Par Jean-Baptiste Noé.
Si Pâques est d’un point de vue théologique la plus grande fête des chrétiens, il est toutefois associé à moins de traditions culinaires et festives que Noël. Pas de crèche ou de petit calvaire dans les foyers, pas de décoration dans les maisons, pas de contes de Pâques, comme il y a des contes de Noël, pas de chants populaires, comme il en existe pour Noël. La résurrection du Christ semble moins fêtée que sa nativité. De ce point de vue, Noël a pris le pas sur Pâques. Pourtant, il existe toute une série de coutumes qui ancrent Pâques dans les traditions populaires.
L’agneau en premier lieu
L’agneau pascal est bien évidemment le centre du repas de Pâques. C’est l’agneau sacrifié par les Hébreux, peuple nomade qui consacrait la meilleure bête du troupeau à la fête du passage et de la fuite d’Égypte. Les recettes sont multiples. Dans son Grand dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas consacre quatre pages aux différentes façons de l’accommoder. Le méchoui d’agneau, tel qu’il est pratiqué au Proche-Orient et sur chaque rive de la Méditerranée est la façon la plus traditionnelle de le préparer, avec ces herbes amères dont parle régulièrement la Bible.
L’agneau, c’est aussi le Christ immolé, l’hostie sainte offerte aux fidèles, qui ont l’obligation de communier à Pâques. Après la communion du matin vient la consommation de l’agneau rôti du déjeuner.
Alexandre Dumas, toujours dans son Dictionnaire, explique que la meilleure période pour consommer l’agneau est entre le mois de décembre et le mois d’avril. Pâques marque donc, peu ou prou, la date limite de sa consommation. L’écrivain donne également la recette de l’agneau pascal servi à la cour de Louis XIV et de Louis XV. Une recette qui, on l’imagine, regorge d’inventivité et de complexité et presque impossible à faire chez soi.
L’osterlammele
De l’agneau de plat on passe à l’agneau de dessert. L’osterlammele, le gâteau de Pâques en forme d’agneau, est une grande tradition alsacienne. Les anciens moules en terre cuite sont précieusement conservés dans les familles, comme des reliques insignes transmises à chaque génération. Les devantures des pâtisseries se remplissent de ces petits agneaux riches en œuf, saupoudrés de sucre glace, très souvent décorés d’un ruban rouge et blanc (les couleurs de l’Alsace) ou blanc et or (celles du Vatican).
La colombe italienne
La version italienne de l’osterlammele est la colombe de Pâques. C’est un gâteau de même composition que le panettone (farine, œufs, sucre et beurre) disposé dans un moule en forme de colombe, et saupoudré de sucre glace et d’amandes. Généralement, on le consomme lors du petit-déjeuner de Pâques.
La Pască de Roumanie
Les Roumains ont leur gâteau de Pâques, qui n’a ni la forme d’un agneau ni celle d’une colombe, mais d’une tarte ronde. On mélange du fromage frais, des jaunes d’œufs, de la crème fraîche, du sucre et des raisins secs, que l’on dispose sur une pâte nommée cozonac. Il est servi lors du déjeuner.
L’œuf, roi de Pâques
L’œuf est le point commun de tous ces plats. Il est choisi pour son symbole : il représente de façon imagée la mort et le tombeau du Christ, ainsi que la Résurrection avec l’arrivée du poussin. L’œuf est aussi un aliment consommé en période de Carême, contrairement à la viande.
Dans les campagnes il a longtemps été de coutume de terminer le stock d’œufs accumulés pour le Carême afin de revenir à une nourriture habituelle. Toutefois, un grand nombre de ces coutumes datent du milieu du XIXe siècle, c’est-à-dire d’une époque où la nourriture commence à se diversifier, du fait des progrès de la productivité agricole.
Beaucoup de traditions culinaires que l’on croit immémoriales ont en réalité deux siècles au plus. Et beaucoup de traditions que l’on pense venir des campagnes viennent en réalité des villes, et sont ensuite parties dans les campagnes, par imitation du mode de vie urbain.
En Europe de l’Est, il est de coutume d’offrir des œufs durs peints avec des couleurs chatoyantes. Ces œufs décorent la table et la maison et leur préparation minutieuse est aussi une préparation spirituelle à la fête de la Résurrection. L’exemple le plus célèbre de ces œufs peints est celui des œufs que les tsars Alexandre III et Nicolas II ont commandé au joaillier Fabergé. Cinquante œufs dorés et sculptés ont été réalisés pour être offerts à la tsarine. Une tradition qui ne s’est interrompue qu’avec la révolution bolchévique.
Le chocolat, la grande fierté de Pâques
La plus grande des traditions culinaires de Pâques est bien évidemment le chocolat. Comme chaque année, il y aura des ventes record à cette saison. Les magasins ont rempli leurs rayons, et les pâtissiers proposent de nombreux sujets de Pâques en chocolat, où les œufs, les cloches et les lapins figurent en bonne place.
Cette coutume est récente. Elle date essentiellement des années 1960, c’est-à-dire de l’époque où l’arrivée du chocolat industriel a permis de faire baisser les prix de fabrication et de transformer cette denrée rare et luxueuse en un produit de consommation courante.
L’élévation du niveau de vie a ensuite permis de proposer des chocolats de plus en plus fins et de plus en plus chers. La tendance générale est donc à l’amélioration de la qualité, non à sa dégradation.
Selon le syndicat du chocolat, il se vend environ 400 000 tonnes de chocolat par an. Noël représente 9 % des ventes annuelles et Pâques, 4 %. Les Français sont les septièmes consommateurs de chocolat au monde, voilà de quoi fêter Pâques dignement.
Article initialement publié en mars 2016.
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Et l’origine du lapin de Pâques ? Difficile de croire que les catholiques se soient mis à croire en Nanabozho, fils d’un esprit et d’une femme.
La tradition des lapins aurait pour origine la déesse saxonne Eostre ( d’où viendrait easter) dont le lapin est un des attributs.
Je dis ça je dis rien, pour moi Pâques c’est bien autre chose que des lapins, des cloches ou des œufs.
En tout cas merci de m’avoir fait connaître Nanabozho en plus de m’avoir bien fait rire.
Il me semble d’ailleurs que c’est en fait un lièvre l’attribut de la déesse, et ça n’est que récemment que j’ai entendu parler de lapin. Ou plus probablement encore une hase, qui court si vite qu’elle est déjà loin quand les enfants découvrent ses oeufs. Une lapine ? Ca doit être une pub pour les M&M’s, les crottes de hase étant trop grosses pour pouvoir servir à cette fin…
Il vous semble bien.
Le fait est qu’en Alsace on l’appelle « Oschterhàs » de l’allemand « Osterhase’;
L’idée de l’associer à la déesse germanique ‘Ostara’ sous la forme « Ostara Hase », le lièvre d’Ostara, n’est donc pas une piste incongrue.
C’est un des frères Grimm qui a avancé l’idée après avoir étudié l’oeuvre de Bède le Vénérable (8ème siècle anglais).
Même si cette explication par le lièvre des œufs qui apparaissent mystérieusement (pour les enfants) dans les hautes herbes et buissons à la fin du carême est une tradition dans le sud du monde germanique, pendant des siècles les autres régions parlaient de cigognes, de renards, de corbeaux, de coucous, et même des cloches qui les déposaient là en revenant de Rome…
Il faut innover , cette année, essayez le pangolin.
Le gâteau de fromage blanc est de rigueur dans tous les pays de l’est.