Faut-il revenir à un accord de Bretton Woods ?

Ce qu’on doit désirer, ce n’est pas de lier entre elles les politiques monétaires grâce à un accord semblable à celui de Bretton-Woods, mais de supprimer les politiques monétaires.

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Faut-il revenir à un accord de Bretton Woods ?

Publié le 30 août 2021
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Par Pascal Salin.

Il est probable que nous allons entrer dans une nouvelle phase d’inflation, en France et dans d’autres pays. En effet, beaucoup de politiciens et de banquiers centraux considèrent qu’il faut créer de la monnaie pour relancer des économies qui ont souffert de la crise sanitaire. Or ceci est fort discutable.

Cela relève en fait du préjugé de type keynésien selon lequel la relance économique implique une augmentation de la demande globale et l’on considère que ceci peut résulter de la création monétaire. Mais la faiblesse des activités économiques récentes résulte évidemment des difficultés dues aux problèmes sanitaires pour les productions.

Il s’agit d’un problème d’offre et non de demande. Par ailleurs? aux États-Unis comme dans la zone euro on considère en général que les banques centrales doivent avoir pour objectif d’obtenir un taux d’inflation égal à 2 %, ce qui est absurde. Cela relève sans doute d’un préjugé traditionnel erroné selon lequel il existe une relation positive entre croissance économique et inflation.

 

Revenir à Bretton Woods

Mais on peut se demander s’il serait utile de ce point de vue de restaurer un système semblable à l’accord de Bretton Woods. Celui-ci a été créé en 1944 entre les États-Unis et d’autres pays, en particulier les pays européens.

En tant que représentant du Royaume-Uni, John Maynard Keynes a joué un rôle important dans la mise en œuvre de cet accord international qui a d’ailleurs conduit à la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement – la BIRD – et à la création du Fonds monétaire international, le FMI.

Cet accord avait été décidé pour mettre fin à l’évolution des systèmes monétaires au cours des années précédentes. En effet, pendant longtemps les monnaies de la plupart des pays étaient convertibles en or. Mais cette convertibilité a été supprimée dans beaucoup de pays à partir de la Première Guerre mondiale et de la crise économique de 1929.

L’accord de Bretton Woods a eu pour rôle d’instaurer des taux de change fixes entre les États-Unis et beaucoup d’autres pays, tandis que les États-Unis assuraient la convertibilité à taux fixe entre le dollar et l’or. Ainsi, la Banque centrale française promettait d’échanger les francs contre des dollars à un taux fixe ce qui impliquait que le franc était indirectement défini par rapport à l’or.

Mais il a été mis fin définitivement au fonctionnement de cet accord de Bretton Woods le 15 août 1971 – c’est-à-dire il y a cinquante ans – lorsque les États-Unis ont supprimé la convertibilité du dollar en or.

 

Le problème du taux de change fixe

On suggère parfois maintenant qu’il serait souhaitable de restaurer un accord semblable à l’accord de Bretton Woods.

Comme nous l’avons vu, ce dernier a consisté à mettre en œuvre la définition du dollar en or et des taux de change fixes entre les monnaies de différents pays et le dollar. Or, il n’y a aucune raison de considérer que l’existence d’un taux de change fixe, par exemple entre l’euro et le dollar, serait souhaitable et aurait des effets positifs.

En effet, cela impliquerait que les politiques monétaires en Europe soient déterminées par les décisions de politique monétaire américaine et il n’y a aucune raison de penser que les politiques monétaires sont meilleures aux États-Unis qu’en Europe.

En réalité, il est frappant qu’il y ait eu au cours des années passées des politiques monétaires semblables dans presque tous les pays du monde parce qu’on partageait des idées semblables (par exemple en ce qui concerne les taux d’intérêt des banques centrales).

De ce point de vue un nouveau Bretton Woods ne changerait pas grand-chose. Mais ce qui serait souhaitable d’ailleurs, ce n’est pas l’équivalence des politiques monétaires, mais une situation de concurrence monétaire qui inciterait les banques centrales à améliorer leurs politiques monétaires. Ceci serait possible, en particulier, si, par exemple, on n’était pas obligé d’utiliser l’euro dans les échanges en Europe, mais que les échangistes pouvaient utiliser n’importe quelle autre monnaie.

 

Supprimer les politiques monétaires

En réalité ce que l’on devrait surtout souhaiter c’est la suppression des politiques monétaires. Elles sont généralement considérées comme souhaitables, d’une part parce qu’on prétend que cela augmente la demande globale et d’autre part– selon la théorie keynésienne – que l’augmentation de la demande globale accroît la production, ce qui est faux : la production dépend des conditions de l’offre, en particulier des incitations productives, qui sont réduites par la fiscalité et les règlementations.

Par ailleurs, les États apprécient la politique monétaire dans la mesure où elle favorise le financement de leurs déficits publics. Mais imaginons qu’il n’y ait pas de politique monétaire et que la quantité de monnaie reste constante dans un pays ou un ensemble de pays, comme l’Europe.

Dans ce cas il y a déflation. Généralement on considère que la déflation est nuisible car elle est liée à la dépression, de même qu’on pense symétriquement que l’inflation augmente la croissance économique. Mais ces préjugés sont faux. S’il y a déflation cela implique seulement que les prix monétaires baissent, c’est-à-dire que la valeur réelle (en termes de biens) d’une unité monétaire augmente. Cela est souhaitable et implique bien qu’il n’est absolument pas nécessaire de créer de la monnaie.

