La Chine 3.0 ? Dans la tête de Xi Jinping par François Bougon

À l’heure où la démocratie occidentale paraît s’essouffler, le régime à la fois marxiste et capitaliste de la Chine de Xi Jinping propose-t-il, aux pays asiatiques un modèle alternatif ?

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La Chine 3.0 ? Dans la tête de Xi Jinping par François Bougon

Publié le 26 mars 2019
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La Chine 3.0, fusion de la Chine d’hier, d’aujourd’hui et de demain ? Quand vous rencontrez des chefs d’entreprise, des cadres et des employés chinois dans la vie professionnelle de tous les jours, en tête-à-tête ou non, en Chine ou ailleurs, il est des constantes : la piété familiale ; la conviction que, dans les circonstances, le régime en place est le meilleur qui soit pour la Chine ; l’égoïsme et l’idée que c’est une vie de chien mais demain sera un autre jour.

À l’heure où la démocratie occidentale paraît rencontrer quelques avatars, s’essouffler dans les aléas de l’égalitarisme et patauger dans les vicissitudes de l’étatisme, le régime à la fois marxiste et capitaliste de la Chine de Xi Jinping propose-t-il, aux pays asiatiques et autres si affinités, un modèle alternatif de gouvernement et en quoi consiste-t-il ?

C’est notamment à ces questions que tente de répondre François Bougon, ancien correspondant de l’AFP à Pékin et chef-adjoint du service international du Monde, spécialiste de l’Asie, dans son essai Dans la tête de Xi Jinping.

Une civilisation chinoise millénaire

Dans son livre Easternisation, Gideon Rachman, le rédacteur en affaires étrangères du Financial Times, racontait l’entrevue en 2013 d’un groupe de dignitaires occidentaux, dont deux anciens Premiers ministres européens et un certain nombre d’éminents personnages du monde académique et de celui des affaires, avec le Président Xi dans le palais présidentiel à Pékin.

Après qu’ils eurent été alignés pour la photo de groupe, ils eurent droit à l’allocution présidentielle, dans laquelle Xi Jinping fit allusion à ce que les origines de la civilisation chinoise remontent à plus de cinq mille ans.

Chacun dans la salle interpréta ce propos comme une mise en perspective de ce que représentent les 250 ans d’histoire de l’Amérique et, bien sûr, comme une marque d’affirmation de soi de la Chine.

François Bougon fait état de cette entrevue dans son essai et confirme que les États-Unis constituent en effet le grand rival aux yeux des Chinois, qui poussent l’esprit d’émulation avec l’Amérique jusqu’à évoquer l’existence d’un « rêve chinois ».

Le rêve chinois

C’est, relève-t-il, Xi Jinping qui le premier en parla, peu après son intronisation à la tête du Parti, et pas n’importe où, mais lors d’une visite au Musée de la Chine, dont la superficie n’est inférieure qu’à celle d’un seul autre musée au monde, à savoir celui du Louvre. En quoi consiste le « rêve chinois » ? En deux mots : renouveau et grandeur.

« La Chine, sous Xi Jinping, est entrée dans une nouvelle phase de son histoire, après deux périodes distinctes qui couvrent une soixantaine d’années : trente ans de maoïsme et trente ans de socialisme de marché », constate François Bougon. Ceux qui avaient vu en Xi Jinping un possible réformateur, en seront pour leur frais : « ils attendaient Gorbatchev, c’est un Poutine chinois qui a émergé. »

Pour Xi, loin de devoir s’inspirer de l’Occident, la Chine doit renouer avec sa propre culture et ses traditions, celles d’une grande civilisation plurimillénaire, affirmée avec fierté par une machine de propagande sans pareille.

Le légisme

Dans cet héritage, François Bougon épingle un courant de pensée qu’il juge particulièrement pertinent pour comprendre la direction chinoise, à savoir celui du « légisme » dont le maître, Han Fei, vécut au IIIe siècle avant notre ère.

