Il faut rendre la Cour des comptes vraiment efficace

La Cour des comptes doit devenir aussi efficace que le NAO britannique, sinon nous aurons toujours des rapports à la pelle sans qu’ils ne soient suivis d’effet.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Calculator By: blairwang - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Il faut rendre la Cour des comptes vraiment efficace

Publié le 14 février 2019
- A +

Par Nicolas Lecaussin.
Un article de l’Iref-Europe

Comme tous les ans, le rapport de la Cour des comptes fait la Une des médias pendant quelques jours. Et comme pratiquement tous les ans, on apprend que le déficit et la dette augmentent alors que d’autres pays s’en sortent beaucoup mieux (la moitié des pays de la zone euro affichent un équilibre structurel de leurs finances). Donc, la France est championne des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques mais se classe aussi parmi les « meilleurs » pour ce qui est du déficit et de la dette. Pire, aucun signe d’amélioration n’est visible et aucune vraie réforme n’est envisagée par le gouvernement.

De même, la Cour critique la gestion de Radio France, s’inquiète de la « réforme » des trains Intercités et dénonce de nombreux privilèges accordés aux agents EDF. Elle a déjà abordé tous ces sujets dans le passé. La situation d’EDF et les avantages très coûteux des agents ainsi que les dépenses de leur comité d’entreprise (le fameux CCAS qui dispose d’un budget de plus de 470 millions d’euros) ont déjà fait l’objet de multiples recommandations de la part des magistrats de la Cour. Dans le rapport qui vient d’être publié on trouve, concernant EDF :

L’avantage Énergie, c’est-à-dire la gratuité de l’abonnement à EDF, un tarif préférentiel à l’électricité (4 % du tarif de base) et l’exonération des taxes. Cela s’applique à la résidence principale, à la résidence secondaire, voire à une résidence occasionnelle, même pour les agents retraités… « Le coût pour l’entreprise résulte à la fois du manque à gagner sur les montants facturés au titre de l’abonnement et des tarifs, ainsi que de l’obligation qui pèse sur elle d’acquitter les taxes en lieu et place des salariés et retraités bénéficiaires de l’avantage. » Soit 295 millions en 2017.

Le régime spécial de retraite. Ses règles convergent vers celles du régime général. Mais il est toujours possible de partir à la retraite à 57 ans, avec 17 ans de services actifs. La retraite est calculée à un taux de 75 % s’appliquant à la moyenne des six derniers mois, treizième mois inclus. EDF prend en charge 800 millions par an au travers, entre autres, d’une taxe payée par les consommateurs sur leurs factures.

Le parc de logement. 14 408 logements étaient à disposition des salariés en 2017. Cela représentait une charge de 295 millions d’euros pour EDF, en hausse de 11 % par rapport à 2011.

La politique familiale. De généreuses primes sont versées pour événements familiaux ; par exemple, un mois et demi de salaire pour la naissance d’un premier enfant. En tout, ce type d’aides a atteint 68,1 millions d’euros en 2017.

Les thèmes des rapports de la Cour reviennent régulièrement

Tout cela est bien connu depuis longtemps. L’IREF l’a écrit plusieurs fois et nous avons aussi montré que la facture d’EDF est une liste de taxes dont la plupart sert à financer les privilèges des agents. On peut d’ailleurs se demander pourquoi les Gilets jaunes ne s’en emparent pas pour protester contre ces avantages financés avec l’argent public.

C’est très bien que la Cour revienne sur ces faits mais ce serait encore mieux si ses recommandations étaient suivies d’effet. L’IREF a déjà analysé le travail de la Cour. Dans une étude publiée il y a quelques années, notre Institut a fait ce bilan : sur 73 rapports émis par la Cour des comptes sur la période 2007-2012, environ 35 ont connu un suivi partiel des recommandations et 31 sont tombés dans l’oubli sans qu’aucune recommandation ait été suivie. Seulement 7 ont été suivis en totalité.
De même, aucune donnée n’existe concernant les économies réalisées à l’aide des travaux de la Cour des comptes.

