Macron : président en campagne ou candidat en fonction ?

La non candidature de Macron soulève un certain nombre de questions. Va-t-il faire sa campagne sur le dos des contribuables ?

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Macron : président en campagne ou candidat en fonction ?

Publié le 4 février 2022
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Il n’est jamais aisé pour un élu de se déclarer candidat à sa propre succession. Cette déclaration marque un moment de faiblesse : nous sortons de la posture de celui qui agit pour entrer dans celle de celui qui propose, et qui propose bien souvent ce qu’il n’a pu faire avant.

En un instant, nous passons du statut de chef à celui d’égal de ses compétiteurs.

Une situation d’autant plus gênante lorsqu’on est président de la République.

Comme nombre de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron en est lui-même témoin, car à l’état de grâce de début de mandat succède par symétrie un état de jugement. Sauf qu’à l’inverse de la première période, la déclaration de candidature est un acte voulu, contrôlé.

Un contrôle qu’Emmanuel Macron semble bien décidé à conserver le plus longtemps possible, y compris en faisant face aux accusations habituelles mais profondément légitimes de campagne sur le dos du contribuable.

Adoucir la transition

Emmanuel Macron est un homme d’envies. Quelques secondes après avoir avoué avoir « très envie » d’emmerder les non-vaccinés, le chef de l’État a expliqué avoir également « très envie » de se présenter à sa propre succession.

Pourtant, cette envie se fait attendre. S’il semble souhaiter profiter de l’effet de boost de sa stature présidentielle et craindre de perdre quelques points au moment où il quittera le statut de Jupiter, il se distingue de ses prédécesseurs par une volonté d’enjamber un scrutin qui consistera à juger le quinquennat passé. Le président de la République doit accepter d’être mis face à ses – quelques – réussites mais surtout face à ses échecs.

Il s’agit donc pour les équipes du président d’adoucir le passage entre la phase présidentielle et la phase électorale.

Ses déplacements, tous enrobant des annonces dignes d’un mandat en cours, montrent qu’il ne propose pas de nouveau projet, mais qu’il perpétue celui de 2017. En somme, tout à l’Élysée est fait pour donner l’illusion qu’Emmanuel Macron est titulaire d’un décennat et non d’un quinquennat.

Si mon esprit taquin me ferait le féliciter d’avoir enfin compris que le quinquennat est une erreur, cette stratégie s’accompagne d’un refus de participer aux débats de premier tour. Ce refus pose un authentique problème démocratique et, dirons-nous même, républicain, car tous les candidats ne sont pas à égalité. Il y a le monarque et ses challengers. Fort d’avoir émietté les oppositions, Emmanuel Macron transforme ainsi le premier tour de l’élection présidentielle en primaire des oppositions. Et cela se comprend tactiquement.

Être candidat suppose de passer de l’homme de l’unité nationale à celui d’un camp face aux autres. Seulement, Emmanuel Macron a t-il seulement fait autre chose que cliver le pays, hormis, peut-être, durant les premières heures de la crise sanitaire ?

Une déclaration giscardienne

Champions de la déclaration hâtive, les deux derniers présidents de droite se sont manifestés entre deux mois et 10 semaines avant le scrutin, Jacques Chirac parvenant même à se déclarer avant même son principal rival d’alors, Lionel Jospin.

Une précipitation qui tranche avec les postures plus jupitériennes du Général de Gaulle et de François Mitterrand, qui se sont déclarés seulement un mois avant le premier tour.

En moyenne, les présidents sortants se déclarent 7 semaines avant l’élection, comme cela fut le cas de Valéry Giscard d’Estaing.

En suivant cette moyenne, Emmanuel Macron devrait se déclarer autour du 20 février.

Point étonnant : alors que tout semble indiquer une déclaration très mittérrandienne, jupiterienne, tardive et concise, tel ne semblerait pas être le scénario privilégié par les équipes du parti présidentiel, qui envisageraient une déclaration mi-février.

