Par Gaël Campan.
Celui qui n’est pas apte à servir son prochain cherche à le commander – Bureaucracy (1944), Ludwig von Mises.
Après la chute symbolique du mur de Berlin et l’échec tragique des grandes économies planifiées du XXe siècle (la Chine et l’Union soviétique), on aurait pu penser que les leçons de l’histoire contemporaine auraient atteint les plus hautes sphères de la haute administration française.
On a même failli le croire en 2006, quand le Commissariat au Plan a été supprimé après quelques 60 ans d’existence. Les dernières annonces sur sa résurrection semblent finalement indiquer le contraire.
Peu importe que le gouvernement français actuel ait encore récemment montré son incompétence en matière d’organisation – en l’occurrence de l’approvisionnement d’un produit simple comme les masques sanitaires – il se prévaut désormais de pouvoir coordonner l’économie dans son ensemble et de prendre sur lui de diriger sa relance.
Les entreprises n’ont pas le loisir de persister dans l’erreur
Le fait de s’entêter autant dans l’erreur – voire de surenchérir aveuglément – n’est pas un luxe que les entreprises privées peuvent se permettre. C’est sûrement pour cela qu’elles s’adaptent mieux et plus vite que les gouvernements aux changements rapides de leur environnement.
Nul besoin d’être économiste pour observer que chaque jour, des milliers de produits fabriqués par des centaines de producteurs arrivent sur les marchés et sur les étagères des magasins de nos quartiers. Ces producteurs ne se concertent pas, ne sont pas au courant de leurs plans respectifs et ne se parlent même pas.
Comment savent-ils ce que veulent les consommateurs, où acheminer leurs produits, en quelle quantité et à quel prix ? Cette prouesse constante émerveille certains et en dérange d’autres qui croient nécessaire de devoir tout coordonner à partir d’un grand plan général.
Force est de constater que la pénurie est rare dans les économies développées et intégrées au marché mondial. Elle demeure principalement accidentelle, par exemple dans le cas de mauvaises récoltes ou de catastrophes naturelles.
Sinon, quand la demande pour un produit s’intensifie, son prix augmente à court terme, envoyant ainsi un signal à ses producteurs d’augmenter leur volume afin de satisfaire cette nouvelle demande, ce qui fait alors baisser le prix du produit.
De la même manière, quand leurs stocks s’écoulent plus lentement que prévu, les producteurs comprennent qu’ils devront bientôt baisser les prix de leurs produits et ralentir leur cadence de production. Ces effets de balancier, ces ajustements concernent chaque jour des dizaines de produits.
Les prix administrés ne sont pas des solutions à la pénurie
En absence d’un système de prix libres, c’est-à-dire de signaux clairs et rapides, il est impossible pour les entrepreneurs d’anticiper quelle quantité produire et de s’organiser en conséquence.
Comme le cas des masques l’a d’ailleurs rappelé, un prix administré ou un rationnement imposé par la force ne résout aucunement la pénurie mais au contraire la pérennise, en créant de surcroît – avec l’apparition du marché noir – du chaos là où régnait l’ordre souple et transparent des ajustements de prix.
La même logique s’applique à la relance générale de l’économie : les produits et services dont les Français manquent le plus actuellement et dont la disponibilité tarde à revenir à un niveau pré-pandémique verront leur prix augmenter dans un premier temps avant de baisser quand leurs producteurs auront rattrapé leur retard de volume.
Le gouvernement ne peut pas se substituer au système de prix relatifs et découvrir par lui-même quel service devrait être fabriqué, ni quand, ni à quel prix1.
À chaque fois qu’il s’y essaye, il échoue car il ne dispose pas de l’information pertinente concernant chaque produit (stocks, files d’attente, produits complémentaires et substituables, profits etc.) qui est disséminée dans la population et en constante évolution.
L’illusion synoptique
L’idée que parce qu’ils sont au sommet de l’organisation politique, ils disposent d’une vue d’ensemble leur permettant d’intervenir positivement dans l’économie est une complète illusion, que le prix Nobel Friedrich Hayek nomma illusion synoptique.
C’est au contraire leur absence d’intervention arbitraire, leur renoncement à vouloir à tout prix se mettre en valeur et se montrer « à la tâche » qui permettrait aux véritables acteurs de l’économie, et en premier lieu aux entrepreneurs, de fournir au plus vite les services dont le besoin est le plus pressant dans la communauté.
Plutôt que de se prétendre chef d’orchestre sans savoir jouer de la musique ni lire une partition, plutôt que de planifier le chaos avec des fonctionnaires sans expérience, l’État ferait mieux de supprimer les obstacles qu’il impose déjà à la bonne marche de l’économie française, en particulier ceux qu’il contrôle vraiment et directement, à commencer par le boulet de son propre poids fiscal et administratif qui est depuis longtemps déjà le plus élevé de l’OCDE.
Article initialement publié le 5 septembre 2020.
