La Vertu d’égoïsme, d’Ayn Rand

Pour Ayn Rand, la vie est une fin en soi et chaque être humain est une fin en lui-même.

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La Vertu d’égoïsme, d’Ayn Rand

Publié le 2 août 2018
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Par Francis Richard.

L’égoïsme peut-il être vertueux ? Oui, à condition d’être rationnel.

Ayn Rand l’explique dans cette version allégée de l’édition originelle parue en 1964 sous le titre The Virtue of Selfishness : le livre ne comporte en effet que sept des dix-neuf chapitres d’alors, mais, tels quels, ils sont nécessaires et suffisants.

Qu’entend-elle par égoïsme rationnel ?

Les valeurs requises pour la survie de l’homme en tant qu’homme, c’est-à-dire les valeurs requises pour la survie humaine.

L’homme a-t-il besoin d’un code de valeurs ? Ayn Rand répond par l’affirmative. Parce que l’homme a pour objectif de se maintenir en vie, et qu’il doit devant chaque alternative qui se présente à lui dans la vie choisir entre ce qui est bon et ce qui est mauvais pour sa survie.

La raison, à la différence des autres organismes vivants, est le moyen fondamental de survie de l’homme, et génère la réflexion et le travail productif : Ayn Rand parle d’éthique objectiviste, qu’elle oppose aux éthiques mystique, sociale et subjective, qui écartent raison, esprit et réalité.

L’humain, une fin en soi

Dans une telle éthique, où la vie est une fin en soi, où chaque être humain est une fin en lui-même, les trois valeurs sont la raison, l’intentionnalité et l’estime de soi et les trois vertus qui leur correspondent, la rationalité, la productivité et la fierté :

Une valeur est ce pourquoi l’on entreprend une action pour acquérir et (ou) conserver quelque chose. Une vertu est l’action par laquelle on l’acquiert et (ou) la conserve.

Dans une telle éthique, la raison est comme une façon de vivre permanente ; la productivité est l’utilisation de son esprit de la manière la plus réfléchie et la plus complète possible ; la fierté est d’atteindre à la perfection morale en refusant toute doctrine qui prêche l’auto-immolation comme une vertu ou un devoir moral.

Avec une telle éthique, il s’agit de poursuivre des valeurs rationnelles à partir du primat de la vie humaine, ce qui permet d’atteindre le bonheur, lequel est un but mais ne doit pas être une norme. Avec une telle éthique, les intérêts rationnels des hommes ne se contredisent pas :

Il ne peut y avoir de conflits d’intérêts entre des hommes qui ne désirent pas ce qu’ils ne méritent pas, qui ne font ni n’acceptent de sacrifices et qui traitent les uns avec les autres sur la base d’un échange librement consenti, donnant valeur pour valeur.

L’homme peut-il tirer avantage à vivre en société ? Oui, si cette société est humaine, c’est-à-dire si les hommes y sont rationnels, productifs et indépendants, parce qu’une telle société ne peut qu’être rationnelle, productive et libre, lieu de connaissance et d’échange.

Aimer, c’est valoriser

Dans une telle société les hommes peuvent être fraternels parce qu’aimer, c’est valoriser :

Seul un homme rationnellement égoïste, un homme qui a l’estime de soi, est capable d’amour, parce qu’il est le seul capable d’avoir des valeurs fermes et cohérentes, sans compromis et avec intégrité. L’homme qui ne se valorise pas lui-même ne peut valoriser personne ni quoi que ce soit.

A contrario une société altruiste dans laquelle valoriser autrui signifie se sacrifier soi-même ne peut être fraternelle :

L’altruisme jauge la vertu d’un homme par le degré avec lequel il abandonne ses valeurs, y renonce ou les bafoue, puisque l’aide à un étranger ou à un ennemi est considérée plus vertueuse, moins « égoïste », que l’aide à ceux qu’on aime…

Ayn Rand précise : La vertu impliquée dans l’aide à ceux que l’on aime n’est pas le « désintéressement » ou le sacrifice, mais l’intégrité.

Qu’est-ce que l’intégrité ? La loyauté envers ses convictions et ses valeurs.

Dans quel cas aider des étrangers ? En cas d’urgence (parce que la vie humaine est une valeur fondamentale, à commencer par la sienne : un homme rationnel considère ceux qui lui sont étrangers comme innocents jusqu’à preuve du contraire), et seulement si cela est en notre pouvoir :

Le principe d’entraide en cas d’urgence ne peut être étendu de manière à considérer toutes les souffrances humaines comme une situation d’urgence et de faire de l’infortune des uns l’hypothèque des autres.

Les droits individuels

L’éthique altruiste-collectiviste part du principe que les hommes sont responsables les uns des autres et que la vie des hommes appartient à la société. Or seuls les hommes en tant qu’individus ont le droit de décider quand et s’ils veulent aider les autres ; la société, comme système politique organisé n’a aucun droit à cet égard.

