Par Akinwumi Adesina.
Un article de Libre Afrique
Alors que l’Afrique a connu une forte croissance économique pendant près de deux décennies, le rythme de son industrialisation n’a pas été proportionnel. En moyenne, l’industrie africaine génère 700 USD de PIB par habitant, soit moins d’un tiers qu’en Amérique latine (2 500 USD) et à peine un cinquième de l’Asie de l’Est (3 400 USD). Pourquoi une telle situation ?
Des allures de coquille vide
Rappelons par ailleurs que les exportations africaines sont constituées de produits de faible technologie et de matières premières non transformées, représentant plus de 80% des exportations dans de nombreuses économies, même parmi les plus importantes du continent. L’Afrique ne produit encore que 1,9 % de la valeur ajoutée mondiale dans l’industrie manufacturière, une part qui n’a pas augmenté depuis des décennies malgré la résilience économique mise en évidence par les performances du PIB.
C’est pourquoi il faut modérer notre enthousiasme quand nous évoquons exagérément un « bond en avant ». On ne peut décemment pas parler de « bond en avant » quand le bond se limite à l’accès aux nouvelles technologies sans avoir maîtrisé les anciennes. Le capital humain fait toujours défaut et il reste à acquérir les compétences qui ne peuvent pas être greffées. Toute technologie a besoin d’une main-d’œuvre humaine intelligente et bien formée.
L’industrialisation de l’Afrique : un enjeu mondial
L’industrialisation de l’Afrique est un enjeu important, un deal gagnant-gagnant pour le monde entier. Elle contribuerait à accroître la productivité en stimulant le progrès technologique et l’innovation tout en créant des emplois plus qualifiés dans le secteur formel. L’industrialisation de l’Afrique favoriserait également l’intégration entre les secteurs des services et de l’agriculture, entre les économies rurales et urbaines, et entre les industries de consommation, et celles des biens intermédiaires et des biens d’équipement.
Elle rendrait également les prix des produits manufacturés moins volatils et moins susceptibles de se détériorer à long terme, sans oublier qu’elle aiderait également les pays africains à mettre fin à leur dépendance vis-à-vis des exportations de matières premières. Un continent africain économiquement développé serait une véritable bénédiction pour la paix mondiale : ça réduirait le nombre de conflits et l’ampleur des migrations illégales dans le monde.
Le pouvoir des NTIC
La 4ème révolution industrielle pourrait bien se produire en Afrique et elle entraînerait de grandes opportunités. De nombreux pays africains s’approprient rapidement les innovations et utilisent les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour fournir des services publics et favoriser l’inclusion dans les processus de prise de décision.
Des entrepreneurs africains bien connus et respectés sont en tête de peloton aux côtés de grandes entreprises et marques multinationales. De plus, une nouvelle vague de jeunes entrepreneurs africains lancent des startups fructueuses sur des plateformes numériques dans plusieurs secteurs d’activités et stimulent le commerce électronique sur le continent.
Pourtant, les gains de productivité et de croissance économique restent limités. Alors que l’Internet contribue en moyenne à 3,7 % du PIB dans de nombreuses économies avancées, il ne contribue qu’à 1,1 % du PIB africain, selon l’Internet Society. Cela signifie qu’Internet est principalement utilisé pour la consommation en Afrique plutôt que pour la production. Cela doit changer.
Avec la diffusion rapide des NTIC et l’émergence de la robotique et de l’intelligence artificielle, l’Afrique est également confrontée à un besoin urgent de transformer ses modèles d’éducation afin de préparer un avenir qui défie déjà le continent. La 4ème révolution industrielle détruira de nombreux emplois routiniers et peu qualifiés que les robots peuvent effectuer de manière plus rentable.
Mais il créera également un large éventail de nouveaux emplois à condition que les secteurs public et privé consacrent plus de ressources à l’apprentissage. Le continent doit être fort en recherche et développement. Et ceci est un défi important. Selon l’UNESCO, les moyennes régionales des parts du PIB consacrées à la RD sont de 2,1 % pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, 2,4 % pour l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale et à peine 0,4 % pour l’Afrique subsaharienne.
L’Afrique devrait profiter de gains significatifs et d’une efficacité améliorée en évoluant plus rapidement vers une économie basée sur Internet. Selon McKinsey, l’Internet peut générer des gains de productivité en Afrique dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des services financiers, de l’agriculture, du commerce de détail et des administrations publiques, de l’ordre de 148 à 318 Md$. Les NTIC ont également révolutionné le secteur financier grâce à la banque et services mobiles, ce qui a permis de promouvoir davantage l’inclusion financière.
Les systèmes financiers inclusifs permettent un large accès aux services financiers à des coûts abordables, et en particulier pour sortir des millions de groupes pauvres et défavorisés de la pauvreté. Cependant, la réalité reste décevante avec moins d’un adulte sur quatre en Afrique seulement qui a accès à un compte bancaire dans une institution financière formelle.
L’Afrique doit répondre aux exigences de la révolution numérique pour pourvoir en tirer parti. La simple consommation du contenu Netflix, Facebook et YouTube (aussi drôle, amusant soit-il) ne fera pas l’affaire.
Les défis à relever pour ne pas rater le train du progrès
L’Afrique a fait des progrès substantiels dans la scolarisation au cours des vingt dernières années, mais la qualité générale de l’éducation reste insatisfaisante. Les programmes d’études, les politiques, les investissements et l’engagement du secteur privé sont en retard et décalés par rapport aux besoins induits par les changements technologiques.
Les employeurs font donc face à une pénurie de compétences. C’est à ce niveau que l’Afrique doit apprendre des autres nations car c’est un défi incontournable qu’elle devra relever si elle veut réellement bénéficier de tout le potentiel des NTIC et avancer vers un modèle de développement unique.
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