Cet anti-rousseauiste avant l’heure était convaincu que la nature humaine est foncièrement mauvaise et que tout système de gouvernement qui se veut stable et durable doit en tenir compte et s’appuyer sur un corps de lois qui, bien loin d’en limiter l’exercice, est inféodé au pouvoir.

Il s’agit d’un droit mis au service d’un homme fort et d’un État puissant, basé sur l’autorité, le contrôle et la contrainte, un droit à la conception diamétralement opposée à celle de la Rome antique et des Lumières.

Bref, la Chine n’est pas un « État de droit », mais un « État par le droit », sans séparation des pouvoirs ni indépendance de la justice, ni droits individuels, et avec des avocats sous surveillance rapprochée.

Le confusianisme

Si Mao s’inspira déjà sans vergogne du « légisme », il est un autre courant de pensée dont par contre il fit table rase, qu’il tenait pour responsable de l’arriération de la société chinoise au même titre que le ritualisme et le « familialisme », et qui se trouve aujourd’hui pleinement réhabilité : le confucianisme.

Ses valeurs d’harmonie sociale sont profondément ancrées dans la société chinoise. Elles pourraient, selon François Bougon, pallier une certaine atonie du régime qui, ayant perdu, à la mort de Mao, le ressort de la révolution permanente et, à présent, celui de la croissance économique à deux chiffres, se trouverait face à une période de transition, de crise morale, de tensions et d’instabilité potentielle.

Xi Jinping réussira-t-il à faire en sorte que le « rêve chinois » devienne réalité ? Dans la tête de Xi Jinping, l’essai remarquable de savoir et d’à-propos de François Bougon, à lire absolument par tout qui s’intéresse à l’état du monde, avance que le Président chinois pourrait être son propre pire ennemi, en déchaînant les forces qui, via la libéralisation économique et les réseaux sociaux, s’émanciperont et se retourneront finalement contre lui.

Restaurer l’État de droit

Entre-temps, l’Europe serait bien avisée de s’inspirer de cette réflexion – citée par François Bougon – de Xi Jinping, qui confia au Premier ministre grec : « Votre démocratie vient de la Grèce antique et de Rome, c’est votre tradition. Nous avons notre tradition. »

Puissions-nous en Europe méditer ce propos, retrouver les racines de notre civilisation, jeter les bases de sa renaissance, de sa palingénésie (pour employer un mot dont l’étymologie remonte à la Grèce antique), et restaurer l’« État de droit ».

Puissions-nous donc éviter à l’Europe de devenir un « État par le droit » et de verser dans ce « légisme » que le Vieux Continent, aux prises avec une socialisation rampante dans bien des domaines de la vie de tous les jours, semble désormais, lui aussi, privilégier.

François Bougon, Dans la tête de Xi Jinping, Actes Sud, octobre 2017.


Sur le web

Cet article a été publié une première fois en 2017.

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  • Cet article a le mérite de mettre en lumière une grave erreur souvent rabâchée jusque dans ces colonnes: La liberté serait une aspiration universelle. Cela est faux du point de vue culturel et historique. Culturel car il existe de très nombreuses cultures extra-européennes non libérales qui ne portent fort bien et remportent l’adhésion des sujets. Et historique car même chez nous la liberté n’a été qu’une priorité transitoire, y compris en ce moment (égalitarisme, étatisme, politiquement correct…). La liberté se désire et se mérite, et trouve en effet sa racine dans l’hellénisme, elle n’est pas toujours l’amie de la démocratie (tyrannie de la majorité). Elle fut ravagée par une religion d’importation moyen orientale, le christianisme, avant de timidement renaître à la Renaissance…

    • Vous avez raison. La notion de liberté individuelle et de droit qui prime même sur l’état sont des notions récentes et qui n’ont jamais été appliqués véritablement. Si on veut « revenir au traditions anciennes » alors c’est la tyrannie qui prévaudra.

    • Christianisme (catholicisme) et liberté ne sont pas antinomiques, bien au contraire !

    • @Hank
      Pas d accord. C est pas parce que la chine est une dictature que les chinois revent de vivre ainsi.
      Ils n ont simplement pas le choix.

