigré a conduit à une guerre civile féroce.

Enfin, les infrastructures sont-elles vraiment le goulot d’étranglement du développement africain ?

Certes leur progrès serait bien sûr très important, vu l’état actuel de beaucoup d’entre elles, mais le développement du continent passe d’abord par d’autres conditions.

 

Les conditions du développement africain

Rappelons les, par ordre d’importance.

L’ordre public

Ce dernier n’est pas respecté de la corne de l’Afrique au Sahel en passant par le Soudan, le Sud Soudan, le Zimbabwe, le Mozambique et surtout les trois géants que sont l’Éthiopie, le Nigéria et la République Démocratique du Congo.

Dans ces pays, les lenteurs et le coût de transport s’expliquent aussi par l’insécurité et les rackets des différentes armées publiques ou privées, voire de la police.

Une voie ferrée ou une autoroute n’en mettront pas les voyageurs et les marchandises à l’abri !

La scolarisation

La scolarisation est pour l’instant incomplète et défectueuse, heureusement doublée d’un important enseignement privé.

Ce dernier est moins dépendant de l’avarice et de lourdeur de l’État et plus souple quant au choix des formations pratiques nécessaires au développement : informatique, gestion, secrétariat…

Cela a bien démarré spontanément dans certains pays, comme le Maroc.

Mais l’obstacle reste la non généralisation et la mauvaise qualité de l’enseignement public dans la plupart des pays.

L’ouverture économique et intellectuelle à l’étranger

Les nombreux pays dont le niveau de vie était inférieur ou égal à celui de l’Afrique, l’ont maintenant largement dépassée.

Leur démarrage s’appuyait sur l’étranger, non seulement grâce à l’argent des investisseurs, mais aussi et peut-être surtout, grâce à la formation à leurs techniques et leur organisation.

C’est ce qui s’est produit non seulement dans des pays assez libéraux comme le Japon et la Corée du Sud, mais aussi en Chine où le pouvoir a longtemps veillé à être très attractif pour le secteur privé national et étranger.

Et bien entendu cet accueil des investisseurs étrangers dépend largement des deux points prioritaires ci-dessus :

Sans ordre public les investisseurs étrangers ne viennent pas, et si la population n’est pas scolarisée, une partie de leurs métiers ne peuvent pas s’implanter

Les infrastructures

Les infrastructures ne viennent donc qu’en quatrième position.

Il est clair que l’Union africaine ne peut pas grand-chose pour l’ordre public, sauf à essayer d’arbitrer certains conflits entre États. Mais ces derniers cas sont exceptionnels, car il s’agit en général de guerres civiles.

Quant à la scolarisation et l’ouverture économique et intellectuelle sur l’étranger, il est probable qu’elles resteront de la stricte compétence des États dans un avenir prévisible.

Restent donc les infrastructures, d’où la mission confiée à Macky Sall.

Chacun lui souhaite le succès dans ce domaine. Il y aura certainement de grands progrès locaux, mais il ne faudra pas en attendre de miracle pour l’ensemble de l’Afrique tant que les trois premiers problèmes, et surtout le premier, ne seront pas réglés !

Sur le Web

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  • Je suppose que des infrastructures performantes peuvent quand même aider à résoudre le problème de l’insécurité et des rackets. Il me semble qu’en France, les bandits des grands chemins ont disparu lorsque les routes se sont améliorées.

    -1
  • S’il y a bien une chose qui leur a fait énormément de mal, ce sont toutes les aides, les interventions et les leçons que nous leur donnons.
    Leurs sociétés sont profondément tribales avec des enjeux séculaires entre peuples d’agriculteurs, éleveurs et nomades et aucun de nos modèles n’est extrapolable tel quel y compris la « démocratie ».
    Ils commenceront à trouver leurs propres solutions et un équilibre endogène le jour où on les laissera tranquilles, définitivement, y compris toutes les ONG qui font uniquement du bien a elles-mêmes.
    « Ils nous rejoindrons dans la marche du monde démocratique » c’était une idéologie des années 80, ça n’est pas arrivé et ça n’arrivera pas tant qu’on persistera avec un paternalisme et un « humanisme » néo-colonial.

  • Les commentaires sont fermés.

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