Et si les multinationales françaises étaient nos meilleurs diplomates ?

Alors que les Anglo-Saxons utilisent des acteurs privés pour interagir sur les relations internationales, les Français demeurent largement attachés au rôle exclusif de l’État dans ce domaine. Bernard Arnault est-il en train de changer la donne ?

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Et si les multinationales françaises étaient nos meilleurs diplomates ?

Publié le 29 janvier 2020
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Par Eric Verhaeghe.

Les multinationales françaises sont-elles un outil diplomatique sous-estimé ou mal maîtrisé dans un monde largement fondé sur le libre-échange ? Le récent exemple de Bernard Arnault dans le désamorçage de la crise commerciale entre la France et les États-Unis pose ouvertement la question. Avec plus de 6 millions d’emplois créés à l’étranger, les entreprises françaises ont les moyens de peser sur le cours des affaires.

Les multinationales françaises ont un pouvoir surprenant, dont Bernard Arnault a donné une idée, au mois d’octobre 2019, en inaugurant au Texas une usine de fabrication, en présence de Donald Trump. Officiellement, les deux hommes ne sont pas amis.

Dans la pratique, l’annonce de cette création de 1000 emplois industriels sur le sol américain dans les cinq ans par l’homme d’affaires français aurait suffi à dissuader Donald Trump de prendre des mesures commerciales de rétorsion contre la France. Celle-ci a pourtant tendu le bâton pour se faire battre en décidant la mise en place d’une taxe unilatérale sur les GAFA.

Du rôle diplomatique des multinationales françaises

C’est vrai qu’il a bien joué, Bernard Arnault, en investissant 50 millions de dollars au Texas pour construire une usine LVMH qui devrait donner du travail à des ouvrières peu qualifiées. Il a en quelque sorte payé son tribut pour désamorcer des représailles commerciales consécutives à la taxe GAFA concoctée par Bercy (Bruno Le Maire en tête). Grâce à cet investissement (qui a bénéficié d’avantages fiscaux locaux), il a pu montrer au monde qu’au moins un Français dans le monde s’entendait avec Donald Trump et pouvait donner le change à ses côtés.

Alors que la campagne électorale américaine commence, ce petit coup de pouce donné à Donald Trump, qu’il aurait rencontré dans les années 1980 à New York, mais qu’il refuse de présenter comme un proche, fait aussi bien les affaires de Bernard Arnault lui-même que de son pays. Et l’on peut penser que, sans lui, toute l’industrie française aurait été punie par Donald Trump pour avoir taxé les GAFA.

Cette affaire pose donc clairement la question de l’initiative diplomatique française. Revient-elle au Quai d’Orsay, qui apparaît régulièrement affaibli, ou revient-elle plutôt à des acteurs privés, à des individualités, comme notre richissime propriétaire de luxe Bernard Arnault ?

Les multinationales françaises ont du poids

On oublie trop souvent que les multinationales françaises ont un vrai poids économique qui pèse sur les stratégies internationales des États. Par les temps qui courent, se fâcher avec des employeurs ne coule plus véritablement de source.

En l’espèce, et selon l’INSEE, les entreprises françaises contrôlent plus de 45 000 filiales où travailleraient près de six millions de salariés. Les entreprises françaises seraient installées dans près de 200 pays, avec une présence marquée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Chine et au Brésil.

Autrement dit, auprès de ces partenaires, la France peut peser à travers l’emploi qu’elle assure. L’exemple de l’usine LVMH au Texas l’a montré.

Selon une conception étroitement régalienne de la diplomatie, la France actionne peu ces leviers, sauf peut-être en Afrique, pour influencer les décisions politiques de ses partenaires, mais elle a bien tort. Ses partenaires ne se gênent pas pour le faire, comme l’affaire Ghosn l’a illustré au Japon, ou comme l’affaire Alstom l’a illustré aux États-Unis.

Repenser la place des multinationales dans les relations diplomatiques

Il est vrai que, ce faisant, Bernard Arnault aux États-Unis a enfoncé un coin dans la doctrine courante des relations internationales en France. Alors que les Anglo-Saxons utilisent depuis longtemps des acteurs privés pour interagir sur les relations internationales (notamment par l’intermédiaire de confessions religieuses ou d’associations non-gouvernementales), les Français demeurent largement attachés au rôle exclusif de l’État dans ce domaine.

Au vu des réussites enregistrées aux États-Unis par LVMH, cette exclusivité régalienne est sans doute à repenser en profondeur.

