Banques : il faut libérer le courtage en crédits

Le temps de la transition bancologique est venu. La marche du commerce bancaire vers la liberté passe par la réforme ambitieuse du Droit de la distribution bancaire.

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BMO Banque de Montreal By: Jason Thibault - CC BY 2.0

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Banques : il faut libérer le courtage en crédits

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 octobre 2018
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Par Laurent Denis.

Le renouvellement profond du secteur bancaire est engagé. Plongés dans les braises de cette transformation, les Intermédiaires bancaires, dont font partie les courtiers en crédit, métamorphosent ce secteur. La banque de détail universelle à la française, dont le concept remonte aux années 1960, se trouve partout décomposée. Le temps est aux banques spécialisées, pointues, exigeantes, arrimées à des réseaux de distribution indépendants, repensés et performants, déjà à l’œuvre. Pour sortir de l’engourdissement bancaire et pour amplifier la libéralisation du secteur au bénéfice de l’économie comme des consommateurs, il est impératif d’ajuster vigoureusement le droit bancaire.

Le déclassement de la banque universelle française souligne la nécessité économique de banques spécialisées

L’inefficience du système français de banque de détail va de pair avec l’insatisfaction chronique des consommateurs bancaires. Les racines de ces maux tiennent en une réalité économique factuelle : le modèle de banque de détail auto-proclamée « universelle » a sombré. Il est à l’agonie.

Créé en 1962 par l’historien de l’économie et éminent soviétologue, Alexander Gerschenkron (1904-1978), ce concept visait alors à mobiliser l’épargne vers l’investissement productif. Éternelle farce. La revendication de l’universalisme suppose ou renvoie à des égalités en droit, dimension pourtant totalement absente du concept de banque universelle. La prétention universaliste vise en réalité un fonctionnement intégral, autoritaire, voire confiscatoire de l’énergie financière nécessaire à l’économie.

La banque de détail universelle broie universellement toute l’économie. Elle en fait sans relâche la démonstration, depuis son irruption, auprès de toutes ses clientèles : d’entreprises comme de particuliers. Elle est parvenue à ce résultat à l’aide d’un allié de poids : le Droit bancaire.

Mode de calcul tordu du Taux Effectif Global (TEG) des crédits, ventes d’assurances emprunteurs massives, abusives et sans conseil, coûts prohibitifs et traitement dégradé des paiements, ou encore tout récemment, en septembre 2018, tarification outrancière des incidents de paiement : la banque de détail française a érigé universellement l’hyper-tarification des clients au rang de modèle économique.

Au contraire, les quelques établissements bancaires spécialisés ayant survécu à cet engloutissement universel font partout la preuve de leur efficacité comme de leurs bienfaits économiques : banques spécialisées en crédits à la consommation, ou en regroupement de crédits, caisses de Crédit municipal attentives aux différentes clientèles, banques spécialisées en gestion de patrimoine, ou encore, quelques banques locales, coopératives ou non, lorsqu’elles ne sont pas étouffées par de puissantes enseignes.

Débarrassées du complexe de réseaux d’agences discrédités, ces banques spécialisées contribuent à la régénération du secteur bancaire en s’appuyant sur des réseaux de distribution indépendants : notamment ceux des courtiers en crédit.

Libérer les courtiers en crédit des entraves juridiques infondées

Les Intermédiaires bancaires, ou « IOBSP » (Intermédiaires en Opérations de Banque et en Services de Paiement), plus généralement connus sous leurs formes de courtiers et de mandataires en crédits, contribuent déjà au remodelage du secteur bancaire français. Ils développent en effet la distribution des services et des produits bancaires de manière indépendante des établissements (« des banques ») qui les produisent. Une rupture puissante, prometteuse.

Toutefois, leur liberté d’entreprendre se révèle fortement entravée, soit par des mesures juridiques dépourvues de toute motivation notamment économique ; soit par des mesures juridiques particulièrement inégalitaires, notamment en regard de celles, dérogatoires, dont bénéficient les banques pourtant placées dans des situations de commercialisation strictement identiques.

Mesures bloquantes inutiles, mesures inégalitaires : la liberté bancaire est aisément accessible.

Le Droit bancaire, qui a soutenu pendant un demi-siècle l’injustice bancaire, peut très facilement favoriser simultanément l’équité, la protection des consommateurs bancaires et le dynamisme économique du secteur qu’il touche.

Quatre grandes orientations juridiques participeraient aisément à cet ajustement.

  1. Clarifier le droit de la distribution bancaire, perclus de complexités inutiles et de zones d’ombre : des questions simples, courantes, devraient disposer de réponses juridiques claires et partagées.
  2. Supprimer les interdits de principe, sans contrepartie juridique ou économique, qui sont autant de blocages inutiles : ceci est notamment vrai pour faciliter l’intermédiation bancaire digitale, dont le Droit semble se méfier par principe, sans raison autre que la crainte de l’inconnu.
  3. Harmoniser entre eux les principes juridiques des différentes distributions, notamment de crédit et d’assurance : cette culture de la différence systématique handicape directement les Intermédiaires.
  4. Exiger de tous les professionnels, quels que soient leurs statuts, qu’ils appliquent les mêmes principes de distribution, sans discrimination revendiquée et dérogations injustifiées, dès lors qu’ils pratiquent les mêmes activités.

Deux mesures concrètes, fort simples, apporteraient immédiatement un radical et palpable changement au secteur bancaire français : introduire deux obligations déjà imposées à tous les professionnels, sauf aux banques ; il suffit de les étendre à celles-ci ; elles sont profondément lisibles et justes :

  • « tenir compte» dans toutes les opérations de la banque, « des droits et des intérêts des clients » ;
  • délivrer une obligation de conseil généralisée : à tous les clients, tous les produits et services, contraignant les banques « à préciser aux clients les raisons qui motivent leurs propositions de produits et de services».

Les banques doivent recevoir des règles de conduite, juridiques. Ce mouvement pour la justice et l’efficacité bancaire fait l’objet d’une demande par voie de pétition.

Le temps de la transition bancologique est venu. La marche du commerce bancaire vers la liberté passe par la réforme ambitieuse du Droit de la distribution bancaire. La liberté d’entreprendre n’est pas dangereuse pour le monde bancaire ; au contraire, elle peut même s’avérer un puissant levier de protection et de satisfaction des consommateurs bancaires.

Maître Laurent Denis pratique et enseigne le Droit (www.endroit-avocat.fr)

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  • les banques sont comme le reste fortement fonctionnarisées

    • @ claude henry de chasne
      Une banque, c’est essentiellement de l’administration.
      Actuellement, il vous sera difficile de trouver un banquier qui s’occupe plus de vos intérêts que de ceux de la banque (et parfois, en même temps, des siens).
      En réalité, l’essentiel de l’activité bancaire se passera de plus en plus par internet sans intervention humaine, sauf du client! Les frais sont alors nuls! Et pour demander un crédit , mieux vaut explorer soi-même les formules qui conviennent le mieux, les intermédiaires sont rarement désintéressés! (Les banquiers gagnent leur vie en prêtant! Il n’y a pas de cadeau dans ce secteur!)

  • Il faut arrêter de mettre le mot « transition » à toutes les sauces.
    Il n’y a qu’évolution.
    Tout le temps.

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