« Value for money » pour le NAO britannique

À titre de comparaison, les travaux de l’agence britannique NAO (national Audit Office) ont permis (sur la même période) de faire économiser près de 5 milliards de livres sterling aux contribuables. Pour chaque euro dépensé, le NAO optimise la dépense publique de 16 euros. Une priorité apparaît clairement dans ses missions : la recherche des économies et de l’efficacité. Son objectif est d’économiser en moyenne 10 livres sterling pour chaque livre dépensée.

Cet organisme dépend du Parlement britannique et envoie ses rapports au Public Accounts Committee, commission parlementaire d’une quinzaine de députés qui produit ensuite son propre rapport. Puis le gouvernement a l’obligation de se prononcer sur les recommandations de ce rapport dans les 4 mois qui suivent. Les employés du NAO sont des auditeurs (le président a travaillé chez Price Waterhouse) et non des juristes.

Ce ne sont pas des fonctionnaires qui peuvent retourner dans l’administration comme c’est le cas à la Cour des comptes. Les audits réalisés par le NAO sont des audits de performance et d’efficacité, pas de légalité. L’administration ou le service public audité est obligé d’accepter ou de refuser les recommandations concrètes et chiffrées qui lui sont faites. Les recommandations refusées donnent lieu à une audition publique au cours de laquelle les directeurs concernés doivent justifier leur décision.

Contrairement aux directeurs d’administrations français, les directeurs britanniques sont responsables de l’utilisation de l’argent public devant le Parlement. En 2017-2018, selon le rapport annuel, le NAO a certifié 370 comptes, publié 65 rapports et 32 « guides » sur un large éventail de questions relatives aux dépenses publiques, soutenu 51 sessions de présentation de preuves du Comité des comptes publics (PAC) et atteint ses objectifs d’efficacité. Les recommandations ont débouché sur des économies vérifiées de 741 millions de livres sterling (846 millions d’euros) en 2017-2018.

La Cour doit devenir aussi efficace que le NAO britannique, sinon nous aurons toujours des rapports à la pelle sans pour autant qu’ils soient suivis d’effet. Confier des audits à de vrais auditeurs plutôt qu’à des fonctionnaires, rendre cette Cour responsable devant le Parlement, seraient déjà des avancées. La réforme de l’État français passe aussi par la transformation de la Cour des comptes.

Sur le web

Voir les commentaires (17)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • Je pense que ça ne changera rien. Les recommandations seront refusées, et les directeurs d’administrations donneront des arguments bidons.

    Ça ne serait pas la même chose s’ils n’avait pas le droit de refuser…

  • il faut donner a la cour des compte le pouvoir de justice

  • A quoi ser ce machin s’il n’est que consultatif.
    Le citoyen est tancé à la moindre incartade, l’état lui peut tricher en tout impunité

    • Il sert au moins à nous informer et à nous permettre de constater -preuves à l’appui- que nos gouvernants sont des nuls.

      • D’un autre côté, pour ne pas déjà l’avoir constaté, il faut une bonne dose d’aveuglement. Mais au niveau du citoyen, que faire ?
        Interdire le port du gilet jaune aux agents EDF ? 🙂

      • @ Hélébore
        Pas forcément des nuls! Mais ils ont plus intérêt à dépenser qu’à économiser! Capice?

  • pour cela, il faudrait que les députés et sénateurs aient la volonté de contrôle le gouvernement et l’administration. Comme la plupart sont des fonctionnaires et ne pensent qu’à aller à la soupe, ils ne vont pas scier la branche sur laquelle ils sont assis.

    • C’est tout à fait cela. Il y a connivence entre les parlementaires, les directeurs des administrations et la Cour des Comptes. C’est le même petit monde qui se connaît bien.

  • Le vrai problème est peut-être que des fonctionnaires sont par définition irresponsables. Et comme par hasard ils possèdent des postes qui impliqueraient de lourdes responsabilités. Donc interdisons aux fonctionnaires de décider pour 80% de la population. Cela serait un début.

  • Les 20% de la population active sont des fonctionnaires. C’est curieux qu’ils puissent avoir autant de pouvoir sur ceux qui les font vivre. L’esclavagisme du secteur privé pour nourrir une caste d’individus qui dit se sacrifier pour leur pays. Il faudrait étaler les chiffres pour que l’on arrête cette “entorse” aux droits de l’homme. Un seul humain, un seul droit. Ou alors quoi ? Sinon donnons le pouvoir aux 80% qui produisent des richesses.