Voir les commentaires (29)

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  • La France a eu quelques grands capitaines d’industrie, ayant une vision mondiale et un sens pratique aigu, deux qualités qui manquent cruellement à nos hommes politiques. Mais, comme Arnault, il leur aura fallu parfois pactiser avec le diable… ( voir p.ex. de Marjorie pour Total, évitant la prison en raison de la protection des intérêts fondamentaux de la nation, capitalisme de connivence s’il en est )

  • un des effets planétaire de la technologie c’est d »‘assister a la naissance de sociétés-états, je veux dire par là qu’elles ont une surface suffisante pour traiter comme des états.. on le voit avec les GAFA qui viennent de mettre le nez du ministre des finances dans son caca.. avec sa volonté de taxer les gafa.. le gouvernement français humilié..
    une société qui pèse ce poids peut négocier au plus haut niveau ses implantations et fixer ses regles comme elle l’entendent , car elles apportent de la richesse.. quand bill gates vient en france il est reçu a l’elysée , comme
    un chef d’etat..
    cette tendance va aller croissant

    • Entièrement d’accord, Claude.
      La différence entre notre pays et d’autres (je cite ceux dont je suis certain : Etats-Unis et Chine), c’est qu’ils enseignent dans certaines de leurs universités l’histoire COMPARÉE des relations internationales. Ce qui a pour objectif de former leurs élites à « comment pense l’autre ? ». Cet enseignement est quasi inexistant en France. Il avait été mis en place pendant 3 à 4 ans au début des années 2000 à l’université de Montpellier, puis a été balayé car trop « utilitaire » (sic).
      Notre (enfin, je veux dire « leur » car je ne partage pas !) politique est si étatique qu’oser venir appuyer par des enseignements de très haut niveau le développement des grandes sociétés (« sociétés-états » comme vous le dites très justement) est un quasi délit intellectuel.

      • Complètement d’accord. On retrouve bien cette mentalité de « salaud de patrons » des gauchos qui nous gouvernent, et qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
        Il en va des entreprises comme de la politique : nos gouvernants refusent obstinément de regarder ce qui se fait ailleurs, et surtout ce qui se fait de mieux !! Ils pensent toujours détenir LA vérité, et leur suffisance est insupportable, surtout au vu des résultats (Le Maire en est un excellent exemple).

      • en effet , en France on fait croire que c’est l’etat qui decide de tout! c’est en partie vrai..
        mais les entreprises internationales font bien attention a respecter les formes .. mais dans les faits , elles font bien ce qu’elles veulent.. ce qui est anormal en france c’est que quand elles font des conneries c’est le contribuable qui bouche les trous..
        D’une manière générale ,les grandes sociétés internationales se fichent des politiques car elles on de quoi les menacer

    • Petit bémol: c’est plutôt Trump qui vient de mettre « le nez du ministre des Finances dans le caca ». Avec un Bernie Sanders, la taxe sur les GAFA serait actée.
      Les politiques Français s’en foutent totalement des sociétés qui « apportent la richesse » (sauf celles de connivence) sinon le marché du travail français ne serait pas détruit à ce point.
      .
      Les GAFA sont des nains par rapport aux états, même si on prend les chiffres gonflés de la pravda des socialistes (14,9 milliards d’euros), leurs chiffres d’affaire représente 4,2 jours des dépenses de l’état français.

  • Je pense que c’est très important que les patrons des multinationales Françaises pèsent à l’étranger. D’une manière générale, ils sont beaucoup plus crédibles que nos politiques qui sont vraiment des charlots.
    En effet, les patrons de multinationales savent de quoi ils parlent, et eux ils créent des emplois. Et d’une manière générale, ils sont pragmatiques et n’ont pas du tout l’arrogance de nos politocards qui passent leur temps à donner des leçons au monde entier, alors qu’ils sont incapables de gérer un budget !

    • ++++ je n aurais pas mieux écrit

    • Absolument, mais contrairement aux patrons d’autres pays, il ne s’expriment pas dans les média.

      Peut être justement parce qu’ils sont intelligents et ont compris qu’il est totalement inutile de communiquer avec ceux qui sont à 100 lieues de comprendre les rouages de l’économie.

      Et s’ils sont si performants à l’international, c’est que nos patrons français se sont aguerris avec le plus néfaste de leurs ennemis, leur propre état.

      Audiard a fait dire :

      ‘Je ne parle pas aux cons, ça les instruit…’

      Mais il avait tort, on ne peux instruire les cons !

  • Sans oublier le retour des dividendes (honnis par la gauche dans son ensemble, autre incompréhension totale du capitalisme) qui viennent rééquilibrer la balance des paiements française..

  • Excellent constat mais l’éducation des français jaloux et immatures en économie est une bataille perdue. Il nous faudrait peut être un Bernard Arnault comme Président de la République ou comme 1er Ministre

  • Les états , ne nous y trompons pas, voient d’abord dans les grandes sociétés internationales de potentiels et dangereux concurrents. Ils s’en méfient plus qu’ils ne le disent car la richesse et l’influence de celles ci n’ont cessés de grandir depuis environ 50 ans.
    Derrière les « taxes GAFA » il y a cette peur qui grandit chez les états, particulièrement en Europe. Ceux ci, et la France en premier, voient leur influence baisser d’année en année et leur richesse passée n’etre plus qu’un lointain souvenir. Les états Européens doivent porter le lourd fardeau des idéologies auxquelles ils se sont donnés et qu’ils ont portés (communisme et nazisme ) et des guerres (14-18 en premier lieu) et massacres (shoah) qu’ils ont déclenchés et dont nous supporterons les conséquences pendant des siècles. Et L’Union Européenne les dissout encore plus pour le meilleur ou pour le pire. L’échec des états-Nations, Européens tout particulièrement, est évident sur ces deux derniers siècles, leur crise n’est pas fini et le coup de grace interviendra sans doute le jour ou la facture de leur endettement vertigineux leur sera présentée, d’une facon ou d’une autre. Il n’est alors pas impossible que ce soit les grandes sociétés internationales qui structurent la société et la maintienne en vie, comme l’ont fait les grands monastères au haut moyen-âge après la chute de la société Romaine. Cela nous parait peut etre absurde aujourd’hui mais celles ci vont continuer à s’enrichir en meme temps que la mondialisation (qui ne s’arretera pas évidemment) et les états, empétrés dans leurs contradictions et leur histoire, vont continuer leur décadence.

