Un été avec Homère, de Sylvain Tesson

Deux poèmes antiques considérés comme fondateurs de la civilisation occidentale présentés par Sylvain Tesson.

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Un été avec Homère, de Sylvain Tesson

Publié le 5 janvier 2019
- A +

Par Thierry Godefridi.

L’Iliade et l’Odyssée, « ce journal du monde écrit une fois pour toutes », il y a près de trois mille ans (au VIIIe siècle avant notre ère), quatre siècles après les faits qu’il relate, par Homère, témoignent de l’homme « fidèle à lui-même, animal grandiose et désespérant, ruisselant de lumière et farci de médiocrité », écrit Sylvain Tesson dans Un été avec Homère.

L’Iliade raconte les dernières semaines de la guerre de Troie, qui dura dix ans et opposa les Achéens venus de toute la Grèce aux Troyens et à leurs alliés d’Asie mineure, dans la ville d’Ilion, autre nom (d’où est dérivé celui d’Iliade) de la ville de Troie, située sur la côte de l’actuelle Turquie. L’Odyssée est le récit du retour d’Ulysse, l’un des héros de la guerre de Troie, qui mettra dix nouvelles années à rentrer dans sa patrie, l’île d’Ithaque, au terme d’un périple rendu périlleux par les caprices des dieux.

Ces deux poèmes antiques sont considérés comme fondateurs de la civilisation occidentale, des catégories essentielles de notre pensée européenne que sont la connaissance et l’action. Sylvain Tesson, l’évadé de l’Axe du Loup, l’ermite des rives du lac Baïkal dans Les Forêts de Sibérie, le hussard de retour de la Berezina, le ressuscité de Sur les chemins noirs, n’hésite pas à écrire dans Un été avec Homère que l’Europe est « la fille d’Athènes autant que de Jérusalem ». L’Iliade et l’Odyssée ne sont-elles pas antérieures aux textes sacrés ?

L’invariabilité de l’homme

Il croit aussi à l’invariabilité de l’homme. Si certains s’imaginent qu’il est perfectible, que le progrès le bonifie, que la science l’améliore, ils se trompent ! « Le poème homérique est immarcescible, car l’homme, s’il a changé d’habit, est toujours le même personnage, mêmement misérable ou grandiose, mêmement médiocre ou sublime ». Hector, Achille et Ulysse nous en disent plus sur l’homme et sur l’humanité que les experts autoproclamés, « ces techniciens de l’incompréhensible qui masquent leur ignorance dans le brouillard de la complexité ».

Pourtant, admet l’auteur d’Un été avec Homère, les héros ne sont plus ce qu’ils étaient. « Deux mille ans de christianisme, récemment converti en philosophie égalitariste, ont porté au pinacle le faible à la place du guerrier. » Il ne s’agit plus de devenir le meilleur de tous ; tout le monde, il est le meilleur, tout de suite. Dans les épopées homériques, l’homme lutte et ne se livre pas à « cette activité si cartésienne, si française, de récriminer contre son sort, de chercher des coupables, de se défausser de ses responsabilités ».

Quelle que soit l’emprise alléguée des dieux sur le cours des événements, l’axiologie homérique est plantée dans la lumière et la vérité du réel, dont il faut se contenter. « Tout est beau dans ce qui se dévoile » (Iliade XXII, 73). Il nous faut jouir de notre part de vie, sans rien escompter d’un au-delà. Demain est une imposture. Les dieux de la mythologie grecque appartiennent à ces histoires que se racontent les hommes pour se représenter le monde dans sa complexité et comprendre les forces du destin et de l’inconscient qui interagissent avec leur propre vouloir.

Contre l’égalitarisme

« Mieux vaut, écrit Sylvain Tesson, reconnaître la diffraction du monde au lieu de chercher à unifier et, pis ! à tout égalitariser ». Si Ulysse surpasse les autres, c’est parce que, doté de son mental et de son expérience, le héros se montre le plus intelligent et le plus habile. « Le monde ne se réduit pas à une dalle de ciment où pas une tête ne dépasserait, où tout se vaudrait, rapporté à ce hideux principe de l’égalité. »

L’excellence et l’esthétique auraient-elles cessé d’avoir cours ? « Faut-il avoir le cœur sec et l’âme fatiguée, écrit Sylvain Tesson dans Un été avec Homère, pour espérer des paradis hypothétiques – sur Terre ou dans l’au-delà, ajouterions-nous –, alors que le champ d’émerveillement se déploie là, somptueusement vivant, devant nous. »

Un été avec Homère, Sylvain Tesson, 256 pages, 14,50 €, Éditions des Équateurs/France Inter.

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  • excellent , bravo

  • J’ai lu l’Iliade à 16 ans et cet oeuvre a dirigé ma vie.
    J’ai ressenti à chaque page comment ce sont nos choix qui déterminent notre parcours, comment toute vie est le résultat d’une hésitation, puis d’un choix.
    Comme un virus, cette évidence du choix assumé s’est incrusté dans un méandre de mon cerveau et ne l’a plus quitté un demi-siècle plus tard.

    Que ce soit Agamemnon, qui aurait pu ne pas écouter Mélénas, Hélène ne pas suivre Paris, Achille écouter sa mère, Patrocle ne pas désobéir à Achille, Priam refuser d’accueillir Hélène, Hector ne pas prendre la place de son frère, les Troyens rentrer le cheval, et de nombreux autres exemples.
    Chacune de ces décisions ont conduit à l’inéluctable fin, chacune aurait pu changer l’histoire…

    La grande leçon de l’Iliade, le message à l’humanité : vous êtes responsables de votre vie (mort)…

    • +1000
      le principe de responsabilité fabrique des héros (heureux ou malheureux)
      le principe de précaution fabrique des couilles molles
      A nous de choisir

      • @ ragnarock
        Bravo pour le principe de précaution!

        Et évidemment, le risque commence dès la conception d’un enfant en sa mère jusqu’au décès de cet enfant, adulte ou vieillard: il n’y a pas de vie sans risque, si on veut la liberté, avec succès et échecs.

    • @ Leipreachan
      D’accord: vous avez lu l’Illiade à 16 ans et j’applaudis.
      Mais avez-vous eu besoin de Sylvain Tesson pour décoder vos lectures? Non, sans doute! Mais l’article est clairement plus la promotion du livre de S.Tesson, qu’un plaidoyer pour l’Illiade d’Homère, ce qui a bien moins d’intérêt!(l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme …)

  • Bonsoir Leipreachan,
    J’ai traduit des morceaux de l’Odyssée à 13 ans, à l’école, trop tôt sans doute parce que à part L’Aurore aux doigts de rose, je ne me souviens plus de grand chose. Nous ne traduisions pas l’Iliade écrite dans un dialecte plus difficile.
    Sylvain Tessier ayant étudié en khâgne doit bien connaître ces deux œuvres et je suis tenté de lire ce qu’il en dit surtout après le commentaire de Godefridi, pub ou pas mikylux.

    • En fait, j’ai lu une version scolaire, sorte de ‘reader’s digest’ de nombreuses œuvres plus compliquées.

      Beaucoup plus impatient dans ma jeunesse, j’ai toujours été un « Querleser » un lecteur en diagonale, ce qui m’a permis de lire, ou peut être survoler, un énorme quantité de livres…

      Mais l’essentiel pour moi, le message, a été transmis.

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