      Qui a envie de vivre dans un Etat ou vous pouvez vous retrouver en prison pour avoir deplu au prince (meme pas besoin d etre un opposant. regardez l ex chef d Interpol. Membre bon tain du PCC mais pas de la bonne faction -> hop disparu)

      • « Qui a envie de vivre dans un Etat ou vous pouvez vous retrouver en prison pour avoir deplu au prince »

        Des Chouans peut-être ? Ou des asiatiques …

      • Si on devait résumer en peu de mots les enjeux de la cité, on pourrait évoquer la recherche d’une bonne équation liberté-sécurité. Il se trouve que les Chinois poussent le curseur assez loin du côté sécurité et trouvent absolument repoussante la notion de désordre (effet culturel + histoire récente.) Vous donnez le choix aux Chinois entre leur régime actuel et le bordel inefficace, injuste et insécuritaire régnant en France, vous obtiendrez un raz-de-marée pro-PCC. Et la destruction accélérée de la cohésion occidentale au profit du merdier multiculturel et intersectionnel ne fait qu’amplifier cet effet repoussoir.
        L’humanisme est un ethnocentrisme…

  • Pouvez vous nous donner des exemples de marxismes dans la vie de tous le jours des chinois ?

    • Oui ,il y a des poncifs qui mériteraient d’être argumentés .
      Quant à Gorbatchev comme réformateur de l’URSS ,il y a non sens .Son objectif était la continuité de l’URSS avec des modifications à la marge et parasiter l’europe …
      La Manœuvre du « parti communiste chinois » et de son leadeur est de garder le pouvoir en instrumentalisant l’histoire chinoise à son profit .

    • Oui (pour finir), capitalisme est aussi pertinent pour décrire un état (ou autre chose), que impressionnisme ou cubisme . Il s’agit toujours d’un « isme » qu’un « journaleux » a inventé pour définir quelque chose qu’il ne comprenait pas .

    • la presence de commissaire politiques par ex. Il vaut mieux pas les contrarier (eux ou leur famille).
      Le fait que pas mal d entreprises appartiennent a l etat

      • Oui, mais cela peut exister dans une simple dictature .
        Les entreprises d’état peuvent exister dans d’autres types d’états .

        • Il n’y a nul besoin que l’Etat achète les entreprises pour les diriger. L’exemple en a été donné par Albert Speer et la mise en place de l’économie de guerre nazie. Quand le ministre fait porter un ordre à un industriel par un comparse de la SS (car Speer travaillait main dans la main avec Himmler), l’industriel en question préfère obéir plutôt que de se retrouver en camp. Des fois, toutes ces années de relative tranquillité vous font oublier la base de tout pouvoir étatique, qui est le monopole de la force. Ce n’est pas parce qu’elle est moins utilisée de nos jours, au profit d’autres méthodes plus cauteleuses, qu’elle n’existe plus et qu’elle ne pourrait plus revenir.

  • Quand les Chinois remettent en avant leur Histoire et leur culture en effet plurimillénaires, n’est-ce pas nous rendre la monnaie de notre pièce, à nous autres occidentaux prétentieux ?

    Maintenant la réalité de ce revival chinois interroge. Le despotisme à la sauce laquée c’est une chose au IIIème siècle, c’en est une autre au XXIème, où la technologie donne au despote les moyens de ses ambitions. Et là ça devient proprement terrifiant. Les Chinois veulent-ils vraiment cela ?

  • le seul chinois que j’aime bien c’est Jackie Chan.

  • Si on fait abstraction de la volonté du peuple, de la morale, de l’étique, de l’égalité, etc … Le seul critère pour un système politique est de durer.

    Pour moi les Chinois ont choisi le dirigisme pragmatique : tout faire pour que le peuple ne se révolte pas en masse.