A propos de droit, une société libre ne peut l’être que si elle est fondée sur le principe des droits individuels :

Les droits sont un concept moral, le concept qui fournit une transition logique des principes guidant les actions d’un individu à ceux guidant sa relation avec les autres, le concept qui conserve et protège la moralité individuelle dans un contexte social, le lien entre le code moral d’un homme et le code juridique d’une société, entre l’éthique et la politique. Les droits individuels sont le moyen de subordonner la société à la loi morale.

Or c’est tout l’inverse qu’illustre l’histoire de l’humanité : Les éthiques dominantes […] furent des variantes de la doctrine altruiste-collectiviste, qui subordonnait l’individu à une certaine autorité supérieure, soit mystique, soit sociale.

Tous les systèmes étatistes, toutes les variantes de l’éthique altruiste-collectiviste, en effet, s’appuient implicitement sur le principe selon lequel le bien est ce qui est bien pour la société (ou la tribu, la race, la nation), et les édits des dirigeants en sont l’expression ici-bas.

Le droit à sa propre vie

A contrario, une société morale, telle celle des États-Unis des Pères Fondateurs, considère l’homme comme une fin en soi, et la société comme un moyen pour la coexistence pacifique, ordonnée et volontaire des individus :

La vie de l’homme est sienne en vertu d’un droit (ce qui signifie : en vertu d’un principe moral et de par sa nature), […] un droit est la propriété d’un individu, […] la société comme telle n’a pas de droits, et […] le seul but moral d’un gouvernement est la protection des droits individuels.

Il n’y a pas trente-six droits fondamentaux : il n’y a qu’un, le droit d’un homme à sa propre vie, c’est-à-dire la liberté de prendre toutes les actions requises par la nature d’un être rationnel pour la conservation, le développement, l’accomplissement et la jouissance de sa propre vie :

Le droit à la vie [ou la nature humaine] est la source de tous les droits, et le droit de propriété est le seul moyen qui en permette la réalisation. Sans droits de propriété, aucun autre droit n’est possible. Puisque l’homme doit maintenir sa vie par son propre effort, l’homme qui n’a aucun droit au produit de son effort n’a aucun moyen de maintenir sa vie. L’homme qui produit alors que d’autres disposent du fruit de son effort est un esclave.

C’est pourquoi Ayn Rand précise, face à la prolifération de prétendus nouveaux droits, des droits champignons, des droits économiques (que d’aucuns nomment droits-créances) :

Un droit n’inclut pas sa réalisation matérielle par autrui ; il inclut seulement la liberté de prendre toutes les actions nécessaires pour le réaliser, par ses propres moyens et son propre effort.

Parler de droits individuels est une redondance, mais elle permet de les distinguer de ces faux droits que sont les droits des masses ou droits collectifs :

Seul un individu peut posséder des droits. […] Un groupe ne peut avoir d’autres droits que ceux qui sont possédés par ses membres individuels. Dans une société libre, les droits d’un groupe découlent de ceux de ses membres suite à leur choix individuel et volontaire et à une entente contractuelle, et ne sont que l’application de ces droits individuels à une entreprise spécifique.

Dans une société libre, le financement du gouvernement serait volontaire, l’assistance non-sacrificielle ; le racisme et ses quotas, qui sont violation des droits d’autrui, ne seraient pas possibles…

Connaissez-vous une société libre ?

Ayn Rand, La Vertu d’égoïsme, Les Belles Lettres, 178 pages.

Sur le web

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  • Connaissez-vous une société libre (du point de vue d’Ayn Rand) ?
    Non, parce que, comme elle le dit elle-même, la construction des sociétés humaines s’est toujours faite selon un autre principe :
    « Les éthiques dominantes […] furent des variantes de la doctrine altruiste-collectiviste, qui subordonnait l’individu à une certaine autorité supérieure, soit mystique, soit sociale »
    Le monde selon Rand est une belle utopie à ranger sur l’étagère à côté du communisme…
    Il conviendrait de s’interroger sur le pourquoi de l’échec, dans la vraie vie, de ces deux options politiques (au sens d’organisation de la vie dans la cité). La faute à la nature humaine ?

    • Si cette option politique n’a jamais existé, on voit mal comment on pourrait constater l’échec, dans la vraie vie, du monde selon Rand …

      Et sur l’échec de sa mise en oeuvre, à la différence du communisme :
      « La principale leçon que le vrai libéral doit retenir du succès des socialistes est que ce fut leur courage d’être des utopistes qui leur a valu le soutien des intellectuels et donc un pouvoir d’influence sur l’opinion publique, laquelle sait rendre tous les jours possible ce qui hier semblait hors d’atteinte. Ceux qui ne s’intéressent qu’à ce qui semble praticable dans l’état présent de l’opinion ont toujours pu constater que même cela devenait impossible à réaliser à mesure que survenaient des changements dans une opinion publique qu’ils n’avaient rien fait pour guider. » (Hayek)

      • Le communisme, au sens marxiste du terme, société sans classe ni Etat, n’a pas été plus mis en oeuvre que le monde idéal de Rand. Les pouvoirs qui se sont lancé dans « l’aventure » se sont tous arrêté à la dictature du prolétariat, voire à la dictature tout court.
        Ces utopies sont des lignes d’horizon, inatteignables.

