Contre la propriété intellectuelle : un essai éclairant (1)

Pourquoi faut-il s’opposer à a propriété intellectuelle ? Récit en deux parties.

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Contre la propriété intellectuelle : un essai éclairant (1)

Publié le 7 août 2019
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Par Marius-Joseph Marchetti.

Lançons-nous à la découverte d’un ouvrage libertarien de qualité : Against Intellectual Property de N. Stephen Kinsella (et traduit en français par les soins de Stéphane Geyres et Daivy Merlijs). Le livre de 76 pages a pour but de remplir plusieurs rôles, qu’au demeurant il remplit fort bien. Il se divise en quatre parties, chacune essentielle pour avoir une vision d’ensemble de la propriété intellectuelle.

Nous séparerons notre analyse de Stephen Kinsella en deux parties, pour permettre davantage de lisibilité. 

Les différentes formes de la propriété intellectuelle

Au préalable, Kinsella commence par rappeler les différentes formes que peut prendre la propriété intellectuelle, qui sont « des droits sur des choses intangibles »1. Kinsella nous rappelle qu’on considère généralement quatre formes de propriété intellectuelle : les droits d’auteur2, les marques déposées3, les brevets4 et les secrets commerciaux5. Nous passons outre les explications techniques que le lecteur retrouvera ultérieurement (dans l’ouvrage ou autre) et nous référons aux définitions apportées par l’auteur.

Le Spectre : la représentation des différents points de vue libertariens sur la manière d’appréhender la Propriété intellectuelle


Les libertariens peuvent avoir une vue complètement différente de la PI, d’un auteur à l’autre. C’est probablement un des thèmes les plus débattus du milieu, ce qui rend le point de vue de Kinsella plus important encore. Les défenseurs de la propriété intellectuelle se divisent entre ceux qui utilisent des arguments jusnaturalistes (théorie des droits naturels) et ceux utilisant des arguments utilitaristes (accroissement de l’utilité globale). L’argument jusnaturaliste en faveur de la propriété intellectuelle réside dans le « droit naturel au fruit de son travail » (Lysander Spooner). Du côté des utilitaristes, on retrouve le juge fédéral Richard Posner ou l’anarchiste David Friedman, et ce pour des raisons de « droit et d’économie ». La défense du droit de propriété intellectuelle repose avant tout sur la théorie des biens publics (les idées étant considérées comme telles) et sur la volonté d’éviter le parasitage de passager clandestin. Mais on retrouve aussi chez les libertariens une longue tradition d’opposition aux brevets et droits d’auteurs, comme chez Rothbard et Palmer. La question est donc loin d’être tranchée.

Kinsella passe rapidement sur les problèmes liés à la défense utilitariste de la Propriété intellectuelle, car ceux-ci sont liés aux défauts de l’utilitarisme lui-même.  Les problèmes liés à l’utilitarisme résident principalement dans le fait que l’utilitarisme :

  1. ne recherche pas la justice (c’est-à-dire rendre à chacun son dû), mais l’utilité, quitte à dégrader la situation de tiers et à ne pas faire respecter les droits de tout un chacun
  2. même dans une situation où on chercherait simplement un optimum de Pareto (situation dans laquelle on ne peut améliorer la situation d’un individu sans dégrader celle d’un autre), on se trouve confronté à l’impossibilité de mesurer des utilités interpersonnelles, et donc subjectives, radicalement différentes d’un individu à un autre.

Pour voir les coûts supplémentaires induits par des systèmes de propriété intellectuelle, nous renvoyons les lecteurs, comme l’auteur avant nous, aux travaux de Cole 6. 

Mais les utilitaristes ne sont pas les seuls à pécher, selon Kinsella. Les jusnaturalistes défendant la propriété intellectuelle se trouvent encombrés par des incohérences sur la manière dont ils appréhendent la propriété. Pour Ayn Rand, les objectivistes et autres libertariens qui défendent, plus ou moins, une approche par les droits naturels, c’est la création qui est à la source des droits de propriété. Les droits de Propriété intellectuelle sont donc une récompense pour le travail productif. Or l’approche par la création demande de poser la distinction entre création et découverte. Une création est une invention brevetable, alors qu’une découverte ne l’est pas. Une ligne est tracée entre « les lois de la nature » et les « idées abstraites » non brevetables et les « applications pratiques » brevetables, et le droit des brevets fait une distinction entre les deux. Mais la distinction relève de l’arbitraire, et le travail des juristes de faire la part des choses est hautement délicat, comme le déclare elle-même la Cour Suprême 7. On pourrait tout aussi bien mettre fin à cette distinction, comme le fait Galambos, et s’interdire d’utiliser toute idée qui n’est pas sienne. L’application du principe de Galambos implique que la personne ayant inventé le feu aurait eu des droits sur l’allumage du feu par d’autres Hommes. Avec une conception si radicale de la propriété intellectuelle, on se rend compte que toute vie humaine deviendrait rapidement impossible.

