Le marché des idées plutôt que le Conseil de l’ordre des journalistes

Les propositions du ministre sont plus révélatrices : elles expriment une défiance profonde des élites sur la capacité des citoyens à se comporter comme des adultes responsables.

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Le marché des idées plutôt que le Conseil de l’ordre des journalistes

Publié le 6 juillet 2019
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Chaque époque semble considérer que ses problématiques sont inédites, ses enjeux uniques et leurs solutions originales. Le début du XXIe siècle s’anime ainsi à propos des fake news, ces fausses informations qui se diffusent rapidement en ligne, troublant les processus électoraux.

L’ampleur du phénomène mériterait d’être étudiée de façon comparative. L’histoire regorge d’épisodes d’accélération de la diffusion de l’information qui ont permis de disséminer les pires mensonges : la propagande de Goebbels et Staline, par la radio et sans source alternative ; la presse antisémite de la fin du XIXe, par ses journaux à grand tirage (pendant que Drumont rencontrait le succès en librairie) ; les libelles, placards et pamphlets avec l’émergence de l’imprimerie.

Dans un entretien avec Reuters, le secrétaire d’État en charge du numérique Cédric O a avancé ses pistes de régulation pour notre temps, proposant la création d’un « Conseil de l’ordre des journalistes », dont la mission serait de signaler à l’État les « canards » à sanctionner. À défaut, la puissance publique pourrait s’en charger elle-même et le Conseil supérieur de l’audiovisuel déterminer ce qu’est une « infox ». Plutôt qu’un ministère orwellien de la Vérité, la France aura une Autorité administrative indépendante de la vérité…

Colère des journalistes

Ces propos, sur lesquels leur auteur est rapidement revenu, ont suscité la colère légitime des journalistes. Ils peuvent sembler anecdotiques, mais ils sont porteurs de menaces sévères.

Ils illustrent d’abord un travers de notre système institutionnel, par lequel l’exécutif rogne progressivement, mais avec détermination l’autonomie des autres pouvoirs. Le législatif est soumis, le judiciaire mis au pas et les pouvoirs locaux sous tutelle. Instituer un contrôle étatique de la presse prolongerait cette dynamique hégémonique. Or, la concentration sans contestation n’est jamais saine.

Les propositions du ministre sont plus révélatrices : elles expriment une défiance profonde des élites sur la capacité des citoyens à se comporter comme des adultes responsables. Au fond, celles-ci doutent que s’ils sont laissés libres de s’informer comme ils le souhaitent, les Français seront capables de départir le vrai du faux et faire des choix électoraux rationnels. Dès lors, elles préfèrent les guider dans leur compréhension du monde.

Des études montrent que ce constat est erroné : les lecteurs sont attentifs à la fiabilité de leurs sources. Mais quand bien même ce ne serait pas le cas, que pourrait y faire l’État qui ne soit la confirmation de sa défiance vis-à-vis du peuple ​? Ce sens est dangereux, car il renvoie implicitement l’idée d’une élite qui veut choisir son peuple.

Dans une démocratie libérale, c’est de la libre confrontation des idées sur le marché politique que devrait émerger la vérité, non d’une entité immanente. Cela implique nécessairement des risques d’erreurs – et chacun les regarde avec angoisse. Mais, outre que la voie suivie depuis des années n’a pas interdit le succès des populistes (si elle ne l’a pas nourrie), il faut se rappeler que l’incertitude est consubstantielle à la démocratie et à la liberté. Il est capital que les dirigeants politiques l’aient à l’esprit avant d’être emportés par une frénésie réglementaire. Car si les élites ne font pas confiance à la démocratie, comment peuvent-elles espérer que les citoyens le fassent ​?

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  • A bas les cartes de presse! Tout le monde doit pouvoir s’exprimer et c’est maintenant le cas avec internet. on voit bien que la caste des journalistes défend ses privilèges en accusant les autres de menteurs alors que la défiance à leur égard vient de leurs propres mensonges.

  • les ‘journalistes » sentent le pâté.. forcement puis qu’on sait qui remplit leur gamelle

  • la frénésie réglementaire des élites n’est mue que par une chose : la paranoïa desdits élites qui a peur de  » la populace  » comme ils disent ;

  • Il ne fait plus aucun doute que Macron est un pervers extrêmement dangereux.

  • « Tous les Conseils de l’Ordre que j’ai pu fréquenter, que j’ai pu connaître dans ma vie professionnelle, sont de la corruption. Tous. C’est un petit groupe de personnes, qui s’organise, qui fait des voyages, qui est juge et partie, et qui permet aux gens les plus véreux dans les professions, en général, de se protéger. C’est ça les Conseils de l’Ordre.
    Moi, il me semblait jusqu’à présent, que dans une démocratie normale, les medias, la presse sont un contre-pouvoir. Ce n’est pas à l’Etat de dire ce que doivent dire les médias, c’est aux médias de contrôler l’Etat. »
    (Didier Maïsto, directeur de Sud Radio)
    On cite toujours Goebbels et Staline en matière de propagande. Dans un demi-siècle, on citera peut-être Macron…
    Il faut lire Noam Chomsky pour bien comprendre que les démocraties ne sont pas immunisées contre les techniques de manipulation des masses.

  • Il y a belle lurette que les journalistes ne sont plus impartiaux ! Ils commentent toujours l’info qu’ils rapportant selon leur point de vue (et tous ont le même).
    Les seuls qui sortent du lot ont des émissions très tardives ou sont exclus des télés (Thomas Verdier par ex). Reste quelques journaux.
    Bref, oui, la population est incapable de se faire une idée par elle-même, pour beaucoup ce qui vient de la télé est forcément vrai. Je suis sidérée par le nombre de personnes, par exemple, qui adhèrent à l’interdiction du glyphosate, ou aux théories sur le RCA

  • vieux dicton :  » un journaliste c’est une p..e ou un chômeur  »
    là , ils sont en train de défendre leur job, c’est tout 🙂

  • Cela en dit plus qu’un long discours sur ce que désirent vraiment nos très chers politiciens au sujet du peu de liberté qu’ils nous laissent. Maintenant c’est la liberté d’expression qu’ils veulent supprimer, et en particulier Macron et ses séides!

  • Le monde a commencé avec une fake new de taille.
    Le diable dit à Eve qu’ils ne mouraient pas en mangeant le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et qu’ils seront comme Dieu.
    Des milliers d’années après on y croit encore !

  • Le plus grand disséminateur d’infox est l’Etat. Il raconte dans chacune de ses déclarations qu’il agit pour le climat. Cette action est devenue le synonyme de la bonne direction à prendre. Dénoncer cette imposture, à laquelle presque tout le monde croit aujourd’hui, sera considéré demain comme une infox et donc ce sera interdit. Ces propositions destinées à museler l’information ne sont donc pas uniquement destinées à promouvoir la vérité. Elles ont pour but de permettre à l’Etat de mentir en l’autorisant à interdir les démentis. Comme au temps de Staline et de Goebbels, finalement.

  • Bravo! Je suis totalement d’accord avec vous!

  • les journalistes ne sont que  » les petites mains  » des organes de presse eux meme presque tous aux mains des milliardaires qui investissent dans le secteur de la presse qui ne rapporte pas de pognon… is ont donc bien un objectif , non financier mais IDEOLOGIQUE : INFLUENCER ET CONTROLER plus ou moins subtilement lLes pensées de la masse pour qu’elle ne cherche pas d’alternative au capitalisme ,la seule religion de ces milliardaires !!!

  • Les commentaires sont fermés.

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