        • Communistes : Votre ennemi c’est le mur mitoyen. Le mien, c’est le despotisme. J’aime mieux escalader les trônes que la haie du voisin. »
          Victor Hugo

    • « Il ne faut pas considérer le libéralisme comme l’envers du socialisme, c’est-à-dire comme une recette mirobolante qui garantirait des solutions parfaites, quoique par des moyens opposés à ceux des socialistes. »
      Revel.

      Non, il ne faut pas Guido,

  • C’est en vivant dans une « prison » à ciel ouvert qui confisque de plus en plus la parole que l’on apprécie encore davantage Ayn Rand.

    Merci à l’auteur pour ce vent de liberté matinale.

    Pour rire :
    “Il est quelquefois préférable de ne pas savoir ce qu’on dit que de dire ce qu’on ne sait pas.”
    Pierre Dac

  • « Le communisme, c’est une des seules maladies graves qu’on n’a pas expérimentées sur les animaux. »

    Coluche

  • “Fascisme et communisme ne sont pas deux opposés, ce sont deux gangs rivaux qui se disputent le même territoire. Tous les deux sont des variantes de l’étatisme, fondés sur le principe collectiviste que l’homme n’a pas de droits et est l’esclave de l’Etat.”

    Ayn Rand

  • « Il ne peut y avoir de conflits d’intérêts entre des hommes qui ne désirent pas ce qu’ils ne méritent pas. »
    Justement, c’est le problème ! Notre société fabrique principalement des individus anvieux.
    Dans ce type de société beaucoup de personnes ont, par ailleurs, perdu l’estime d’elle-même consciemment ou pas. C’est pour, croivent-elles, retrouver cette estime qu’elles se sacrifient. Cela n’en fait pas une société altruiste justement.
    A ce point, je pense que les bouddhistes définissent mieux l’altruisme (le véritable pourrait-on dire), c’est justement ce qui est décrit plus haut dans l’article, à savoir un égoïsme rationnel qui demande beaucoup de force morale et intellectuelle. Ce niveau demande de faire des efforts longtemps afin d’y arriver. C’est en cela que la méditation peut aider.
    La confusion en Europe (je suis français), vient d’une erreur dans les définitions de l’altruisme et de l’égoïsme qui explique pourquoi le libéralisme n’arrive pas à être compris donc appliqué.
    Je pourrais encore développer et affiner mon propos mais ce serait trop long ici dans un commentaire.
    bonne journée à vous tous.

  • Ayn Rand ne se base pas sur la réalité de ce qu’est l’homme , elle crée donc une idéologie de plus.
    Pour commencer, l’homme n’est pas « rationnel », il est mu par ses désirs.
    « j’aime me gaver de glace. Rationnellement ce n’est pas bon pour ma santé, mais ça me fait plaisir, alors dans l’instant, je m’en fout, je bouffe ! je pleurerai après. »
    La source de tout en soi, est le désir, rien de rationnel au sens noble dans le désir, il s’agit uniquement ma satisfaction personnelle.
    L’altruisme pouvant être source de satisfaction.
    Ensuite tout n’est qu’ emballage rationnel pour justifier ses désirs irrationnels.
    Ayn Rand est une traumatisée des bolcheviques.
    Toute sa vie n’a été que réaction face au bolchevisme vécu dans son enfance, bolcheviques qui eux, niaient l’individualité.
    Comme dirait mes amis bouddhistes: la voie du milieu.

    • Spinoza n’aurait pas dit mieux…

      « Est bon ce que je désire : ce n’est parce que nous jugeons qu’une chose est bonne que nous la désirons, mais c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne »

    • L’homme est rationnel, car il est capable de réflexion et donc de dominer ses désirs. C’est ce qui le différencie de l’animal.
      l’altruisme peut être source de satisfaction, mais uniquement quand il est volontaire et non imposé.

      • Vous, c’est plutôt Descartes qui vous guide. La rationalité humaine et la bêtise animale.
        « La raison est la seule chose qui nous tend homme ».
        « si elles (les bêtes) pensaient ainsi que nous, elles auraient une âme immortelle aussi bien que nous »

        [Pfff, quel con, ce Descartes !]

    • L’homme est rationnel et n’agit pas obligatoirement rationnellement. Nous avons le choix.

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