Pegasus : les dessous de l’affaire

Toute la communauté de cybersécurité connaît Pegasus et l’éthique particulière de l’entreprise NSO. Il fallait cependant attendre davantage de preuves pour faire vaciller la défense de NSO et de ses clients étatiques.

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Pegasus : les dessous de l’affaire

Publié le 23 juillet 2021
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Par François Joslain.

Forbidden Stories et Amnesty International viennent de révéler le Projet Pegasus. Il s’agit d’un logiciel développé par la société israélienne NSO qui permet de pirater n’importe quel téléphone Android ou iPhone. Le téléphone se transforme ainsi en mouchard espionnant son propriétaire. Les victimes se comptent en dizaine de milliers, dont des chefs d’État comme Emmanuel Macron.

Devant un tel but comment se fait-il que Pegasus soit un produit légal ? Que NSO soit une entreprise prospère ayant pignon sur rue ? Que ses patrons ne soient pas déjà en prison ?

Une clientèle ravie du produit

Pour réaliser ses piratages, NSO cherche en permanence de nouvelles failles dans les smartphones. Cette recherche constante a un coût élevé pour l’entreprise qui se répercute sur son produit. Il faut compter plusieurs dizaines de millions de dollars pour utiliser Pegasus. Avoir une telle envie d’espionner les citoyens et disposer d’un tel budget pour se payer Pegasus ne peut attirer que les États. Elle en revendique plus de 40 dont Israël, le Qatar, la Turquie, le Mexique ou l’Arabie Saoudite.

La clientèle étatique de NSO étant ravie de son produit Pegasus, celui-ci devient de facto légal.

Depuis toujours NSO, comme ses clients, se cache derrière un masque, jurant que son produit sert uniquement à traquer les terroristes et les pédophiles. C’est promis, l’honnête citoyen même dans l’opposition ne sera jamais visé, NSO veille au grain !

Il est presque drôle de voir des chefs d’État, si contents d’espionner leurs citoyens, se retrouver eux-mêmes espionnés par d’autres pays. On assiste aujourd’hui à un grand bal d’hypocrites faisant mine de découvrir ce logiciel et ses horribles utilisations, alors qu’il est connu depuis 5 ans.

Un scandale attendu depuis 2016

Pegasus s’est fait connaître dans le milieu de la cybersécurité dès 2016.

Le logiciel a été détecté dans le téléphone d’Ahmed Mansoor, un militant émirati. Il utilisait des failles dans iOS. En 2017 ce sont des journalistes mexicains qui se trouvent sur écoute à cause de ce logiciel. En 2019, on le retrouve sur le smartphone de Jeff Bezos et Omar Abdulaziz, un dissident saoudien. Cette fois, il passait par une faille sur WhatsApp. Un simple appel à la victime permettait de l’installer discrètement.

Bref, toute la communauté de cybersécurité connaît Pegasus et l’éthique particulière de l’entreprise NSO. Il fallait cependant attendre davantage de preuves pour faire vaciller la défense de NSO et de ses clients étatiques.

C’est chose faite, grâce au travail de Forbidden Stories et Amnesty International qui viennent de publier la liste de 50 000 victimes du logiciel incluant des hommes politiques, des journalistes, des militants et des chefs d’entreprise.

L’arbre qui cache la forêt

Il faut espérer que NSO paye pour ses pratiques. Mais il ne faut pas être naïf. Les États semblent avoir un budget illimité pour l’espionnage. Ils sont prêts à payer n’importe quelle entreprise pour se faciliter la tâche.

Évidemment, pour devenir un groupe financé et en quelque sorte légalisé par un État, il faut travailler pour lui en espionnant ses citoyens ou ses ennemis. Ce n’est pas le cas du groupe DarkSide, qui a piraté la Colonial Pipeline aux États-Unis en mai, déclaré ennemi public par Biden et activement recherché par le FBI. Tout comme le group REvil qui a piraté le géant agroalimentaire américain JBS en juin.

Tous font pourtant le même métier : ils piratent d’innocentes personnes à leur insu. Pourtant, certains, qui proposent d’espionner les citoyens, sont financés et adoubés par les États.

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  • abyssale hypocrisie…

  • Ces technos d’écoute des téléphones existaient bien avant. Le dépôt de téléphones à l’entrée de réunions sensibles se pratiquait déjà en 2011. Une fois dit ça je ne comprends pas bien la charge de l’auteur contre cette société NSO . On a des clients et on a une offre logicielle . Pégasus est un outil. Les clients sont les états, si notre président n’est pas content, qu’il s’en prenne à l’état qui l’écoute. Par ailleurs l auteur est il contre le renseignement ? Vit il chez les bisounours ?

    • La charge de l’auteur contre NSO ? Moi j’ai au contraire lu une défense de NSO et la mise en responsabilité des états – clients.

    • deux remarques : à nous de nous protéger et d’avoir des moyens de rétorsion ( nous ne sommes plus en maternelle à nous plaindre d’un méchant condisciple !!!) ; par ailleurs sommes nous les mieux placés pour donner des leçons de morale alors que nos magistrats n’hésitent pas à écouter des avocats uniquement pour des raisons politiques ?????

  • Ouais , très amusant de voir certains jouer aux innocents !!! L’espionnage est vieux comme l’humanité et seuls les moyens techniques changent ; les buts et les victimes sont toujours les mêmes !!! Par contre condamner une entreprise particulière alors que des officines gouvernementales font exactement la même chose n’a pas grand sens : c’est en fait condamner le coutelier au lieu de l’assassin qui utilise le couteau à des fins criminelles !!!!

  • Israël peut être fier d’avoir une société telle que NSO et je ne comprends pas ce non sens – Il faut espérer que NSO paye pour ses pratiques – les pratiques en question étant celles des clients de NSO. Les vertueuses indignations des journalistes et des politiciens européens ne sont au pire qu’un aveu de notre abyssale faiblesse ou au mieux de la pure hypocrisie venant de tartuffes qui se plaisent à jouer les bisounours pour abuser une galerie qu’ils méprisent.

  • Très amusant de voir tous ces hypocrites s’égosiller alors que depuis des décennies la NSA nous espionne grâce à ses satellites et à des portes d’entrée qui ont été imposées pour les produits Microsoft. D’ailleurs, on ne compte plus les produits, en provenance des USA, qui ont des portes d’entrée connectées à la NSA.
    Une remarque : Les services de contre-espionnage des grands pays européens en sont conscients mais ils ne sont pas intervenus car eux aussi profitent de ces portes d’entrée.
    Deux questions :
    Qu’a fait l’Europe pour contrer les USA ? Réponse rien car les technocrates que j’ai rencontrés sont totalement incompétents et ne comprennent rien à la cybersécurité. Leur réaction : On va créer des normes !!! C’est comme pour l’Intelligence artificielle, ces crétins ne raisonnent qu’en normes pendant que les autres pays avancent à grands pas. L’Europe de l’innovation n’existera pas.
    Deuxième question : Qui peut penser que ce dossier est sorti sans arrière pensée ? Réponse : Les naïfs et/ou les imbéciles !

  • Encore une fois ce sont les innovations techniques qui bouleversent nos façons de vivre. Impossible pour un journaliste d’investigation de travailler sans téléphone, impossible de travailler si son téléphone est espionné, donc il n’y aura plus de journalisme d’investigation.

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