    • N’était-ce pas dans la Republique de Rome que l’administration était confiée à des esclaves, par définition non citoyens, non électeurs et non éligible ?

  • On touche du doigt la fonction régalienne de l’état .
    La cour des compte n’existerai même pas si on e faisait que du régalien
    Donc en fait il y a abus de pouvoir de l’état.
    Dans la mesure ou toute les sommes de l’etat son sujet a appels d’offre et justification de par la loi comment peux t’on justifier un dépassement sauf si il y a connivence donc tricherie.
    Encore une fois on touche du doigt le non respect des lois qui ne sont pas appliqués et réalisé par des gens qui les utilisent à leur propre fin.
    La France est une donneuse de leçon mais est incapable de ce les appliqués.
    la triche va bon train à tous les niveaux des strat de la vie publique, c’est honteux de dépenser 57% + 3% de dette chaque année sans même se remettre en cause une fois.
    Les Francais ferment les yeux sur leur propre triche de peur de perdre leur acquis.
    Qui osera dire stop

  • Il est temps que les rapports de la Cour des Comptes deviennent contraignant comme pour le NAO.
    Et que les régimes spéciaux soient justifiés ou démolis par la loi.
    Voilà deux bons sujets pour des référendum, non ?

  • La Cour des Comptes fait chaque année des rapports qui nous feraient bien avancer si le gouvernement en suivait les recommandations : il est scandaleux que des travaux aussi sérieux, qui nous coûtent aussi au passage, restent au fond des tiroirs.
    La frilosité des gouvernements les amènent à augmenter les impôts plutôt qu’à rationaliser l’action publique selon les voies tracées, heureusement les gilets jaunes ont sonné l’alarme, ce n’est plus tenable.Il faut que la Cour des Comptes devienne une vraie juridiction, dont les propositions d’amélioration de gestion, voire les sanctions (au fait ça n’existe pas dans l’administration !) fasse l’objet de jugements exécutoires et que les gouvernements qui ne les applique pas soient démis.

  • En France, les directeurs d’administrations sont de petits rois, des roitelaids… Oups, roitelets…

  • Cela ne date pas d’aujourd’hui que La Cour des Comptes ne sert a rien .. La preuve ,
    Hollande Cour des Comptes , donc pro des finances : le résultat sur 5 ans de Presidence ?? Sapin ministre des finances ,
    cour des Comptes bilan ?? A part de se faire un carnet d’adresses et vivre au crochet des autres ?? Et après viennent donner des leçons !! etc …

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Nommé ministre du logement jeudi 8 février, Guillaume Kasbarian avait accordé un entretien à Contrepoints en novembre dernier en tant que député Renaissance de la première circonscription d'Eure-et-Loir et président de la Commission des affaires économiques.

 

Contrepoints : Bonjour Monsieur le Député, merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent peut-être pas, pourriez-vous nous parler de votre parcours et nous raconter ce qui vous a amené à vous engager en politique et à ... Poursuivre la lecture

La DREES a publié le 14 décembre dernier une étude qui révèle, que pour la septième année consécutive, la France est championne européenne des dépenses sociales. Celles-ci représentent 32,2 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE se situe à 21 %.

Mais, dans le même temps, le taux de pauvreté augmente dans notre pays : entre 2004 et 2021 le nombre de pauvres (seuil à 50 % du niveau médian) est passé de 4,2 à 5,2 millions de personnes. Pourquoi nos dépenses sociales sont-elles aussi élevées ? Comment continuer à les financer ?<... Poursuivre la lecture

L’Institut économique Molinari a publié une étude inédite visant à comparer le rapport coût/efficacité des différents pays européens en termes d’éducation et de formation. Elle analyse 30 pays européens et effectue trois comparatifs : le premier sur l’éducation primaire et secondaire, le second sur le supérieur, et le troisième sur l’ensemble du système de formation.

 

Un manque d'efficacité global autour de 16 milliards d'euros

La France se situe à la 22e place sur les 30 pays d’Europe étudiés. Au titre du primaire, du sec... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles