Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre
Dans son ouvrage « Body hacking », Cyril Fiévet questionne une démarche volontaire, menée par des individus qui ont décidé de modifier leur corps en y adjoignant des composants artificiels dans le but de transformer son fonctionnement naturel.
Un choix au premier abord radical, voire choquant, alors que la volonté même de vouloir changer son corps s’inscrit dans une lignée et la continuité de logique plus connues et plus admises. « Le tatouage, le piercing ou la chirurgie esthétique sont autant de méthodes pratiquées de longue date pour apporter des modifications importantes et souvent irréversibles, au corps humain », souligne l’auteur.
Mais si la démarche relève du courant transhumaniste, les hommes et les femmes qui ont fait le choix de transformer leur corps sont, pour certains, en désaccord avec ce courant de pensée qu’ils jugent trop « empirique ou théorique ». Pour l’auteur, les body hackers sont en quelque sorte, des « ultra-transhumanistes, ayant décidé de privilégier la pratique et l’action à la simple réflexion théorique ».
Le transhumanisme :  à la recherche de l’homme augmenté
Le transhumanisme est, comme le rappelle Cyril Fievet, un mouvement culturel et intellectuel, qui vise à étudier les possibilités d’amélioration de la condition humaine par le biais de la technologie. Un moyen de s’affranchir des limites de l’humain. Aux États-Unis, le transhumanisme a ses porte-paroles de renom comme Ray Kurzweil, inventeur de l’intelligence artificielle.
Le body-hacking se concentre quant à lui sur la notion de fusion entre le corps et la machine, l’articulation des pièces mécaniques avec des organes humains :
Le premier stimulateur cardiaque « pacemaker », a été implanté en 1958 et s’est rapidement généralisé. Plusieurs millions de personnes vivent aujourd’hui avec dans leur poitrine, une machine palliant leurs insuffisances ou irrégularités cardiaques et plusieurs centaines de milliers de ces stimulateurs électriques sont implantés chaque année.
Le cerveau humain peut lui-même être stimulé par des appareils fonctionnant sur le même principe, afin de traiter des troubles neurologiques, via la technique de la « stimulation cérébrale profonde », ou « deep brain stimulation ».
L’œil de la caméra, la caméra dans l’œil
Plusieurs projets visant à intégrer des caméras dans le corps humain ont été menés par le passé. Steve Mann fait figure de précurseur dans ce domaine. Professeur dans le département d’ingénierie électrique et informatique de l’université de Toronto, il a participé à de nombreux projets de recherche d’augmentation de l’humain comme le « wereable computing », ou encore le « life logging ».
Des recherches qui ont fait l’objet d’un documentaire et encouragé des scientifiques mais aussi des artistes à explorer ces champs d’expérimentation à l’instar de l’artiste américain d’origine irakienne Wafaa Bilal qui diffuse sur le web, en temps réel et de façon continue, des images capturées par une caméra fixée à l’arrière de son crâne.
En 2010, une fondation espagnole se donne même pour objectif d’aboutir à la création d’« eye-borgs », des yeux cybernétiques permettant aux humains de percevoir la lumière, les couleurs, les formes au travers du son.
La démarche de body-hacking n’est assortie d’aucune limite, explorant pleinement le champ des possibles, les seules limites étant celles de l’innovation technologique et des connaissances.
L’homme augmenté par l’homme : le futur est déjà lÃ
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des individus se verront bientôt conférer par des machines fonctionnant en parfaite synergie avec leurs organes, leurs muscles et leurs os, des pouvoirs et des capacités nouvelles.
Les implications et les répercussions de tels pouvoirs seront multiples et toucheront plusieurs domaines :
Au plan politique, on se demandera s’il faut légiférer et restreindre le droit des individus à se transformer eux-mêmes en cyborgs aux fonctions étendues, tandis que les plus motivés à le faire réclameront que soit conservée la liberté de chacun à pouvoir décider ce qu’il fait de son corps.
Des considérations éthiques remettront également en question les limites de l’expérimentation, sur le plan génétique par exemple, et d’un point de vue plus philosophique, on s’interrogera enfin sur la place de ces humains ayant surpassé d’autres êtres humains.
Tout cela ne peut que nous interpeller et poser d’une façon tout à la fois nouvelle, brutale et concrète, le débat philosophiquement fondamental : quelle est la définition de l’humain et, de façon corollaire, si l’humain n’est qu’une machine, jusqu’à quel point pouvons-nous la modifier ?
Pour aller plus loin :
- « Body hackers : ce sont les pirates du corps humain », Science et avenir.
- « Body hacking : l’homme artificiellement augmenté est-il plus libre ? », France Culture.
- « Body-hackers: the people who turn themselves into cyborgs », The Guardian.
- « Body Hacking’ Movement Rises Ahead Of Moral Answers », NPR.com
quitte à modifier l’humain , ce serait chouette de le rendre ….plus humain…..
@ véra
Tout est dit,mais pour ce faire encore faudrait-il comprendre la nature de la conscience humaine qui reste une énigme, à l’instar de l’existence de notre univers”connu”.
“L’intelligence” artificielle présente bien de sérieuses limites!