- Il est connu que les Soviétiques empruntaient les catalogues de produits étrangers pour estimer les prix relatifs des produits sortant de leurs usines. ↩
Cet éloge du marché libre et concurrentiel efficient est incontestable. Il ne répond cependant pas à la thématique posée dans le titre de l’article concernant le plan de relance gouvernemental qui relève plutôt de la place de l’Etat dans l’administration d’un plan économique ou simplement son ordonnancement. C’est dans le débat sur les “contreparties” qu’on aura la réponse: l’Etat fera-t-il confiance aux entreprises à qui il aura libéré quelques chaines, notamment fiscales, ou imposera-t-il des obligations quantitatives à la socialiste ?
L’état se comporte comme Perrette et son pot au lait, la suite tout le monde la connait !
ps le QI de nos hommes politiques confine au génie absolu, non ?
Le pouvoir donne à nos politiciens l’illusion du pouvoir. Avoir des hordes de personnes pour leur cirer les pompes ou quémander flatte leur ego.
Alors qu’en fait ils ont bien peu d’emprise globale sur la réalité et même pas sur l’administration.
Leur raideur et leurs manières ampoulées sont la marque de leur ego démesuré tandis que leurs incohérences et revirements sont le signe de leur réelle impuissance.
…. ou la marque de vouloir à tout prix exister: j’agis, donc je suis, même si mes agissements ont plus d’effets pervers que d’effets positifs; ça s’appelle la soif du pouvoir à tout prix. Et allez ensuite vous étonner des vagues récentes de dégagisme !!!
@alan-En vous lisant je voyais l’image de Bruno Le Maire, un ampoulé de première et d’une sottise économique …
Les politiciens sont des grands malades. Suffit de voir l’ado attardé de l’Elysee se prendre pour un chef pour s’en rendre compte.
C’est pire encore : il se prend pour LE chef et se rêve même à la tête de l’U.E.
Le mieux qu’ils puissent faire c’est de ne rien faire, ces gens sont soient nuisibles soit inutiles c’est au choix…
Même pas sur l’administration ,en effet avec encore un exemple du deep state ,qui bloque tout,avec cette magistrate qui ronronne au ministère de la Justice et qui a fait virer en 4 j une collaboratrice que Dupont- Moretti souhaitait dans son équipe.
J’ai pas mal de boulot aujourd’hui, alors je jette un oeil, comme tous les jours, sur les articles de contrepoints.
De quoi avez vous peur ? vous pouvez ici dire de quelle magistrate et de quelle collaboratrice il s’agit !
N’obligez pas les gens à faire des recherches pour savoir de quoi cause Marge…
Peur de rien,c’est dans la presse avec les noms des personnes concernées,juste un exemple de plus de la haute administration ou “état dans l’état” ou “deep state” qui se protège coûte que coûte et qui bloque ce pays.
le ministre pouvait virer cette magistrate ou démissionner lui-même !
Impossible en France sauf à instaurer un spoil system à l’américaine afin de s’assurer une administration en cohérence avec son programme .
Faudrait déjà commencer par le spoil system des politiques avec le vote blanc. Ensuite comment assurer l’equilibre entre des fonctionnaires ingérables et une nécessaire stabilité institutionnelle.
Stabilité institutionnelle assurée par des fonctionnaires indéboulonnables et soucieux de leur carrière et de leur idéologie au détriment de la bonne marche du pays ,sinon comment expliquer que nous en soyons là avec autant d’argent prélevé et dépense?
Quant aux politiques le vote est une sorte de spoil system ,voir le dégagisme des dernières élections,après si les électeurs ne veulent pas y participer c’est qu’ils consentent à la situation actuelle.
Il y a environ 4,5 millions d’entreprises en France à la diversité et la taille qui en font un tissu qu’Hayek décrivait comme imperméable à toute politique globale. Mais pour des énarques il faudrait avoir lu Hayek et réfléchir ensuite au détestable interventionnisme dont ils sont capables
il leur faut surtout avoir l’intelligence de l’humilité, que seule la confrontation au réel permet d’avoir.
Excellent article !! Merci.
“A chaque fois qu’il s’y essaye, il échoue car…”
… il ne subit jamais les conséquences de ses actes et qu’il s’en est préservé. S’il se retrouve en difficulté, il pioche dans le pot de miel public, comme il le fait pour la SNCF dont il est le seul actionnaire (grâce au pot de miel).
“Force est de constater que la pénurie est rare dans les économies développées et intégrées au marché mondial. Elle demeure principalement accidentelle, par exemple dans le cas de mauvaises récoltes ou de catastrophes naturelles.”
le plus souvent c’est l’intervention de l’état dans l’économie qui cré les pénuries (cf Venezuela)
Ça fait au moins 40 ans qu’on attend une relance de l’économie et on ne voit qu’un appauvrissement continu compense par de l’endettement… Le génie n’habite pas l’elysee, c’est une certitude, il est encore dans la bouteille au fond d’un gouffre inconnu.
L’histoire économique démontre que les plans de relance n’ont jamais fonctionné! C’est du pipeau pour les gogos qui ont voté Macron!
Excellente synthèse sur le fonctionnement du marché et l’intervention destructrice des hommes de l’Etat. A conserver comme argumentaire pour tous les ignorants (majoritaires en France) qui critiquent le marché mais profitent de ses bienfaits.