    L’Europe a choisi l’écoute du peuple et de laisser la société civile aplanir les difficultés avec un état intervenant au minimum. Enfin jusqu’à Macron 1er et la révolte des GJ …

    • Un Etat intervenant un minimum ? Is it a joke ? Depuis la 1ère guerre mondiale, au moins, les Etats européens se sont emparés de pouvoirs immenses précisément pour faire la guerre, sauf qu’ils ne les ont jamais rendus aux peuples. Macron n’a rien inventé du tout, c’est un héritier.

      • Pourquoi depuis la 1er guerre mondiale ?

        Ce que je veux dire cependant est qu’une démocratie libérale a un sens : en assurant les fonctions régaliennes, l’état se place en arbitre et n’est pas directement responsable des problèmes. En revanche l’état dirigiste (de droite, de gauche ou du milieu) est maître de toutes les décisions et donc responsable. Il devient tôt ou tard une dictature qui soit est renversée, soit doit s’adapter comme la chine.

        Mais les changements se font sur des échelles de plusieurs générations et les GJ ne sont bien sur qu’un jalon fluo du sentier vers la falaise.

  • Les chinois ont bien compris que le socialisme des énergies renouvelables leur permettre d’améliorer leur dette carbone et donc se faire de la tune. (Ils surfent sur l’ecolo socialisme mondial) tout en acceptant qu’EDF payé par nos impôts investissent dans des fermes solaires pas du tout concurrentielles en revendant à la France les panneaux solaires qu’ils fabriquent eux même… on n’arnaque jamais un chinois. Pour donner le change ils ont acheté des Airbus ?

  • Qu’apprend-t-on dans cette article ? Faute de lire le livre, rien.
    Il y a une énorme erreur propagée et entretenue par les sociaux-pseudo démocrates : la pseudo démocratie socialiste serait synonyme de liberté et la liberté ne pourrait se développer en dehors.
    Tout d’abord, constatons que la pseudo démocratie à vote majoritaire telle que nous la connaissons n’est en rien un pouvoir du peuple pour le peuple. De quoi décident les électeurs ? A vrai dire de pas grand chose, si ce n’est de rien du tout. Ils doivent choisir dans le panel validé par « l’élite » ceux qui occuperont le devant de la scène pendant quelques années, alors que le vrai pouvoir se trouve chez les hauts fonctionnaires de l’État central, des régions, départements, communes, communautés d’agglomérations, et leurs complices des médias, des syndicats, de la finance (indispensable à l’État), des associations lucratives sans but, du show business, etc. Il n’y qu’a voir le refus absolu d’accorder le moindre pouvoir de décision aux électeurs par référendum. D’ailleurs, même quand ils en convoquent un pour des raisons politiciennes, les politiciens font tout pour que le vote soit non suivi d’effet si le résultat n’est pas conforme à leur volonté (exemple : le « brexit »).
    Il n’y a qu’une seule vraie démocratie, c’est le marché libre. Chacun y vote à hauteur de son engagement et de son habileté à servir les autres et l’avis de chacun, fut-il ultra minoritaire, est pris en compte.
    Sommes nous libres ? Quand la parasitocratie s’empare d’environ 75% du fruit du travail des producteurs privés dont elle décide unilatéralement de l’affectation, quand chacun est soumis à d’innombrables règlements, jusque dans sa vie quotidienne et dans sa vie privée, quand il est quasiment impossible d’échapper à une propagande incessante qui nous poursuit jusque dans nos boîtes aux lettres, le long de nos rues, places et routes, sommes nous libres ?
    Par contre, il y a une chose dont nous, libéraux, sommes certains, parce que ça a été démontré maintes fois par divers raisonnements jamais pris en défaut (de Say à Bastiat, Molinari, Mises, Rothbard, Hoppe et bien d’autres), confirmé par l’histoire, c’est qu’il ne peut y avoir de prospérité sans liberté. Comme tous les témoignages directs et indirects collectés sur la Chine attestent d’une prospérité époustouflante atteinte en moins de 40 ans alors que partie de moins que rien, j’en conclus que les Chinois sont probablement bien plus libres que nous, même s’il n’ont pas le loisir de participer à la mascarade de la désignation de leurs dirigeants.