Nous aborderons demain, dans une seconde partie, les problèmes liés à une mauvaise conception de l’origine des droits de propriété, et si la propriété intellectuelle peut être retranscrite par une approche strictement contractuelle.

  1. N. Stephen Kinsella, Contre la propriété intellectuelle. Tom Palmer définit la propriété intellectuelle comme suit : « Les droits de PI sont des droits sur des objets idéaux, qui se distinguent des substrats matériels dans lesquels ils sont concrétisés. »
  2. « Le droit d’auteur est un droit conféré aux auteurs d’Å“uvres « originales », comme les livres, les articles, les films et les programmes informatiques. Le droit d’auteur donne le droit exclusif de reproduire l’Å“uvre, de produire des Å“uvres dérivées, d’interpréter ou de présenter l’Å“uvre en public. »
  3. « Une marque déposée est un mot, une expression, un symbole ou un dessin utilisé pour identifier la source de biens ou services vendus et pour les distinguer des produits ou services d’autrui. »
  4. « Un brevet est un droit de propriété sur des inventions, c’est-à-dire des dispositifs ou procédés qui remplissent une fonction utile. »
  5. « Un secret commercial consiste en toute formule, dispositif ou information confidentielle conférant à son détenteur un avantage concurrentiel aussi longtemps qu’il demeure secret »
  6. Voir Cole, Patents and Copyrights: Do the Benefits Exceed the Costs ?
  7. « la spécification et les revendications d’un brevet (…) constituent l’un des instruments juridiques les plus difficiles à établir avec précision. » Topliff v Topliff, 145 US 156, 171, 12 S.Ct. 825 (1892).
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  • C’est la durée de ces droits qui est exagérée, surtout pour les droits d’auteur!

    • Notamment, il est déjà délicat de comprendre que ces droits survivent à l’auteur, mais alors, que leur durée soit augmentée de 30 ans s’il est mort pour la France !!

  • Très difficile de défendre à la fois la liberté d’opinion (chacun est propriétaire de ses idées) tout en dénonçant la propriété intellectuelle ….

    Je pense que la confusion vient en grande partie du terme « propriété » qui une fois appliqué à l’immatériel est totalement inapproprié. Le sujet débattu est en fait la transposition de la loi positive de propriété sans tenir compte du fondement moral.

    Est ce que la propriété de ses idées s’inscrit dans la recherche du bonheur individuel ? Si oui, alors le système politique doit en tenir compte. Le sujet est trop souvent réduit aux règles d’exploitation du fruit des idées (droit d’auteur, brevet…) qui n’est dans la réalité industrielle que le moyen de monétiser l’engagement du capital humain.

  • Beethoven est-il, oui ou non, le légitime propriétaire de sa 5e symphonie ? Un autre compositeur pourrait-il légitimement se déclarer en être l’auteur (le propriétaire), sans faire rire le monde entier ?

    • « la personne ayant inventé le feu » : personne n’a inventé le feu. Le feu préexistait avant le premier utilisateur qui l’a domestiqué. En revanche, la 5e n’existait pas avant que Beethoven l’invente. Mais depuis qu’elle a été créée, le monde s’en trouve irrémédiablement changé. En réalité, toutes ces choses sont simples à comprendre.

  • Je ne pense pas que l’on puisse considérer un brevet comme immatériel, bien au contraire, l’aboutissement d’un brevet est matériel ou sinon il ne vaut rien.
    Le document qui relate un brevet n’existe que pour des raisons techniques, scientifiques, juridiques…il garantie en autre la preuve détaillée de votre propriété au même titre qu’un acte notarié garantie votre propriété immobilière.

    Dans le cas contraire, il s’agit de partage forcé…c’est dire du socialisme dans toute sa splendeur.

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