Éthiopie : l’embellie économique est-elle viable ?

Si l’Ethiopie ne profite pas de ses acquis actuels pour élargir et diversifier son économie, elle pourrait stagner encore longtemps en tant que 12ème pays le plus pauvre du monde.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Éthiopie : l’embellie économique est-elle viable ?

Publié le 24 juin 2017
- A +

Par Ibrahim B. Anoba.
Un article de Libre Afrique

Cette semaine, la Banque mondiale a déclaré que l’Éthiopie serait l’économie la plus dynamique en Afrique pour l’année 2017. Un qualificatif dû à sa croissance économique régulière de 10,8% depuis 2005, et qui a atteint 6,5% en 2016 (l’une des plus élevées au monde).

Mais, en dépit des progrès louables de l’Éthiopie, des taux d’imposition élevés et un monopole persistant de l’État dans des secteurs clés pourraient compromettre sa capacité à soutenir cet élan économique à long terme.

Parmi les économies africaines émergentes, l’Éthiopie est réputée pour la domination du dirigisme étatique. Un rapport de la « Heritage Foundation » en 2016 la considère parmi les économies les moins libres du continent (142ème au monde), dépassant seulement le Tchad, l’Érythrée et la Sierra Leone. Ceci est dû aux nombreuses législations qui restreignent les investissements étrangers dans les principaux secteurs de l’économie.

Des handicaps économiques certains

Par conséquent, seuls quelques privilégiés – habituellement des politiciens – ont accès à des industries prolifiques comme les télécommunications et les finances. Il est plausible d’expliquer une telle situation par le revenu par habitant relativement stagnant de l’Éthiopie (590 $), ce qui est nettement inférieur à la moyenne régionale.

À côté de sa rigidité économique, l’Éthiopie dispose d’un régime fiscal contraignant. Les taux d’imposition dans le pays sont parmi les plus élevés en Afrique. Actuellement, le taux de TVA est de 15%, l’impôt sur le revenu des particuliers est de 35%, et le taux d’impôts sur les sociétés atteint les 30%.

Ces taux élevés ont réduit le pouvoir d’achat des consommateurs, à mesure que la plupart des entreprises répercutent les taxes dans les prix des produits de base, infligeant ainsi des coups durs aux revenus des ménages. Cela s’est traduit par l’élargissement du secteur informel qui est prépondérant dans l’économie nationale.

Les effets du monopole étatique

Outre les effets négatifs de la pression fiscale, le monopole étatique éthiopien (GOE) dans des secteurs clés comme les télécommunications, les finances et la logistique compromet sa prospérité économique.

Ainsi, dans le secteur de la logistique, l’État détient 60% des entreprises de fret, tandis que 40% seulement sont contrôlés par des entreprises privées. Il n’est pas cependant surprenant que l’industrie n’ait pas encore contribué plus que son quota actuel de 10% au PIB ou qu’elle ne crée pas plus d’emplois. Ceci est d’autant plus regrettable au regard de son énorme potentiel si elle était complètement privatisée.

De même, l’agence étatique de télécommunication, Ethio Telecom, contrôle tous les services, y compris les communications fixes, mobiles, internet et transmission des données. Ce monopole fait subir des pertes à l’Éthiopie, car ce fort monopole prive le secteur de la concurrence nécessaire à l’innovation.

Des télécommunications en retard

Par ailleurs, la qualité des services de télécommunications en Éthiopie correspond à celle de la majorité des pays africains il y a plus d’une décennie. Et alors que le reste du continent récolte les bénéfices d’un secteur des télécommunications concurrentiel dynamique, l’Éthiopie stagne.

De même une industrie des télécommunications libéralisée promet plus de qualité de service à des prix avantageux, ce que de nombreuses entreprises exigent en Éthiopie.

Si cela se produit, le développement dans l’industrie pourrait éventuellement influencer d’autres secteurs et, bien sûr, aider à intégrer considérablement les 20 millions d’Éthiopiens sans emploi. Des effets positifs similaires peuvent survenir dans le secteur bancaire à mesure que les privatisions avancent.

