Par François Jolain.
Une technologie dont aucune retombée dans le civil n’est prévue, vient de recevoir 1,8 milliard d’euros. En comparaison, l’Intelligence artificielle, pourtant en vogue, n’a reçu que 665 millions d’euros. Il faut dire que l’informatique quantique est une histoire digne d’Hollywood dont le dénouement intéresse surtout les militaires.
Acte I – Le quantique et l’espoir
Inutile de connaître le quantique pour comprendre ses pouvoirs sur l’informatique. Il faut noter une chose : les algorithmes (quantiques ou non) appliquent des opérations sur des variables. Dans l’informatique classique, une variable prend une valeur à la fois.
Par exemple, si vous souhaitez mettre au carré les nombres 2, 3 et 4. Vous placez le 2 dans la variable, vous lancez l’algorithme, on récupère 4. Vous placez 3 pour récupérer 9 et enfin 4 pour 16.
Avec le quantique, votre variable prend plusieurs valeurs à la fois. C’est la superposition quantique. Ainsi votre variable quantique vaut 2, 3 et 4. Et en appliquant une seule fois l’algorithme quantique, elle devient 4, 9 et 16 d’un coup. On peut donc massivement paralléliser les calculs avec un ordinateur quantique, sa puissance est décuplée par rapport à un ordinateur classique.
Acte II – Le drame
En fait, il y a autre chose à savoir sur le quantique. Quand on mesure un système quantique, on le perturbe irrémédiablement. Notre variable quantique a effectivement les valeurs 4, 9 et 16 à la fois. Mais si l’on décide de la lire, elle se fige dans l’une de ses valeurs, supprimant toutes les autres. Il s’agit de la la réduction du paquet d’ondes.
De plus, la valeur conservée est choisie aléatoirement ! On peut quand même, par les équations de la physique quantique, calculer les probabilités que la variable se fige dans telle ou telle valeur.
Tout cela réduit les applications possibles. Notre programmeur quantique doit sélectionner un problème à résoudre où il y a beaucoup de calcul en parallèle, mais une seule valeur en sortie. Ensuite, il doit assembler les opérations quantiques pour former un algorithme où la mesure finale donne le bon résultat dans 99,9… % de cas.
Bref, l’informatique quantique n’a pas tout de suite fait rêver.
Acte III – L’arme quantique
Vu les obstacles, concevoir un algorithme quantique est un chemin de croix.
Le premier est l’algorithme de Deutsch-Joza en 1992, il permet de savoir si une fonction est constante.
Plus utile, en 1996, l’algorithme de Grover permet une recherche efficace dans les bases de données. On pensait pouvoir le généraliser à d’autres problèmes, mais pour l’heure ce n’est pas le cas (voir les problèmes P = NP pour les lecteurs les plus téméraires).
Et enfin, en 1996, l’algorithme de Shor débarque. Il permet de factoriser de grands nombres, un bouleversement !
Un ordinateur classique n’a aucun mal à multiplier deux nombres comme 3 x 5 = 15. Mais factoriser, c’est-à -dire, retrouver 3 et 5 comme multiple de 15 est compliqué. Pour les petits nombres comme ici, c’est rapide. Mais pour les grands nombres, le temps se compte en millions d’années, rendant le calcul rédhibitoire. Ce cliquet mathématique où l’on passe facilement dans un sens, mais pas dans l’autre est la base de nos chiffrements modernes (tel HTTPS).
Les chiffrements actuels sont robustes tant que personne ne peut factoriser de grands nombres. Or un algorithme quantique le permet. Voilà pourquoi les États veulent tous avoir leurs ordinateurs quantiques quoiqu’il en coûte. Le premier qui l’obtient peut casser les secrets du voisin.
Acte IV – Le remède
Il reste un dernier dénouement. Vous vous rappelez de la réduction du paquet d’ondes ? Dès qu’on mesure un système quantique, on le perturbe irrémédiablement. C’est agaçant pour les calculs, mais redoutable pour garder une conversion secrète.
Ainsi est apparue la cryptographie quantique. Elle permet de mettre en place une communication confidentielle. Si un espion tente d’écouter discrètement, il détruit aussitôt le canal. Impossible donc d’être écouté à son insu.
La course est ainsi lancée ! Les États, accompagnés des entreprises technologiques, se livrent une course aux armements : maîtriser le quantique pour se protéger soi-même et attaquer les autres. La France vient d’investir 1,8 milliard. L’Europe déploie son propre réseau de communications quantiques. Les entreprises américaines Google, IBM ou D-
Pendant ce temps, les cryptologues tentent de rendre les algorithmes de chiffrement traditionnels moins soumis à la factorisation des grands nombres. Et le civil, lui, prie pour sa vie privée et espère que quelques retombées viendront un jour.
Le quantique est sans nul doute le prochain saut technologique.
Le problème est que le quantique risque de permettre une découverte rapide des nombres premiers inconnus (très grands en valeur) et qui sont les clés de certains cryptages dont ceux des cartes bancaires par exemple. Pour rappel si vous détenez un nouveau nombre premier inconnu jusqu’alors, vous risquez le fait que des services secrets vous tombent dessus très rapidement… Un nombre premier est un nombre entier positif qui n’est divisible que par lui-même et par 1. Peut-être trouverons-nous un nouveau cryptage quantique en même temps que le quantique « détruira » la complexité des anciens cryptages.
on va crypter autrement sans doute..
Portnawak!
Félicitation aux gens ayant compris ce qu’est un ordinateur quantique., moi je suis largué sur le sujet,.. Qbits… Encore une belle aventure à plusieurs dizaines milliards décidée par des gens aussi ignorants du sujet que moi.. Ça sent l’avion renifleur…
Je partage votre méconnaissance sur le sujet, mais parce que je ne trouve aucun article calir qui explique comment marche vraiment un ordinateur quantique. Dire et répéter comme des perroquets que les variables prennent plusieurs valeurs à la fois, cela rend malin, mais n’explique rien…Comment cela marche-t-il ???
La cryptographie utilisée sur le web est généralement basée sur le problème du log discret sur courbe elliptique. Cela n’est pas sensible à l’algorithme de Shor.
D’autre part, le codage RSA utilisant la factorisation est risqué: le problème de la factorisation est sub exponentiel, et il n’est pas prouvé qu’il n’est pas NP avec un ordinateur classique.
L’ordinateur quantique sera difficile voire impossible à réaliser car il faudrait des centaines de qubits intriqués pour le rendre concurrentiel.
Enfin la cryptographie quantique se base sur des paires EPR de photons, c’est beaucoup plus facile et notablement plus prometteur. Plus qu’un nouveau moyen de cryptographie, c’est que s’il y a interception, alors le receveur est au courant car le message ne peut être lu qu’une seule fois.
La loi de Moore, bien vérifiée en informatique classique, pourra-t-elle s’appliquer au développement de l’informatique quantique ?