    • la richesse chinoise rapportée au nombre d’habitant n’est plus époustouflante. Par ailleurs, comme tout régime collectiviste, le régime chinois montre ce qu’il veut bien montrer…

        • @breizh
          Cet article, brièvement publié sur Contrepoints fin janvier 2019 avant d’en disparaitre, comprend plusieurs erreurs de raisonnement typiquement keynésienne, qui nuisent à la cohérence de l’ensemble et donc à sa crédibilité. J’essaierai de vous en faire une critique détaillée. Personnellement, je me base sur des témoignages directs de personnes ayant séjourné en Chine, travaillant avec des Chinois, travaillant pour des entreprises chinoises, sur le nombre de touristes chinois qui, partout dans le monde ont remplacé les américains, japonais et européens, sur l’augmentation de la durée moyenne de la vie, sur le nombre de géants économiques chinois en croissance exponentielle damant le pion aux entreprises « occidentales », sur la croissance du nombre de millionnaires et milliardaires, pas sur des statistiques portant sur des agrégats incalculables comme le « PIB », la « mesure » de sa « croissance », dénuée de sens, ou « la parité de pouvoir d’achat » qui supposent qu’on puisse établir « un niveau des prix » alors qu’il s’agit, encore, d’un concept inopérant et sans intérêt.

        • Critique bienveillante de l’article « Croissance : il n’y a pas de miracle chinois » (https://www.yvesmontenay.fr/tag/chine/)

          Tout d’abord l’article confirme ce que j’ai écrit ci-dessus, à savoir que le pays était bien tombé au dernier dessous avec la dictature de Mao et la « révolution culturelle ». Une nouvelle illustration, si besoin était, de la faillite inévitable de tout système socialiste, qui ne peut mener qu’à la ruine de tous en même temps qu’à la tyrannie. Il reconnaît ensuite que des réformes libérales, menées à partir des années 1980, conduisent à un « rattrapage rapide » incluant la création « d’innombrables » entreprises privées nationales. C’est donc bien en s’éloignant du socialisme que les dirigeants chinois de l’époque autorisent un décollage économique d’autant plus spectaculaire que parti de zéro, ce qui ne surprendra que les ignorants et les imbéciles. Pour crée une entreprise privée, il faut un minimum de liberté. Et la liberté est indivisible. Peux-t-on imaginer des individus qui seraient « libres » de tout, sauf d’agir (liberté dite « économique ») ? On voit bien qu’il s’agirait d’un non sens.

          L’auteur cherche ensuite à minimiser le « miracle » chinois en lui trouvant diverses causes annexes qui n’auraient aucun lien (ou très peu) avec la liberté.

          1er argument : « le rattrapage » : en bénéficiant des avancées scientifiques, technologiques et organisationnelles » préalablement faite par d’autres, les pays « en retard » pourraient progresser plus rapidement que ceux qui se sont développés plus anciennement.
          On remarquera que les idées, une fois diffusées, sont gratuites : n’importe qui peut les adopter. Pourtant, tout le monde ne les adopte pas. Par exemple, il est connu et établit depuis plusieurs siècles que la liberté est une condition nécessaire au progrès économique (augmentation de la production de biens et services désirés par des gens prêt à échanger leur propre production pour les acquérir), social (hausse des salaires réels et diminution du de temps de travail) et humain (allongement de la durée moyenne de la vie), ce qui n’empêche pas qu’il y a des millions de gens qui prétendent le contraire et font tout pour faire régresser la liberté, tout en se disant partisans du progrès économique, social et humain. Dans le domaine technologique, ce ne sont pas les idées mais la volonté et la capacité à les apprendre, à se les approprier et à les mettre en œuvre, ainsi que le capital, qui font défaut. Apprentissage, appropriation, mise en œuvre et formation de capital prennent du temps et ne peuvent donc exister sans épargne, qui est le renoncement à une consommation immédiate dans l’espoir d’une consommation ultérieure supérieure. Et il n’y a pas d’épargne sans liberté. Un esclave n’épargne pas.
          Cet argument est donc particulièrement mal venu. On trouvera une confirmation de ce que je viens d’écrire en se posant la question « pourquoi certains peuples profitent des bonnes idées des autres et pourquoi d’autres peuples ne retiennent que les mauvaises ? »