Ce qu’on doit donc désirer ce n’est pas de lier entre elles les politiques monétaires grâce à un accord semblable à celui de Bretton Woods, mais de supprimer les politiques monétaires. Et ceci serait particulièrement le cas si les monnaies n’étaient pas produites par les banques centrales, dépendantes des États. Tel serait le cas s’il y avait une totale concurrence entre des monnaies privées et éventuellement une concurrence de ces monnaies privées avec des monnaies publiques si celles-ci existent tout de même.

Cela impliquerait l’absence d’obligation de payer les biens dans un pays uniquement avec la monnaie nationale, mais avec n’importe quelle monnaie. Dans ce cas, bien évidemment, les producteurs de monnaie ne seraient pas incités à en produire trop car cela diminuerait la valeur de leurs unités monétaires et la concurrence inciterait les individus à utiliser d’autres monnaies.

Le fait que les monnaies internet se soient développées au cours des années récentes implique bien une augmentation de la liberté monétaire et le développement de la concurrence entre monnaies, ce qui est souhaitable. Cependant, dans la plupart des pays les gouvernements essaient d’empêcher le développement de cette concurrence, ce qui est regrettable.

 

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  • Vous évoquez rapidement l’avènement de « monnaies internet ». Mais celles-ci ne permettent à aucun moment de payer vos échanges, vous êtes ainsi contraint de repasser par les monnaies fiat. De plus leur volatilité extravagante ne permet pas la « réserve » que l’on doit attendre d’une monnaie

    • « vous êtes ainsi contraint de repasser par les monnaies fiat »

      Pourquoi?
      Si vous considérez l’ensemble de ceux qui veulent commercer en cryptos aussi bien à l’achat qu’à la vente, ils constituent une collectivité fermée qui n’a nul besoin de convertir en d’autres monnaies pour maintenir cette activité.
      Quant à « leur volatilité extravagante », remarquez que pour cette crypto-société c’est la fausse monnaie fiat qui est volatile par rapport à la leur.

      • Mc2-je vous remercie de vous être intéressé à mon commentaire. J’espère que vous n’avez pas fait la confusion entre échanges entre jetons et pouvoir payer mes achats de biens et services courants en monnaies fiât en revendant les jetons.
        Pouvez-vous me donner vos sources pour affirmer que les monnaies actuelles qui permettent tous les échanges dans le monde sont fausses ?
        Puis de plus sont volatiles ?
        Merci de votre retour

        • L’émission monétaire matérialise une reconnaissance de dette. Si la dette est insolvable c’est de la fausse monnaie. Quand les banques centrales font tourner la planche à billets pour acheter ces obligations pourries (privées ou publiques) elle mélange cette fausse monnaie avec la vraie et comme elles sont indiscernables et non traçables, l’unité de monnaie fiat se déprécie.
          On peut s’en rendre compte indirectement en comparant la masse monétaire avec la masse des biens et services qui croît beaucoup moins vite.
          La volatilité de l’appréciation reflète l’instabilité de l’opinion. Ceux qui sont plus lucides ont tendance à en tirer avantage.

        • « L’émission monétaire matérialise une reconnaissance de dette. »

          Ca, c’est la version officielle. En la réalité, les banques commencent par créer de la monnaie, puis elles demandent à ceux à qui elles l’ont donnée de s’engager à la rembourser, L’émission de monnaie ne matérialise pas une reconnaissance de dette, qui devrait pour cela lui préexister, mais demandent une reconnaissance de dette en échange de la monnaie qu’elles ont créée.

  • Vous maniez doctement l’abolition des politiques monétaires et la manipulation de la quantité de monnaie et opposez avec clarté le préjugé faux de l’association de déflation à la dépression,pour lequel vous avez parfaitement raison, ainsi la déflation étant un gain de pouvoir d’achat pour les populations. Mais c’est aussi un discrédit aux gouvernements qui font croire que l’augmentation de la quantité de monnaie distribuée est un « cadeau » des dirigeants alors que c’est un poison nommé inflation.
    Venons en à la concurrence des monnaies, comment les populations pourraient avoir confiance spontanément dans telle ou telle monnaie ? Quels seraient les moyens d’identification de l’intérêt de ces monnaie à court terme ?

  • Je suis plutôt d’accord avec le contenu de votre article bien écrit.
    Ce qui me gène cependant est que vous vous servez de Keynes pour lui faire dire des choses qu’il n’a jamais écrite, soit par ignorance (je ne pense pas), soit pour servir votre idéologie (ce que je pense).
    La pensée de Keynes, si toutefois je l’ai bien comprise, était plutôt de dire qu’en période de crise, il est judicieux de lancer de grands investissements à long terme par l’emprunt, et de rembourser cet emprunt en période de prospérité (ce que nos politiques ET citoyens oublient à mes yeux).

    Il n’a jamais proposé de fuite en avant par la dette, ni de création monétaire incontrôlée. Et pas non plus de relance par la demande, ni par l’offre, mais plutôt par la planification et l’investissement.

    Ce qui vous conduit (et bien d’autres) et travestir la pensée de Keynes est qu’il prône un état fort et planificateur, que vous exécrez.
    Il ne prônait pas en aucun cas cette création de bulles du fait que 90% de l’argent injecté par dans la spéculation ou les dépenses futiles.

  • Keynes a dit un peu tout et son contraire. Quand son copain Hayek lui a donné son avis très négatif sur La Théorie de la Monnaie et du Crédit, il lui a répondu « C’est pas grave, je ne crois plus à tout ça ». Au fond sous ses dehors de dilettante, il était peut-être plus intellectuellement honnête que ses continuateurs qui l’ont pris au sérieux.

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