Par Valéry Denis.
Rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité, d’accepter sans réserves l’impérieuse prérogative du réel. Clément Rosset
Quoi de commun entre un altermondialiste et un cocu, entre un zadiste et un cheminot en grève : leur capacité à tordre le cou au réel, à s’en exonérer. Le philosophe Clément Rosset est mort mais son œuvre demeure vivante et indispensable pour qui veut comprendre que l’idéologie et l’aveuglement qui l’accompagnent relèvent de l’incapacité à affronter un réel qui dérange.
Extrait de L’école du réel :
Rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité, d’accepter sans réserves l’impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – tolérés jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs.
Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire.
George Orwell
George Orwel a malheureusement raison, Clement Rosset aussi, nous ne vivons plus qu’avec la peur de ne plus être politiquement très, très correct