Par Nafy-Nathalie.
Avoir la pleine propriété d’un bien c’est posséder un droit constitué de 3 éléments, tout à fait dissociables, sur un bien. On a ainsi l’usus (le droit d’user du bien), le fructus (le droit d’en percevoir les fruits) et l’abusus (le droit d’en disposer à sa guise).
Dans cette certaine situation, le propriétaire peut céder temporairement ou de manière permanente un ou plusieurs des 3 éléments qui le constituent. On parle alors de démembrement du droit de propriété. Ainsi par exemple, dans le cadre du viager, on a un propriétaire usufruitier, qui a le droit, jusqu’à son décès, pour résumer grossièrement, d’habiter et de percevoir les loyers du bien, et un nu-propriétaire qui, lui, conserve le droit de céder le bien.
Il y a aussi une autre situation dans laquelle le droit de propriété est démembré de manière évidente mais à laquelle on ne pense pas toujours, c’est la location. Lorsqu’un propriétaire loue son logement, il cède l’usus à un locataire de manière temporaire mais conserve le fructus (le droit de percevoir les loyers) et l’abusus (le droit de vendre le bien).
Quand le locataire sous-loue
Lorsque le locataire sous-loue son logement, il agit comme s’il détenait le fructus du bien alors qu’il ne l’a pas. C’est la raison pour laquelle, l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 qui régit les relations entre les propriétaires et locataires de logements vides ou meublés, indique que la sous-location est interdite, sauf accord écrit du bailleur sur le principe et le montant du loyer de la sous-location, étant précisé que ce loyer ne peut être supérieur à celui du bail principal.
Ce droit du propriétaire d’un bien immobilier d’en percevoir tous les bénéfices est confirmé par ce que l’on appelle le droit d’accession qui résulte des articles 546 et 547 du Code civil. Le locataire qui garderait pour lui les bénéfices qu’il tirerait de la sous-location commettrait donc une faute.
C’est sur ce fondement que sont appuyées les dernières décisions condamnant lourdement des locataires qui sous-louaient leur logement via des plateformes de location temporaire meublée.
Le propriétaire a gain de cause
Le 5 juin 2018, pour la première fois, le droit d’accession a été invoqué dans un dossier et a servi de fondement pour faire condamner des locataires à rembourser à leur bailleur les loyers qu’ils avaient perçus en sous location (plus de 28 000 €). Le dossier a été plaidé devant la cour d’appel de Paris.
Le 24 octobre 2018, le tribunal d’instance de Paris a confirmé cet argument et a condamné un locataire à restituer au propriétaire les 46 000 € de loyers qu’il avait perçus en sous-louant. Il a ordonné aussi l’expulsion immédiate du locataire. Capital l’évoque comme la plus lourde condamnation infligée à un locataire. C’est vrai.
Ces décisions sont très intéressantes. Le fait d’être pour ou contre la location meublée saisonnière n’entre pas en ligne de compte dans cette perspective. Les juges ont simplement replacé les droits du propriétaire sur ses biens au sein du dispositif et, après toutes les décisions et lois qui les limitent, on a juste envie de crier « enfin ! ».
Actuellement, il suffit donc de ne pas sous-louer à Airbnb pour ne pas être expulsé rapidement. Ils ne doivent pas aimer Airbnb, alors pas du tout, pour émettre ce jugement.
Le fait d’utiliser Airbnb pour de la sous-location n’est, à mon sens, pas très malin, car tout est tracé et il possible (à confirmer, je ne suis pas expert en droit) que si un juge demande des informations précises à Aribnb il pourrait les obtenir et donc “prouver” facilement la sous-location.
Si ce locataire avait fait de la sous-location via des amis, etc. le tout en cash ou sans trace électronique, la condamnation aurait été plus difficile.
Pour moi ce n’est pas l’utilisation d’Airbnb en soit qui a entraîné cette sanction, mais le système informatique permettant de tracer plus rapidement/facilement les informations.
Oui, enfin. Le droit de propriété est un des droits naturels et imprescriptibles de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui a valeur constitutionnelle.
Je comprends mal la limitation du fructus qui parait contradictoire si on voit le cas fréquent des agences immobilières, assez assimilable à des locataires sous-louant à leurs clients. L’agence ne travaillant pas pour rien, elle ne cède pas tout le montant de cette “sous-location” au propriétaire. Je suppose que d’autres lois entrent alors en jeu, contredisant le principe général. (Et il ne serait alors pas absurde de donner le même statut à Airbnb!)
L’accord est contractuel dans ce cas, me semble que ca élimine le problème.
@mikylux
Comme le souligne Chk il y a un accord contractuel entre l’agence et le propriétaire, définissant, entre autre une somme (souvent un pourcentage appliqué sur le loyer) pour gérer la location du bien.
On pourrait imaginer un modèle où l’agence verse au propriétaire l’ensemble du loyer et facture, à part, ses frais.
Par question de facilité (pour les deux parties), l’agence verse le loyer moins les frais liés à la gestion locative au propriétaire.
Dans les deux cas, le propriétaire perçoit bien l’ensemble du “fructus” de son bien, le côté pragmatique l’emporte pour la méthode choisie pour le règlement (loyer – frais = somme perçu par le propriétaire).
@ Eric
Oui, c’est ce que je pensais bien: l’agence est un fournisseur de service et non un locataire!
Je ne comprends pas pourquoi RBNB ne demande pas l’acte de propriété à la personne qui souhaite louer un logements ? RBNB pourrait ainsi s’assurer que cette personne ne sous-loue pas l’appartement en question (sauf sur présentation d’un contrat de bail qui l’autoriserait . . .) et RBNB n’aurait pas à gérer ce genre de problème avec la justice !
Je ne crois pas que ce soit AirBnB qui est inquiété par la justice, mais le locataire.
On aimerait que la justice préserve autant le fructus des propriétaires quand, souvent avec l’aide d’association dévoyées, des squatters ont envahi leurs biens.
Bof. Je trouve ces histoires de licences d’utilisation complètement idiotes. Matériellement le propriétaire donne réellement l’usage à son locataire de manière temporaire, l’exclusivité de l’exploitation du “fructus” me semble être une invention du même genre que la propriété intellectuelle. Il devrait y avoir une obligation du locataire à informer le propriétaire de la sous-location et des sommes perçues et la possibilité laissée au propriétaire d’augmenter le loyer d’autant et ça suffirait. Pour le reste le locataire resterait responsable des éventuels dégâts du bien du propriétaire.