          2e argument : « la fin de la réserve démographique ».
          Le progrès technologique permis par l’épargne engendre une augmentation continue de la productivité et permet, au choix (souvent une combinaison des deux), l’augmentation des salaires réels ou la diminution du temps de travail, qui peut prendre la forme d’un repos à partir d’un certain âge (retraite), ce qui élimine les problèmes de déclin démographique auxquels pense l’auteur.

          3e argument : « la concurrence des pays à bas salaire ».
          Comme on l’a vu plus haut, les bas salaires sont la conséquence d’une faible productivité et les hauts salaires celle d’une productivité élevée. Il n’y a de concurrence entre salariés à faible productivité et salariés à productivité élevée que dans l’esprit des socialistes. Si vous produisez plus, vous gagnez plus, si vous produisez moins, vous gagnez moins. Un phénomène naturel incontournable. Le seul risque, c’est que, le capital étant indispensable à la productivité, les gens épargnent de moins en moins et les détenteurs de capitaux préfèrent investir ailleurs que dans le pays en question à cause de politiques qui leurs sont hostiles, comme c’est le cas en France.

          4e argument (présenté en seconde place par Yves Montenay mais que j’aborde ici car j’ai besoin de ce qui précède pour en démontrer l’absurdité) : « la part trop faible de la production affectée à la consommation ».
          Comme je l’ai indiqué dans mon commentaire précédent, le « PIB » est un agrégat incalculable : il s’agit de faire la somme de biens et services hétéroclites échangés via de la monnaie entre des gens. Les statisticiens se basent donc exclusivement sur la valeur monétaire, en ignorant la valeur subjective de ce qui a été échangé, valeur non mesurable. Le fait que les prix s’expriment en monnaie ne fait pas de celle-ci un étalon.
          Concernant la mesure de son évolution (« croissance »), c’est encore pire car ce ne sont pas les mêmes biens et services qui sont échangés d’une année sur l’autre, et, plus on s’éloigne dans le temps, pire c’est. Comparer la valeur monétaire de la production chinoise de 1980 (agraire à très faible rendement) avec celle de 2018 (industrielle à haute technologie) n’a aucun sens. Idem pour les comparaisons internationales, les structures de production et de consommation étant très différentes d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’un individu à l’autre.
          De plus, comme l’a indiqué l’auteur, la prétendue « production » des administrations et de toute entreprise étatique non désirée par la population doit être retranchée du « PIB » car elle y est en effet abusivement comptée. Bizarrement, Yves Montenay applique correctement ce raisonnement à la Chine, mais pas à la France où les « administrations publiques » prélèvent environ 75% de la production des producteurs privés ! De plus, il semble ignorer que dans toute société basée sur la division du travail, l’épargne sert toujours à rémunérer des travailleurs… qui se servent de leur salaire… pour consommer (et si ces travailleurs épargnent, leur épargne va rémunérer d’autres travailleurs et ainsi de suite). Quant aux prélèvements captés par l’État, ils servent à rémunérer, soit ses propres agents, soit ses propres fournisseurs, soit des « bénéficiaires » divers et variés… qui se servent de ces revenus… pour consommer. C’est vrai en Chine, comme en France comme dans n’importe quel pays.
          Enfin, comme vu plus haut, l’épargne est une condition nécessaire (mais non suffisante) à la « croissance économique ».
          L’idée d’une affectation d’une trop faible part de la production à la consommation est donc particulièrement absurde.

          Je ne me prononce pas sur le reste car je ne connais pas la situation politique chinoise. Mais, au vu de ce que j’ai démontré ci-dessus, j’affirme, qu’aujourd’hui, les chinois sont plus libres que les français, ce qui ne présume en rien de ce qu’il en sera demain.

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