    • Ce n’est pas parce que notre Etat est obèse et quasi-failli q’il faut récuser le principe même d’Etat. En quoi des multinationales serviraient mieux le bien commun d’une population? (Car si la notion d’intérêt général est discutable, je pense que nous avons un bien commun qui ne se réduit pas à des intérêts marchands).

    • « It’s all about power ».
      Les GAFA sont financièrement des nains par rapport aux états mais elles ont un très important pouvoir de communication. En menaçant les bénéfices de ces sociétés les états les dirigeants entendent mettre la main sur ce formidable outil de propagande. Pour éviter cela, autant Google que Facebook ne cessent de donner des gages de bonne conduite en pratiquant une censure par procuration orientée politiquement.
      .
      La France est en train de faire une faillite dramatique et il n’y a pas l’ombre d’un frémissement de renversement de pouvoir ou de sécessionnisme des grandes sociétés, au contraire, d’un trait de plume législatif ou fiscal les politiques peuvent les rayer de leur territoire donc il y aura au mieux connivence. Un échange bien compris de complaisance contre du pouvoir de propagande.

  • Qu est ce qu une multinationale francaise ?
    Une societe dirigee par un francais ? Alors airbus est francaise mais elle etait allemande l annee derniere et peut etre italienne dans 10 ans ..
    Renault de C Ghosn eetait francais bresileinne ET libanaise car son patron avait les 3 nationalites ?

    Si renault fusionne avec fiat, fiat devient il francais ou renault italien ?

    • Une multinationale est de l’état qui lui donne des subsides. Parce que si vous regardez le dirigeant ou le siège social ou ses moyens principaux de productions, il n’y a aucune multinationale française, juste un souvenir d’un autre temps.

  • Il ne faut quand meme pas etre un grand observateur pour constater l’état de déliquescence de l’état. Qui sont les salariés qui font grève et qui sont mécontents de leur sort ? Les salariés du privé ? On n’en a pas vu beaucoup en grève sur le sujet des retraites. Enseignants, personnel hospitaliers, pompiers, policiers tous pourtant ayant une garantie à vie d’éviter le chomage et la précarité, tous manifestent régulièrement, et expriment régulièrement leur « malaise ». Quand aux militaires, je ne suis pas sur que leur moral restera intact si, comme je ne leur souhaite pas, leur expédition au sahel tourne mal dans les années qui viennent.
    Quant aux entreprises dans lesquelles l’état a des intérêts voyez leur situation : EDF est incapable de construire une centrale nucléaire de nouvelle génération, la SNCF et la RATP s’enfoncent dans l’immobilité et leurs salariés, par la betise et le comportement lamentable de leurs syndicats, sabotent leur propre entreprise année après année. Toutes les « corporations » de l’état réclament leurs « dus » et l’état leur donne car en plus d’etre incompétent, il est impécunieux. Et ensuite il prélève, prélève encore, ne crée des taxes que pour ce qu’elles rapportent. L’affaire Ghosn/Renault/Nissan est de la responsabilité totale d’un état qui , se croyant tout permis, a , avec ses droits de vote double, provoqué en retour une réaction nationaliste violente des japonais. Idem chez Air France/KLM , ou le mépris de l’état Français pour les autres actionnaires a poussé l’état Néerlandais a acheter des actions du groupe AF/KLM en douce sur le marché pour « rééquilibrer » les influences au sein du groupe. Et la gueguerre dure encore, chacun ayant son petit drapeau. Et puis, cerise sur le gateau, le voici qui est en train de se donner corps et ames à la nouvelle idéologie du moment, l’écologisme, dont les dégats pourraient etre du meme acabit que leurs célèbres prédécesseurs du 19° siècle. Alors oui il est difficile d’etre optimiste sur l’avenir de cet état là. Un violent coup de boutoir (d’où viendra t’il ?) et il tombera. Et oui, peut etre, ces sociétés internationales qui ne dépendent que peu de lui aujourd’hui, pourraient devenir une sorte de colonne vertébrale et maintenir ce qui pourrait l’etre dans l’ordre social. En changeant un peu « d’objet social » évidemment. Bien sur l’état essaiera de les controler, de les réduire, voire de les détruire mais c’est trop tard, celles ci seront trop riches, trop fortes. C’est lui qui tombera …

    • Non je ne crois pas le pouvoir de certain état est bien trop puissant, la chine l’inde, le brésil sont bien plus puissant dans leur dimension géopolitique.

  • Et nous avec , malheureusement …

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