Interdiction de la propriété étrangère

Bien que l’État ait autorisé la création de banques privées et de compagnies d’assurances en 1994, il a toujours interdit la propriété étrangère. Fait intéressant, le système bancaire éthiopien comprend une banque centrale (NBE), deux banques publiques et dix-huit banques privées.

Cela semble évidemment suffisant pour une économie émergente mais l’Administration du commerce international (ATI) a donné une image claire du secteur bancaire lorsqu’il a noté :

… En septembre 2011, la Banque centrale NBE a publié une réglementation qui a imposé l’augmentation du capital minimum versé pour établir une nouvelle banque de 75 millions de birr (3,4 millions de dollars) à 500 millions de birr (22,6 millions de dollars). À la suite de cette réglementation, toutes les banques en formation qui ne satisfaisaient pas à toutes les exigences d’application nécessaires ont été dissoutes ou détournées vers d’autres investissements. La NBE a encore augmenté le capital minimum versé par les banques à 2 milliards de Birr (90,4 millions de dollars) et a conseillé toutes les 18 banques privées en cours d’exploitation d’augmenter leur capital versé à ce montant d’ici 2020.

Un secteur bancaire prometteur

De manière prévisible, l’État a entravé le fonctionnement des banques privées et a souligné sa volonté de préserver son monopole. Pourtant, les géants financiers étrangers, y compris le Groupe Standard Bank, le Groupe KCB du Kenya, Citigroup, Commerzbank et Ecobank Transnational continuent de s’intéresser au secteur, confirmant ses potentiels prometteurs.

Certes, l’Ethiopie réussit bien pour le moment en dépit de ses politiques anti-marché, mais elle ne doit pas se perdre dans l’euphorie alors qu’elle peut faire mieux encore grâce à des mesures favorables au libre marché.

De nombreuses économies africaines, dont le Nigéria (années 1970), la Tanzanie (années 1960) et le Zimbabwe (années 1990) ont expérimenté des politiques anti-marché semblables, mais malgré les premières améliorations économiques – comme c’est le cas en Éthiopie contemporaine -, l’absence de secteurs privés solides pour absorber les chocs, notamment le recul des revenus a finalement fini par faire éclater leurs bulles.

Si l’Ethiopie ne profite pas de ses acquis actuels pour élargir et diversifier son économie, elle pourrait stagner encore longtemps en tant que 12ème pays le plus pauvre du monde.

Sur le web

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La DREES a publié le 14 décembre dernier une étude qui révèle, que pour la septième année consécutive, la France est championne européenne des dépenses sociales. Celles-ci représentent 32,2 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE se situe à 21 %.

Mais, dans le même temps, le taux de pauvreté augmente dans notre pays : entre 2004 et 2021 le nombre de pauvres (seuil à 50 % du niveau médian) est passé de 4,2 à 5,2 millions de personnes. Pourquoi nos dépenses sociales sont-elles aussi élevées ? Comment continuer à les financer ?<... Poursuivre la lecture

Sommes-nous heureux ? Qu’allons-nous devenir ? Pourquoi j’existe ?

Des questions bien trop nébuleuses pour le penseur de l’économie, des questions qu’il préférera résumer en une seule : quel PIB par habitant ? Un indicateur critiquable, mais quantifiable.

Le PIB par habitant reste l’indicateur le plus utilisé pour évaluer nos progrès, notre rang, notre niveau de vie. Or, c’est justement sa mesure qui inquiète aujourd’hui. Le PIB par habitant croît toujours, mais de moins en moins vite, et l’horizon pourrait s’assombrir davantage... Poursuivre la lecture

Un article de Philbert Carbon.

L’IREF le clame depuis sa création en 2002 : une réglementation excessive nuit à la croissance économique. Nos collègues danois du think tank CEPOS montrent qu’en limitant l’inflation réglementaire, le PIB pourrait augmenter d’environ 14 % en dix ans.

 

Une réglementation débordante

CEPOS déplore la croissance de l’État réglementariste au Danemark. En 1989, il y avait 7,5 millions de mots dans l’ensemble de la législation. Il y en avait 19,3 millions en 2022. Le volume a presque triplé ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles