La langue des médias, par Ingrid Riocreux

Pour Ingrid Riocreux, le journaliste possède une manière qui lui est propre de dire, de ne pas dire, de mal dire, de faire ou de laisser dire.

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La langue des médias, par Ingrid Riocreux

Publié le 3 août 2018
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Par Thierry Godefridi.

Regardez une vitre plutôt qu’au travers d’elle et vous constaterez ce que vous n’auriez pas vu si elle avait été parfaite : une bulle dans l’épaisseur du verre, un éclat, une griffe, des taches, une certaine anisotropie (c’est-à-dire une dépendance de la direction dans laquelle on regarde), des défauts qui certes peuvent n’être qu’à peine visibles, mais qui déforment néanmoins la perception de ce qui se trouve de l’autre côté de la vitre.

C’est l’analogie qu’utilise Ingrid Riocreux pour introduire le sujet de son magistral essai La langue des médias, Destruction du langage et fabrication du consentement. Un événement en lui-même ne constitue pas l’information. Le métier du journaliste consiste à produire l’information, à mettre l’événement en avant : il s’agit pour le journaliste d’informer (étymologiquement : « doter d’une forme ») une réalité informe (étymologiquement : « sans forme »).

Communication pour propagande

Pas plus que l’événement ne constitue l’information, cette dernière n’est pas ce qui s’est passé, mais la communication de ce qui s’est passé. Le journaliste fait le choix d’en parler (ou de ne pas en parler), et, s’il en parle, il choisit aussi, consciemment ou non, la manière d’en parler. « Communication », avance Ingrid Riocreux, est le mot qui, dans le langage courant, s’est substitué à « propagande », ce dérivé lexical du verbe « propager » ayant désormais une connotation de manipulation des esprits.

Alors que, comme le démontre, à force d’exemples, Ingrid Riocreux, agrégée de lettres modernes et docteur de l’Université Paris-Sorbonne, le journaliste n’a habituellement « ni le goût du français, ni la volonté de bien l’utiliser », il possède, par contre, une manière qui lui est propre de dire, de ne pas dire, de mal dire, de faire ou de laisser dire. En outre, il reproduit, « par mimétisme grégaire », le parler de ses confrères sans tenir compte de ce qu’il reflète un jugement éthique sur les sujets abordés, des points de vue propres à des courants de pensée, une doxa faite de préjugés, de stéréotypes, de présupposés, de croyances inconscientes et irrationnelles de la société.

Slogan-schtroumpf

« Je suis Charlie » constitue un exemple-type de « slogan-schtroumpf », une formule vide et ambiguë qui n’avait pas le même sens pour tous les Schtroumpfs en présence. Même Marine Le Pen, interrogée par un journaliste, n’osera pas dire : « Je ne suis pas Charlie ». Ingrid Riocreux rappelle le propos d’Antoine Buéno qui, dans son Petit livre bleu, considérait la société des Schtroumpfs comme l’archétype d’une utopie totalitaire, une société non-démocratique où l’on ne vit pas trop mal. Serait-ce la description adéquate de celle dans laquelle nous vivons ?

Il existe d’autres expressions adoptées par le journaliste dont la neutralité est absente : « climato-sceptique » par exemple. Il s’agit non de désigner des gens qui doutent du climat, mais de dénoncer ceux qui doutent de la climatologie réduite à une seule thèse, celle du réchauffement global, durable, d’origine anthropique. Or, parmi lesdits climato-sceptiques, il en est qui s’interrogent sur la réalité, la durée ou la cause du réchauffement climatique sans que le mot climato-sceptique ne permette de les distinguer. Les qualifier de climato-négationnistes – l’expression existe –, c’est aller un cran plus loin !

« Europhobe » est un autre exemple de perversion du langage des médias. Si le journaliste qualifie un parti d’europhobe, c’est non seulement que le parti est eurosceptique mais aussi qu’il a tort de l’être (puisque la phobie, peur irraisonnée, irrationnelle, déclenchée par une circonstance sans danger, s’apparente à un état psychopathologique).

Ingrid Riocreux cite le propos de l’ancien sénateur socialiste Jean-Pierre Michel selon lequel, en démocratie, « le fondement du juste, c’est le rapport de force » et expose cette vision marxiste de la vérité :

Tant qu’il parvient à influer sur l’information, donc à orienter l’opinion et à dicter ce qu’on appelle désormais le politiquement correct ou la pensée unique, tel groupe de pensée est en situation de pouvoir. Jusqu’au renversement du rapport de force.

Dans cette mise en ordre du chaos régie par la loi de la pesanteur idéologique, le journaliste de révérence contribue à la fabrication du consentement (sans-frontiérisme, antiracisme, européisme, un certain féminisme, une certaine doctrine climatologique, etc.) mais ne joue finalement, contre l’éthique de sa profession, qu’un rôle subsidiaire, de courroie de transmission, d’« idiot utile ». Encore faut-il s’interroger sur le rôle des lecteurs, auditeurs, téléspectateurs qui sont soumis au discours orienté et orientant.

« L’information est contaminée. L’agent infectieux, c’est l’idéologie. Nous sommes tous malades ou en danger de l’être », prévient Ingrid Riocreux dans La langue des médias, son remarquable essai sur la maladie du siècle, et elle nous indique par une foule d’exemples concrets comment nous en prémunir.


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  • Avoir fait partie des « je suis Charlie » et nous balancer la loi sur les fake news, je trouve cela assez croustillant.

  •  » Die französische Journalistik ist die Kunst, das Volk glauben zu machen, was die Regierung für gut findet.  »

    Heinrich von Kleist (1777 – 1811), Lehrbuch der französischen Journalistik, 1809

    ( Le journalisme français est l’art de faire croire au peuple ce que le gouvernement juge bon )

  • Il est complètement anormal que les journaux soient subventionnés par nos impôts . Ils devraient vivre de leurs abonnements uniquement . Ce n’est pas le socialiste macron qui changera ça !!! Je ne suis pas d’accord de subventionner par mes impôts , par ex , des torchons de gauche caviar tel que  » Libération  » et Le Monde  » qui faisaient l’apologie de la pédophilie et du tourisme sexuel ( avec des enfants de 11 ans ) fin des années 70 . C vérifiable , renseignez-vous. Bien abjecte , la gauche , comme toujours , c vraiment l’idéologie de ce qu’il y a de plus vil en l’homme… il faudrait écrire à nos députés non gauchos pour qu’une loi interdise ces subventions . Drahi ( Libé )et Niel ( Le Monde )n’ont qu’à injecter eux-même , faut pas déconner !!! j’en viens à croire que les seul pays non gauchiste et libres sont les USA …Un jour , il faudra se barrer là-bas …

    • Si , comme moi , vous êtes contre la pédophilie , boycottez les journaux gauchistes  » Le Monde  » et Libération  » qui ont promu la pédophilie dans les années 70 -80 . Ne leur donnez pas votre argent , il faut qu’ils fassent faillite ! Le boycott est une arme très puissante .

      • Le torchon  » Le Monde  » qui ‘ ‘ avec Libé et l’Huma ) avait titré en 1975 : Phnom Penh enfin libéré . Monstrueux , n’est ce pas ? Ces journaux gauchistes prouvent que l’idéologie gauchiotte est mortifère , liberticide , fasciste , monstrueuse , nauséabonde et est la négation même de l’individu . Elle est à combattre absolument , c’est le mal incarné !

  • « slogan-schtroumpf »
    J’adore !

  • les journaux gauchiottes parlent -ils du Vénézuala avec son inflation qui va atteindre 1 million pour cent ? mechancon s’est moqué des images d’un enfant qui mourait de faim là – bas , quelle sale petite ordure . Il mérite une bonne raclée .

  • Et , pour finir , quand les ouvriers et employés ,classes populaires et moyennes , comprendront-ils enfin qu’il n’est pas du tout dans leurs intérêts de voter à gauche ( à part ceux qui aiment les dictatures ) ?

    • ou de voter tout court c’est plus sensé……..arrêtez de croire que le vote est la solution bordel, c’est une partie du problème vous validez un systeme en place de merde.

      • « Un homme autorisé à se choisir un nouveau maître après un intervalle de quelques années n’en est pas moins esclave. »
        Lysander Spooner.
        .

  • Après avoir été ‘tous Charlie’, nous voilà tous charlots…

  • Remarquable analyse de ce langage mais aussi de ce métier de journaliste. Pour avoir écrit tous les jours mes deux pages d’un quotidien de province j’ai appris à « pisser de la copie ». Aujourd’hui retraité, je voudrais écrire vrai mais sans succès. http://photos-non-retouchees.over-blog.com/2018/08/le-club-des-pas-bonjour-a-saint-orens.html

  • Le fait qu’en plus tous de tout ce qui est décrit, il ne faut pas oublier que tous ces journaux sont subventionnés,
    cela revient à nous faire fabriquer le poison pour nous tuer.

  • des organes de presse partiaux et politiques , subventionnés par l’Etat donc propagandistes ça s’appelle encore « média » ???????????

    • Logique ! un « medium » est un être qui a la capacité de transmettre aux pauvres mortels la volonté des dieux. Un « journaliste » des médias publics est chargé de faire entrer dans le crâne des citoyens la bonne parole du gouvernement.

  • tout à fait juste mais le problème à mes yeux reste que les journalistes PENSENT qu’ils sont impartiaux et je trouve ça extraordinaire..

  • Les commentaires sont fermés.

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