Une césure floue entre présidence et campagne

Seulement, ces différentes méthodes posent toujours la même question : quand s’arrêtent les dépenses présidentielles et quand commencent les dépenses de campagne ? Au début de l’automne, le CSA a proposé de décompter le temps d’antenne d’Éric Zemmour après de larges rumeurs sur sa candidature à la présidence de la République. Le CSA a beau être juridiquement une autorité administrative indépendante, elle ne s’est à aucun moment penchée sur le temps d’antenne des membres du gouvernement à quelques mois voire semaines des élections présidentielles.

Qu’en est-il de la Commission nationale des comptes de campagne ? Saisie par le président des Républicains Christian Jacob, elle semble se réfugier derrière la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle ignore la question de la déclaration de candidature et évoque des dépenses ayant « un caractère manifestement électoral », c’est-à-dire faisant référence à une élection. Mais qu’en est-il lorsque la stratégie – électorale justement – du président-candidat consiste justement à faire comme s’il n’y avait pas d’élection ?

Comme le note Romain Rambaud, professeur en droit public spécialisé en droit électoral à l’Université Grenoble-Alpes, il existe une ligne de crête entre la stricte interprétation de la Commission des comptes de campagne et la jurisprudence administrative, manifestée notamment en 2019 lorsque l’Élysée a publié une tribune reprenant largement le programme européen de la majorité présidentielle.

En 2011, le président de la Commission nationale des comptes de campagne d’alors estimait que Nicolas Sarkozy aurait pu être déclaré en campagne avant sa déclaration de candidature s’il évoquait l’après élection.

Le 12 octobre dernier, Emmanuel Macron évoquait le plan d’investissement à l’horizon 2030. Le 2 février, il ne s’est toujours pas déclaré candidat à sa succession.

S’il est aisé de justifier de telles annonces par les deux corps du roi – Emmanuel Macron engageant ici la présidence de la République et non sa petite personne – ce flou aussi bien juridique que moral touche encore une fois directement le principal financeur de ces institutions : le contribuable français.

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  • Ce qui est incroyable c’est effectivement que Zemmour ait dû se déclarer candidat vers la fin septembre parce qu’il passait trop de temps (sans équipe, seul, s’il faut le rappeler) sur cnews, alors que notre président guide suprême bien aimé, lui, dispose de tout l’appareil d’état, de l’argent des contribuables, de son équipe au pouvoir, pour apparaître dans les média. Mais lui, pas de problème il n’est pas forcé à déclarer sa candidature (ou non candidature) comme les autres l’ont été. Il a même eu droit à un épisode de confession intime sur TF1.

  • “président en campagne ou candidat en fonction” ?
    La réponse est oui.
    En même temps.

  • Et en plus, certains lui offrent même des parrainages! La naïveté a des limites, l’aveuglement aussi.

  • Macron n’a que faire des convenances et des principes.
    Il suffit de voir avec quelle alacrité ses jeunes ministres tapent sur l’opposition. Chaque intervention de Gabriel Attal est maintenant ponctuée d’une vachardise bien sentie envers un candidat.
    Tout cela ne semble pas choquer les médias, dont on se demande s’ils comptent encore quelques vrais journalistes en leur sein.
    Les dernières élections municipales et régionales n’ont pas eu lieu normalement, la prochaine élection présidentielle nous a déjà été volée !

    • Ça fait longtemps que les plumetifs thuriféraires du pouvoir ont enterré les derniers vrais journalistes. Au moins dans les “grands titres”.
      “La presse” est de toute façon un cadavre qui feint d’ignorer sa propre mort, un zombie peu reluisant… les “pure players” type Contrepoints (ou d’autre nettement plus gauchisto-socialisants) ou Rogan de l’autre coté de l’Atlantique ont déjà une audience et un “pouvoir” plus grand que les télé et quotidiens historiques.

  • relisez donc le livre de Marie Tanguy: CONFUSIONS
    c’est éclairant sur la façon dont le staff de campagne de Macron a fonctionné en 2017 et ça fait froid dans le dos!

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